Westworld : qu’est-ce qui fait de nous des humains ?
WESTWORLD – C’est le genre de série qui te donne des nœuds au cerveau. Qui te fait te dire “putain” à chaque fin d’épisode. La série dont tu ne comprends pas toujours l’intrigue. Mais ce n’est qu’à la fin que tout rentre dans l’ordre.
Westworld, nouveau bébé de HBO (la chaîne qui diffuse Game of Thrones, entre autres), aime jouer avec nos nerfs. Avec nos deux neurones pas très bien connectés, elle aime jouer avec nos consciences, avec nos conceptions du bien et du mal. Westworld, c’est quoi ? C’est un parc créé par des scientifiques qui pensent être des Dieux de la création. Déjà, ça signifierait que l’homme en lui-même est une création d’un être supérieur. Tu en conviens, c’est déjà bizarre comme postulat de départ. Bref, ce n’est pas la question.
Le parc reproduit le far-west, avec ses bordels, ses indiens, ses shérifs, ses soldats, ses vilains qui pillent et tuent, ses chemins de fer et ses hôtes. Les hôtes : des humanoïdes qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à de véritables humains. Ce sont les shérifs, les putes, les indiens, les vilains du parc. Ils animent et font vivre Westworld mais suivent à la lettre les scénarios des créateurs qui ont bien entendu pensé à tout : leur donner des émotions, des traits de caractère et… parfois même une conscience.
Les personnes en mal d’aventures, coincées dans une vie trop bien rangée se rendent dans ce far-west reconstitué, plus vrai que nature. Après tout, on a tous rêvé de vivre dans la série Docteur Queen, Femme médecin. Sauf qu’à Westworld, on ne sauve pas des vies. On ne chevauche pas les cheveux au vent sur le dos d’un cheval, serrant bien fort les hanches du beau Sully. Westworld a plutôt tendance à faire ressortir les plus gros travers des Hommes. D’ailleurs, c’est drôle, mais il n’y a que des hommes qui se rendent dans le parc et ils veulent assouvir toutes leurs pulsions malsaines. Baiser, torturer, violer, tuer. Bien sûr, il y a ce timide et refermé William qui veut être un héros, protège la veuve et l’orphelin. Mais lui aussi finit par devenir un tueur sanguinaire, qui en une nuit massacre une dizaine d’hôtes.
Au-dessus des règles
D’une part, il y a les invités. De l’autre les hôtes, enfermés dans un rôle qu’on leur a attribué. Mais les créateurs ont fait les hôtes à leur image, c’est-à-dire à celle de l’humain. Avec ses qualités et ses défauts. Parmi elles : la conscience, la mémoire, les émotions, les souvenirs. Et ce sont ces qualités qui vont changer la donne dans l’esprit des hôtes. Jonathan Nolan, le créateur de la série et scénariste d’Inception, confie à IGN : “L’idée que nos vies pourraient être programmées, qu’il pourrait y avoir des règles du jeu avec lesquelles nous ne sommes pas familiers, que nous ne pourrions pas comprendre, c’est quelque chose qui m’a longtemps fasciné – l’idée du destin, et donc l’idée d’une main invisible pouvant influencer les événements”.
À force de se souvenir des vies passées qu’on a pourtant tenté de leur effacer, les hôtes comprennent que quelque chose ne tourne pas rond. Ils comprennent qu’ils ne sont pas libres, qu’ils n’ont pas de libre-arbitre, qu’ils ne sont que des instruments dans la main de faux dieux. Dès lors, il n’y a qu’une solution pour eux : se rebeller contre le créateur. Mener sa révolution pour trouver sa liberté. Les rôles s’échangent presque d’épisodes en épisodes. Les hôtes étaient les jouets, les pantins, ils coupent alors les liens et tirent désormais les ficelles en jouant avec les mêmes règles que les humains, quitte à adopter leurs traits les plus vils. Mais, c’est ce qui fait l’être humain. Chacun a une part d’ombre et de lumière et ce qui fait l’humain et sa capacité à choisir la personne qu’il veut être.
Jeu de rôle
Westworld, adaptation du film du même nom, sorti en 1973, écrit et filmé par Michael Crichton (Jurassic Park) interroge la condition humaine dans son entièreté. La série recrée une mythologie et pose des questions philosophiques sur qui nous sommes vraiment, qui nous voulons être. Cela aurait pu être chiant. Mais le talent des scénaristes est tel que les épisodes sont addictifs, intelligemment ficelés et réservent leur lot de surprises comme d’interrogations.
Le show est porté par un casting parfait. Anthony Hopkins campe le personnage du créateur suprême, Robert Ford. Ed Harris est l’homme en noir, un joueur doté de zéro conscience prêt à tout (vraiment prêt à tout) pour arriver à ses fins. Thandie Newton impressionne dans la peau de Maeve, l’humanoïde qui se rebelle. On retrouve également Jeffrey Wright, James Marsden et Evan Rachel Wood. Aucun d’eux ne porte le rôle du personnage principal. Toutes les histoires se mélangent, se croisent de près ou de loin mais ils ne tissent pas de liens particuliers avec le téléspectateur. On ne suit pas l’histoire depuis leur point de vue, on ne prend pas partie. On ne les aime pas particulièrement, comme on ne les déteste pas. Le téléspectateur suit leurs aventures de loin, avec détachement mais également avec une fascination impossible à définir.
La musique, clé de l’intrigue
Si on est happé et séduit par Westworld, c’est en partie à cause ou grâce à sa musique. Les grands standards de la musique pop et rock y sont revisités au piano par Ramin Djawadi, le compositeur de la série. On y redécouvre du Radiohead, Nine Inch Nails, The Animals, Amy Winehouse. Elle y joue un grand rôle et en est même un personnage à part entière dans la série. D’ailleurs, le piano se retrouve dans le générique de début, pour bien montrer qu’il a un rôle à jouer, qu’il est une clé de l’intrigue.
Laquelle ? On ne sait pas encore exactement, cependant on comprend qu’il pourrait être un détonateur pour les personnages. Le compositeur, déjà aux manettes de la musique de Game of Thrones s’explique à Vulture. “La musique est contrôlée et elle est choisie pour une raison. Le grand pouvoir de la musique c’est que quelque chose se passe dans le subconscient quand on écoute un morceau, même si on n’y fait pas vraiment attention. Ça nous fait quelque chose que rien d’autre ne fait.”
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Regardez le trailer de la première saison de Westworld
Le dernier épisode de la première saison sera diffusé le 8 décembre. Retour prévu en 2018 pour la deuxième saison.