Festival d’été de Québec jour 3 : The Tallest Man On Earth, Safia Nolin, Socalled
Il fait gris place d’Youville mais il ne pleut plus. Ouf. Le premier concert de la journée peut commencer dans une ambiance enjouée propre au groupe montréalais SOCALLED. Ils sont six sur scène. Six pour une pop-hip-hop festive. Une basse presque reggae et un saxophone qui prend parfois des airs de bombarde de l’est. Une variété de sons et d’ambiances se mélangent pour le plus grand bonheur des festivaliers qui, profitant de l’éclaircie dans leur k-way se laissent aller aux conseils avisés de Josh Dolgin, l’hurluberlu chanteur-ambianceur, qui ni une ni deux se balade dans la foule avec son accordéon et fait chanter un extrait de “Bootycall” : “pas besoin de stress pour notre partie de fesses” sans nul complexe. Le groupe est punché par l’alternance des voix féminine et masculine, ainsi que par la variété des séquences, qui mêlent pop, jazz et parfois rap. Un melting-pot réjouissant !
La pluie redouble alors que l’on rejoint pour la 1re fois l’Impérial, dans le bas de Québec. Une longue file court le long du bâtiment, tous ne sont pas sûrs de pouvoir rentrer, la salle étant déjà en grande partie comble quand on s’y engouffre. L’affiche a de quoi faire rêver les amateurs de beau folk : The Tallest Man On Earth fait étape à Québec, après avoir conquis les Montréalais quelques jours auparavant.
Mais d’abord, place à l’excellente SAFIA NOLIN, qu’on n’avait pas eu la chance de voir, lors de sa venue en France. Québécoise pure souche, Safia Nolin est accompagnée de Joseph son guitariste attitré. Vêtue de nouveau souliers achetés pour l’occasion, d’une robe blanche soyeuse et d’une veste fleurie, la jeune femme interprète les titres de “Limoilou” (le quartier de Québec où elle a grandit) son premier album. Elle l’a dit : les chansons gaies c’est plat. À la place, elle débite son folk triste à souhait. Paroxysme de la mélancolie que cette première partie de soirée. Alors que le public présent – mais bruyant – Safia chante les déboires de la vie, accompagnée de son délicat jeu de guitare acoustique et de sa voix puissante qui touchent au plus profond des cœurs les plus blindés. Elles s’enhardit même de reprises : “Work Work Work” de Rihanna, version guitare-voix, suivi d’une deuxième reprise du groupe québécois Offenbach, “Ayoye”.
Elle est un peu comme chez elle Safia : elle nous racontes des anecdotes avec candeur et humour: celle de sa frayeur à remonter une cote avec son van alors qu’elle n’est titulaire que d’un permis temporaire, le changement de peinture de l’Impérial où elle avait l’habitude d’aller, ou encore ses errances sur Wikipédia, telle une “promenade de hobbit dans la prairie” quand elle n’arrive pas à trouver le sommeil. Elle ne fera pas de rappel, “ça me gêne car je ne sais pas comment faire”. Elle clôture finalement son set d’1h avec son single “Igloo” et “Noël d’abord”. Les lumières se rallument et une voix annonce : “L’Impérial affiche désormais complet”. Well done girl.
Setlist : La Laideur / Valser à l’envers / Acide / Si seulement / Les Marées / Les Excuses / Work Work Work (cover Rihanna) / Ayoye (cover Offenbach) / Technicolor / Aujourd’hui, demain / Ce matin / Rappel : Igloo / Noël partout
THE TALLEST MAN ON EARTH jaillit à 22h pétante sur la scène de l’Impérial, bondissant et sautillant. Kristian Matsson, de son vrai nom, s’accapare le devant de la scène, telle une danseuse étoile soliste dans un ballet. Il se hisse sur ses demi-pointe continuellement, dans des bottines de lutin. Courbé sur son micro, il dégage pourtant avec aisance son timbre de voix. Et il en joue ! Dès que le public se montre trop bruyant à son goût, il baisse immédiatement la nuance, jusqu’à atteindre le silence complet de la salle, venue en grande majorité pour lui. Il use de cette technique efficace à plusieurs reprises, sans scrupule, avec un sourire coquin. “Nous ne sommes jamais venus dans cette petite ville. Je vous préviens, il va y avoir beaucoup de chansons tristes !” dit-il mi-amusé, mi-sérieux.
The Tallest Man On Earth c’est exactement ça : du folk bien orchestré, ou du folk organique. C’est aussi un petit homme d’apparence frêle, dont un farfadet maléfique dicte les mouvements. Il est imprévisible et un peu timbré. On le voit interpréter impassible ses plus belles ballades, parcourir la scène sur la pointe des pieds, assaillit par sa musique, puis l’instant d’après raconter qu’il lui a bien fallu “8 ans dans un tour bus pour travailler cette dernière note [à vide ndlr]” sur “The Gardener”. Fou on vous dit ! Tout comme le public, on a particulièrement apprécié cette parenthèse solo acoustique de quatre chansons au milieu du set, où le Suédois s’agite seul sur scène, et violente sa guitare pour des moments fantastiques, “Love is All” et “Time of the Blue”. La foule est subjuguée, nous aussi. Il pleut toujours dehors. Le temps s’est arrêté. On croit bien avoir vécu l’un de nos plus beaux concerts à Québec.
Setlist : Wind & Walls / 1904 / Fields of Our Home / Burden of Tomorrow / The Wild Hunt / Darkness of the Dream / Love is All / I Won’t Be Found / The Gardener / Time of the Blue / Sagres / Revelation Blues / Timothy / King of Spain / Dark Bird is Home / Rappel : The Dreamer / Like the Wheel
Photos : Emma Shindo (sauf The Tallest Man On Earth et Safia Nolin © Sébastien Dion)
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