The Sore Losers + Fai Baba : la leçon de rock made in Europe
LIVE REPORT – Le co-plateau du soir réunissait les Belges de The Sore Losers et les Suisses de Fai Baba. On va être clair : la France peut aller se rhabiller.
Tu es déjà allée en concert tellement fatiguée que tu ne fonctionnes qu’à l’adrénaline ? Que la seule chose qui te fait encore avancer, c’est cette espèce de flamme primitive, de dernière étincelle ? C’était mon cas ce soir. Et les concerts dans ces cas-là, c’est toujours un peu délicat, soit la déception, soit la claque. Pas de juste milieu. Mais ce soir, les deux groupes m’ont donné exactement ce qu’il fallait. Exactement.
Rock’n’roll is not dead : il est Belge
The Sore Losers m’a donné l’énergie. Je ne sais pas trop comment ils ont fait, face à un public désespérément mou, mais ils ont envoyé une énergie rock du début à la fin de leur set. De celle qui te donne envie de sauter, de pogoter, de secouer les cheveux. De celle qui te rappelle qu’un jour, putain, t’as été cette fille qui connaissait tous les groupes de rock belges et qui dansait sans discontinuer sur leur musique. Du rock simple, direct, “dans ta face” et surtout sans prise de tête.
Ce soir, The Sore Losers m’a rappelé les débuts de Black Box Revelation (“Got It Bad”), Queens Of The Stone Age (“Blood Moon Shining”), The Hives (“Cherry Cherry”), The White Stripes (“Juvenile Heart Attack”). Tu vois le genre ? Musicalement, rien à redire, le talent ne s’explique pas, et l’alchimie est excellente. Avec ce qu’il faut de classe, de pose, d’attitude. Le seul problème ? C’était la dernière date de leur tournée. Les Nuits de l’Alligator ne s’étaient pas trompé en les programmant en février dernier. Ne te trompe pas en passant à côté, ce serait dommage.
Mélancolique et sexy : le rock psyché à la Suisse
Je ne m’attendais pas à un concert de Fai Baba comme celui de ce soir. Rien, ni l’album, ni l’interview réalisée peu de temps avant, ne pouvait me préparer à ce que j’allais voir. Ils avaient pourtant prévenu qu’ils étaient fatigués, et que les concerts, c’était toujours une histoire d’échange avec le public. Et avec un public si passif et peu démonstratif ce soir, ça s’annonçait mal. D’aucuns diront qu’ils étaient en dessous. Très bons, mais trop lents. Un peu fermés, peut-être. Moi je ne vais dire qu’une chose : ce concert était parfait.
Pas la perfection technique. Trop de problèmes de balance et de basse pour dire ça. Non. On parle de perfection spirituelle. Les mecs ont fait le concert dont j’avais besoin sans le savoir. Celui qui s’accordait à mon état. La bande son de mes rêves. Le temps qui suspend son vol. À l’image de la perfection incarnée de leur version de “Why do I Feel So Alone” : mélancolique à en chialer, sexy à en mourir d’extase. Le reste n’a été que vagues de claviers, batterie ébahissante, basse profondément vibrante, et guitare étourdissante. D’épiques montées en puissance qui partent de si loin… De longues, longues minutes de jouissance musicale à écouter et à admirer, à laisser monter les frissons, littéralement.
Leçon de musique par Fai Baba
J’ai tellement senti le blues ce soir, tellement senti le jazz, j’ai entendu le funk au loin, j’ai plongé dans le rock psychédélique. Je me suis dit 10 dois : “Mais c’est ridicule, ce n’est pas possible, ils ne peuvent pas aller plus loin”. 10 fois j’ai pensé “Pu**** mais si”. Il faut plus que du talent pour cela. Il faut la passion d’Oliver, de Rodrigo, et de Domi, qui se regarde autant qu’elle s’écoute. Et Fabian… Doit-on parler de ce guitariste-chanteur à la voix dingue et aux doigts magiques ? Il est de ces musiciens mystérieux qui te font te sentir complètement perdu. Tellement charismatique mais sans aucune concession. Le genre de mec qui laisse la musique parler, qui ne donne pas une once d’importance au reste. Et tant pis si ça ne te plaît pas. L’euphémisme serait de dire ce soir que ça m’a plu.
Alors désolé la France. Mais tu ne peux rien face aux Belges, encore moins face aux Suisses. Ils ont compris une chose que tu ne maîtrises plus très bien ces derniers-temps : la liberté.
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