11 septembre 2001 : des visages, des figures…

 « Hommage à l’art pompier… »

Pas la peine de revenir sur Victor Hugo, Ronsard ou Rimbaud pour comprendre que l’artiste – à plus forte raison le poète – est un visionnaire, en communication directe avec les étoiles, pendant que vous, pauvres mortels, vous retro-pédalez dans la semoule de vos vies merdiques, avec la réalité pour seul horizon.

Hormis un destin peu banal et malheureusement tragique, on peut dire que Bertrand Cantat aura au moins marqué la fin du XXème siècle grâce à des textes qui donnent souvent l’impression de lui échapper complètement, comme si quelqu’un d’autre s’exprimait à travers ses mots.

Qui aura soufflé ce texte cruel destiné à sortir dans les bacs le 11 septembre 2001 ? « Ça y est, le grand incendie Y’a l’feu partout, emergency, Babylone, Paris s’écroulent, New-York City, Iroquois qui déboulent, Maintenant… Allez London, Delhi, Dallas dans l’show Hommage à l’art pompier T’entends les sirènes, elles… Sortent la grande échelle, Vas-y… Go! ».

“Quelques bouquets de nerfs…”

 L’album choisit bien ses collaborations, entre Manu Chao, Brigitte Fontaine et Léo Férré, c’est le 20ème siècle musical français qui s’invite à la fête. Une fête qui ressemble plus à une after party lounge, pleine de compositions apaisées et lyrique. Pour peu, on se croirait en plein Radiohead.

Mais Noir Désir reste un groupe de rock malgré tout, les guitares et les cris gutturaux ne sont heureusement pas en reste, même si on sent le besoin de trouver une autre voie… Une autre voix ? Et ce qui s’annonçait comme un nouveau départ assagi marquera finalement le point final d’une aventure musicale audacieuse rattrapée par une colère impossible à contenir.

Rarement le rock français n’aura été aussi brut que chez Noir Désir. Ecorché vif, rageur, rêveur, plaintif, juvénile, plein d’espoir et de désespoir, bref, du rock. Pas d’histoire d’amour à la “je l’aime, il m’aime et il m’a conté fleurette dans les pâquerettes” pour reprendre les mots de Casey. Pas étonnant si la rappeuse à la plume aiguisée comme un rasoir trouve son bonheur musical auprès de Serge Teyssot-Gay

« Nous travaillons actuellement pour l’Europe… Voir pour le monde… »

2 mondes sont morts le 11 septembre 2001… L’unipolarisme post-chute-du-mur-de-berlin et une certaine idée du rock français. 10 ans après la sortie de Des visages, des figures, où est-il, le rock de gauche pro-commandant Marcos, les Zebda et la culture alternative squatteuse de la Mano Negra ? Il persiste dans les mémoires et ressort à chaque manif’, mais il faut bien l’admettre : le coeur n’y est plus… Et en plus, Avril Lavigne chante à la fête de l’humanité…

Fin de siècle ? Tu m’étonnes… La gueule de bois de Noir Désir n’égalera jamais la notre, celle d’un lendemain de fête s’achevant sur un suicide. Où trouver les prétendants légitimes du nouveau rock français ? A quoi bon chercher… On aurait plutôt envie de tout oublier, tout démolir, partir sur de nouvelles bases.

Et c’est ce que nous faisons !

Ô Luxuriance, ô Broadway, ô Byzance !

 Emmanuel Denise (à retrouver sur RADIO NEO)