Norah Jones… Little Broken Hearts
Personne ne peut être totalement hostile à Norah Jones. Mais non, avouez-le ! Vous êtes déjà tombés au moins une fois amoureux de sa voix, même si le registre dans lequel elle s’est faite connaitre n’est pas forcément celui qui vous emballe ? On ne peut pas être méchant avec Norah Jones et la détester, car c’est la douceur incarnée, la girl next door jolie mais pas d’une manière trop évidente et scandaleuse, visiblement timide et à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Après, on peut ne pas adhérer à ses albums qui sont tristement devenus des bandes originales d’ascenceur/resto/publicité, de tous styles et donc forcément avec plus ou moins de bons goûts… ça je suis bien d’accord, l’overdose a fini par m’atteindre moi aussi. Et bien c’est à nous que s’adresse ce billet, car écoutez la nouvelle Norah, la métamorphose est très réussie.
J’ai recommencé à écouter et à aimer Norah Jones dernièrement, notamment au travers de ses featurings sur les projets d’autres, The Little Willies ou l’excellentissime Rome de Danger Mouse (cf ma playlist des meilleurs albums de 2011). Ce début de collaboration fertile avec ce dernier les a donc emmenés vers la création, écriture et production de Little Broken Hearts. Petite parenthèse pour resituer Danger Mouse, pour ceux qui ne le connaitraient pas, Brian Burton de son vrai nom, l’autre moitié avec Cee-Lo Green de Gnarls Barkley, Monsieur tout ce que je touche se transforme en or pour nos oreilles. Il est notamment derrière les manettes des Black Keys (non je ne cherche pas n’importe quelle excuse pour parler des Black Keys… Mouaih enfin si, peut-être !), Attack and Release et Brothers “c’est lui”, des Gorillaz, de Rapture, des Broken Bells et du très buzzique du moment Electric Guest.
Norah et Brian ont donc repris le chemin des studios pour écrire à deux mains ce petit bijou d’album. Ils ont mis à plat leurs états d’âmes, chacun est venu avec ses blessures, ses déceptions, ses questions sur les relations amoureuses. Forcément avec un titre comme Little Broken Hearts, vous vous doutiez bien que ça n’allait pas parler de passion pour la cuisine ou les sports nautiques ! Duh ! Ils sont devenus amis et complices pendant la réalisation de Rome et c’est donc sans pudeur qu’ils ont pu tenter de confronter leurs expériences respectives, pour comprendre un peu mieux peut-être, ce qui éloigne les hommes et les femmes, les rapprochant pourtant inlassablement et irrésistiblement… Norah sortait d’une histoire d’amour malheureuse, ce qui explique qu’assez naturellement les chansons germées de leur deux esprits réunis prirent une orientation très noire et douloureuse. Je parle ici surtout des paroles car les mélodies elles, sont parfois carrément pop !
Le contraste est absolument génial, présent dans plusieurs titres, je vous mets au défi de ne pas être intoxiqué viralement par “Say Goodbye” et son refrain guitare/clavier très sucré et dansant. Et pourtant le thème y est cruel, “j’aimerai revivre les bons moments, pas toi ? je mens, tu mens, c’est ce qui rend l’amour possible, c’est ce qui l’empêche de durer, ce regard là dit que tu as envie de revenir, s’il-te-plait reviens, mais je tire ma révérence et te dis aurevoir…” Bon, traduit comme ça pêle-mêle en français je me rends compte que je ne vous vends pas bien la chose ! “Miriam” le titre peut-être le plus sensuel est en fait une froide menace de mort à l’autre, la jeunette, l’amie avec laquelle il l’a trompé puis est parti. Une fois de plus on est surpris et séduit par l’opposition entre la mélodie sexy et la déclaration de haine à “l’autre”.
En toute simplicité, les histoires d’amour foutues de ces chansons sont universelles, cette envie d’aller au fond de la piscine pour toucher le fond et remonter, de ne faire que parler de cette tristesse et de sa peine, d’appuyer dessus, d’en faire le tour. Car qui n’a pas eu le coeur brisé, qui n’a pas voulu une chose puis son contraire dans la seconde, qui n’a pas été trompé et ne s’est pas trompé, n’a pas eu envie de mettre des mots là-dessus pour que ça aille mieux ? Et bien ces deux là écrivent cet état magnifiquement bien, les mots sont justement choisis, sans pathos, cet album est tout sauf triste et larmoyant. Il est sobre et beau.
Danger Mouse met particulièrement bien en valeur la sublime voix de Norah, honte à moi j’avoue avoir préféré des versions album que live, c’est dire comme l’ambiance y est typée et spéciale ! Il l’emmène dans des registres musicaux où on ne l’attend pas forcément. Ce n’est pas un virage à 360 degrès non plus, il y a des titres plus folks, plus doux, plus à son image mais à des années lumière de son piano jazzy. Le ressenti global est moderne, pop, étrange dans le choix des instruments et des sons gimmicks, typique du travail de Danger Mouse, les guitares sont magnifiques, le rythme batterie ou basse omni-présent. Pour conclure, je dirais que tous nos Little Broken Hearts se retrouvent dans celui de Norah et qu’on espère qu’il fut thérapeutique pour elle, car nous on dit merci…
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