Birdy : “Je ne serais pas là sans Skinny Love, je dois l’aimer !”
Mercredi 23 mars. J’ai rendez-vous avec Birdy pour parler de la sortie de son troisième album. Il est 14h50 quand j’arrive devant l’Hôtel Amour,. L’interview est à 15h10. Ca va je suis large, j’aime bien arriver à l’avance, pour ne pas me presser, ne pas me stresser. Etrange, il n’y a personne. J’appelle l’attaché de presse :”ah mais non, c’est pas là, c’est au Grand Amour, à Gare de l’Est”. Panique. Stress. Merde. Je saute dans un Uber. Il y a des bouchons. A 15h, un mercredi ? WTF ! J’arrive à la bourre de 20 minutes. Heureusement pour moi, la journée promo a, elle aussi, un peu de retard. Tu vois, les journalistes, on dit souvent d’eux qu’ils ne comptent pas leurs heures. En interview, c’est pareil. On parle toujours trop, on a toujours trop de questions et c’est bizarre comme le temps file à une vitesse folle. Je remercie, dans mon for intérieur les collègues qui ont, un peu, bousculé le planning. Finalement, j’arrive quand l’interview précédente vient de terminer. Ouf, je ne suis pas trop à la bourre. Birdy est là. Longue chevelure négligemment brossée, silhouette longiligne, des jambes à n’en plus finir au bout desquelles il y a ses bottines rouge pétant aux talons vertigineux. A côté d’elle, j’ai l’air minuscule. On s’installe dans un coin du restaurant de l’hôtel avec deux bouteilles d’Evian sur la table. On peut commencer l’interview.
Birdy, comment tu vas ?
Très bien, je suis un peu fatiguée. On enchaîne beaucoup en ce moment, je suis arrivée hier matin, on repart demain. Mais, j’ai bien dormi cette nuit. Et longtemps, donc tout va bien, merci. Et toi ?
Pas mal ! Tu sors ton troisième album, vendredi, comment tu te sens ?
Je suis un peu nerveuse parce que c’est mon album préféré. J’en suis très fière et j’ai un peu peur de ce que les auditeurs vont en penser. Il est plus personnel que les précédents et j’ai vraiment pris mon temps pour l’enregistrer, ça m’a pris plus d’un an et demi, donc j’en suis très proche.
Si tu devais le décrire en trois mots ?
Wow, c’est dur comme question (rires). Je dirais qu’il est assez romantique, que les influences sont plutôt âgées et asiatiques… Et, j’espère qu’il est un peu enchanteur. Qu’il embarquera les gens dans un autre monde.
Tu dis que sa fabrication a pris plus d’un an, pourquoi était-ce aussi long ?
Je voulais vraiment bien faire les choses. C’est la première fois que j’avais la possibilité de contrôler les choses. J’avais vraiment une vision globale, je savais exactement ce que je voulais faire et j’avais envie que ce soit comme je l’avais envisagé. De la pochette de l’album jusqu’à la production des chansons. C’était vraiment agréable. Pour les albums précédents, je pense que j’étais trop jeune pour comprendre et savoir ce dont j’avais envie. Ça m’a pris un peu de temps pour avoir ma propre opinion.
Il y a une très jolie chanson en ouverture de Beautiful Lies, c’est “Growning Pain”, peux-tu m’en parler un peu plus ?
C’est une chanson qui a été influencée par ma lecture du livre Les mémoires d’une Geisha. J’aime vraiment beaucoup ce livre et je ne sais pas pourquoi mais c’est comme si je me retrouvais au Japon, alors que je ne suis jamais allée dans ce pays. Mais ça m’a emmené là-bas, j’imaginais les rivières et les montagnes. Quand j’ai écrit cette chanson je pensais à ces paysages. Et puis, cette chanson, elle parle aussi des années que l’on passe à l’école. On est proches de beaucoup de personnes et quand tu grandis, tu vas à l’Université, les chemins se séparent et tu ne les vois plus jamais.
L’album est assez mélancolique dans son ensemble, c’est voulu ou c’est juste… arrivé ?
(rires) C’est vrai qu’il est assez mélancolique et que les mélodies sont assez tristes mais le message est plein d’espoir, je l’espère en tout cas. J’aime ce mélange entre la lumière et le noir. Même si l’atmosphère est parfois mélancolique, j’aime penser qu’il y a toujours un peu de lumière dans un sombre tunnel. C’est ce que veut dire cet album.
Penses-tu que c’est plus simple d’écrire des chansons tristes ?
Pour moi, oui. En tout cas, je pense que les chansons « heureuses » sont plus compliquées à écrire, parce qu’elles peuvent vite devenir ringardes. Pour moi, une chanson triste est plus authentique. J’écoute beaucoup de chansons tristes, j’ai grandi avec. Ma mère écoutait beaucoup de musique classique. Je crois que ça a toujours été ancré en moi. Ca a plus de résonnance en moi et ça en a encore plus quand c’est joué au piano. Quand j’écoute deux versions d’une chanson, une au piano et une à la guitare, je vais immédiatement préférer celle au piano. Alors que c’est la même chanson ! Oui, je sais, c’est un peu bizarre (rires).
Tes chansons sont toujours très personnelles, ça ne te fait pas quelque chose d’étrange de les faire écouter ensuite, de les chanter en public ? C’est comme si les gens étaient dans ta tête non ?
Un peu oui (rires) mais je suis quelqu’un de très secret et de très timide. Mais j’ai l’impression qu’il reste une part de mystère dans ce que je propose, je l’espère du moins. Il y a beaucoup de choses personnelles, des moments qui proviennent de mes propres expériences mais j’ai l’impression que je ne peux pas les garder pour moi.
Timide ? Mais du coup ce n’est-ce pas compliqué de monter sur une scène ?
Je suis toujours terrifiée avant de monter sur scène. Je suis très nerveuse mais je pense que c’est la même chose pour tout le monde, c’est naturel et c’est une très bonne chose. Mais j’aime tellement chanter, quand je chante je me sens connectée et j’oublie ma peur. Par contre, parler entre les chansons c’est autre chose ! (rires) Je déteste parler ! Je me sens toute bizarre à chaque fois parce que ce sont les moments où tout le monde peut me voir… Et il y a tellement de gens autour de moi que je ne connais pas… je dois leur dire ‘hello’… C’est encore très étrange pour moi mais j’imagine que ça le sera de moins en moins avec le temps. Peut-être que je serai meilleure dans cet exercice… un jour ! (rires)
Ecrire des chansons c’est quelque chose de vraiment puissant mais ça fait aussi terriblement mal
Est-ce qu’il y a une chanson qu’on te demande toujours de chanter en concert ?
Je dois te dire « Skinny Love ». Je pense que je vais la chanter pendant très longtemps encore, mais ça me va, c’est une très jolie chanson.
Tu regrettes de l’avoir reprise ?
Je dois la chanter tout le temps ! Ça me rend folle ! (rires) Non, ce n’est pas vrai, je plaisante, évidemment ! Je ne serais pas là sans cette chanson… donc je dois l’aimer. En fait, je l’aime réellement, elle est très chère à mon cœur.
Si tu avais Justin Vernon au téléphone maintenant, qu’est-ce que tu lui dirais ?
Oh mon Dieu ! Je ne sais pas… Je n’ai jamais eu l’occasion de lui parler. J’ai entendu dire qu’il aimait bien ma reprise mais c’est tout. Ce serait tellement bizarre, mais je ne saurais pas quoi lui dire… Je suis tellement fan de Bon Iver. Je lui dirais probablement merci d’avoir écrit une si jolie chanson et de m’avoir donné l’occasion de la reprendre.
Comment es-tu tombée sur cette chanson d’ailleurs ?
Par ma tante. Elle aimait bien jouer les chansons de Bon Iver. C’est comme ça que Bon Iver m’a été introduit. “Skinny Love” est une des chansons qui m’a marqué mais ce n’est pas la seule, il y a “Flume” aussi que j’aime vraiment beaucoup. Avant “Skinny Love”, je n’avais jamais fait de reprises, j’avais plutôt l’habitude de chanter mes propres chansons. C’était quelque chose de tout nouveau, je voulais essayer quelque chose de nouveau.
Il y a beaucoup de chansons dans ton nouvel album…
Oui, je ne pouvais pas choisir. Et j’en avais encore beaucoup d’autre et ça m’a pris des mois pour savoir lesquelles j’allais laisser de côté. Toutes les chansons qui sont sur cet album ont une signification toute particulière pour moi, elles devaient s’y retrouver… Ça donne un album plutôt long au final. 18 chansons. (silence) J’ai beaucoup co-écrit sur cet album, c’est quelque chose que j’ai vraiment aimé. C’est en rapport avec l’ombre et la lumière dont je te parlais juste avant. Ecrire des chansons c’est quelque chose de vraiment puissant mais ça fait aussi terriblement mal. J’ai travaillé avec Simon Aldred qui a écrit « People help the people », une chanson que j’ai reprise et j’étais tellement folle à l’idée de travailler avec lui.
Si tu devais choisir ton titre préféré parmi les 18 chansons, ce serait laquelle ?
“Unbroken”. Pour moi, c’est le calme après la tempête. C’est une façon de me dire ‘tout ira bien’, il y a des choses qui arrivent dans la vie, des mauvaises parfois, mais la vie continue. C’est quelque chose que je me répète souvent quand les choses ne tournent pas de la manière dont je voudrais. Et puis, cette chanson ressemble à un poème. C’est quelque chose que j’aime bien.
Tu lis beaucoup de poésie ?
Pas tellement pourtant c’est quelque chose que j’adorais quand j’étais à l’école. Et puis j’aimais en écrire aussi. Je sais que je devrais en lire mais je n’ai pas vraiment le temps et je le regrette.
Tu penses déjà à la tournée ?
J’ai déjà joué quelques concerts et j’ai joué les chansons de cet album, ça m’a donné un avant-goût de ce que serait la tournée. J’avais oublié que j’aimais être sur scène, ça m’a donné plein d’énergie et je suis très excitée à l’idée de repartir en tournée.
Quel est ton meilleur souvenir de concert ?
Un de mes concerts préférés… c’était à la Cigale. Je ne sais pas pourquoi mais il m’a marqué. Le public était adorable et la salle est magnifique, un très beau théâtre.
Et le pire ?
Je crois que c’était un festival en Allemagne. Je n’avais plus de voix, c’était si embarrassant parce que je ne pouvais pas chanter, je me sentais si mal… mais qu’est-ce que je pouvais y faire ?
Quel genre de fille tu es quand tu enlèves le costume de chanteuse ?
Je suis du genre… fainéante ! (rires). J’aime être chez moi, à la campagne. J’aime beaucoup trop dormir, voir mes amis… mais pas pour faire la fête, je ne suis pas trop fêtarde. J’aime les fêtes, bien sûr, mais pas les boîtes de nuit.
Si tu avais la possibilité de retourner dans le passé et te rencontrer plus jeune, quel conseil te donnerais-tu ?
Oh ! C’est dur (rires). Mon Dieu. Je me dirais : il faut que tu apprennes à dire non parfois, il faut que tu te souviennes que les chansons sont à toi. C’est un conseil que j’aurais aimé recevoir, plus jeune. C’est ce genre de choses qu’on apprend avec l’âge…
Est-ce que tu as quelques regrets ?
Non pas vraiment ou si peut-être de partir trop souvent et de perdre de vue des personnes en chemin, des amis. Quand tu pars, ton esprit est tellement ailleurs et occupé que c’est facile d’oublier ce qu’il se passe chez toi. On perd les gens tellement facilement que c’est important de garder le lien vivant.
Tu n’as pas l’impression que tu as loupé quelque chose dans ton enfance parce que tu as été connue très jeune ?
Peut-être les moments en famille… Rater des anniversaires, des vacances… Mais ma famille est très souvent avec moi, donc je n’ai pas vraiment été toute seule, j’ai toujours été entouré. Mais j’aime vraiment être chez moi, quand je pars j’ai très souvent le mal du pays, ma maison me manque. C’est le plus dur
Je n’ai plus de questions, par contre je te laisse le mot de la fin pour conclure cette interview, tu me dis ce qu’il te passe par la tête…
Ce qui me passe par la tête ? (rires). Ok, j’adore ton collier. Très ethnique, c’est un truc que je pourrais complètement porter… Ou est-ce que tu l’as acheté ?
Dans une petite boutique à Montmartre, je crois.
Oh, c’est vintage non ?
Oui ! Puisqu’on est là, j’avoue que j’adore tes chaussures.
Ah oui ? Elles sont vintage aussi, j’adorerai faire un tour dans les boutiques de Montmartre pour trouver un collier comme le tien. Je n’arrêtais pas de le regarder, pendant toute l’interview. (Grand éclat de rire)
L’attaché de presse nous interrompt. 19 minutes et 56 secondes. J’avais vingt minutes. Timing respecté.
Propos recueillis par Sabine Swann Bouchoul
Interview à lire aussi (en version courte) sur Metronews