Chère Belgique, merci pour Tamino
LIVE REPORT – Le Café de la Danse affichait complet, ce lundi 19 novembre, pour accueillir la pépite belge, Tamino. Un concert lumineux durant lequel les cœurs ont été nombreux à chavirer.
Très chère Belgique,
Je dois t’avouer quelque chose. Depuis quelques mois, j’éprouve pas mal de sentiments négatifs à ton égard. Pas seulement parce que tu nous as traités de tous les noms d’oiseaux après la demi-finale de la Coupe du monde de football. Mais parce que depuis plusieurs mois, même années, tu pollues mes oreilles avec ta brigade de rappeurs interchangeables. Et le dernier coup de poignard a été ce magnifique pétard mouillé qu’est Angèle. Tu m’avais tellement habituée à mieux avec ton rock si inventif, si différent.
Heureusement, il y a Tamino.
L’ombre et la lumière
Ce soir, je n’avais pas prévu d’écrire. Je pensais avoir déjà tout dit sur lui. Je pensais que je n’avais plus rien à ajouter après les concerts sublimes du Point Ephémère et de Rock en Seine, après cette session à l’Institut du Monde arabe, après cette rencontre au mois d’avril. Et, en fait, non. Tamino est un puits d’inspiration intarissable. Il est un traité de paix à lui-seul. Il est à la fois l’ombre et la lumière, le romantisme et la candeur, la sensualité et la timidité, la chaleur et le froid, le trait d’union entre l’Occident et l’Orient.
Il magnifie comme plus personne aujourd’hui la mélancolie. Il n’est pas un remède à ça, car la mélancolie n’est pas une maladie. On a tous une part de mélancolie en nous. Lui, il utilise, il la sublime, il l’embellie, il l’arrange de telle sorte qu’on a envie de plonger dedans. Tête la première. Il faut de l’obscurité pour trouver la lumière. C’est ce que disait Leonard Cohen et cela doit être son mantra. C’est parce qu’il a accepté cette part de ténèbres qu’est né Tamino, le lumineux.
C’est sur une scène plongée dans une obscure clarté que le chanteur se tient. Les éclairages sont toujours faibles avec lui. Un éclair de lumière, de temps en temps, traverse l’estrade. Tamino nous oblige à nous concentrer sur la voix, sur les mélodies, et non pas sur sa personne. Cette grande silhouette longiligne d’un mètre quatre-vingt, gracieuse et altière.
Pendant une heure et quinze minutes, il parcourt son album, Amir. Sans préambule, sans crier gare, il fait rentrer le public dans le vif du sujet avec l’intense “Persephone”, enchaîne avec “Sun May Shine”. Les gorges sont serrées, les portables sont rangés. Les regards braqués sur la scène, les yeux embués. Les sourires sur les lèvres.
Envoûtement
Le silence s’est installé dans le Café de la Danse et ne l’a jamais quitté. Même au bar, à l’étage, pas un bruit. Un silence d’église. Tamino, tel un prophète en terre conquise, n’a plus qu’à réciter ses litanies. Dans le sens prières liturgiques : “Verses”,”So It Goes”, “Chambers”. “Indigo Night”. C’est seulement après ce titre, “Indigo Night”, que le silence a vraiment été brisé. Pendant de très longues minutes, le Café de la Danse a applaudi à tout rompre. Avant, il s’est retenu. Oh, bien sûr, il y a eu des applaudissements avant, mais retenus, comme pour ne pas briser la magie. Mais l’intensité a grimpé si haut et si fort, qu’il fallait que ça sorte, que ça explose. Il fallait lui dire merci même si le concert n’était encore pas terminé.
Tu sais, Belgique, si j’ai écrit “prières liturgiques” c’est parce que, pour moi, un concert de Tamino, cet envoûteur, touche presqu’au sacré. Parce que les pharaons et les Dieux se sont penchés sur le berceau de cet enfant. Parce qu’il a la voix d’un ange et qu’il illumine cette salle pourtant plongée dans l’obscurité. Parce qu’il me fait furieusement penser à Jeff Buckley. Je m’excuse de le dire encore une fois, mais dans ma bouche, c’est plus qu’un compliment. C’est une canonisation. Jeff Buckley étant un de mes Dieux personnels. Et, parce qu’en ces temps troublés où le racisme ne cesse de grandir, lui n’a pas peur d’assumer ses racines égyptiennes. Du côté de son père. L’Égypte, le mélange des influences, les sonorités orientales, c’est ce qui fait sa force et le rend unique. Tamino est, pour moi, ce que la Belgique a de plus beau.
Il ne te reste plus qu’une chose à faire, chère Belgique : répandre sa parole musique sacrée.
Setlist : Persephone / Sun May Shine / Cigar / Each Time / Reverse / So it Goes / Verses / Tummy / Chambers / Indigo night / w.o.t.h / Habibi / Mariners Apartment Complex / Intervals / Smile
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