Chronique nocturne : des secrets, You and You et un hallelujah

601414_10151782962282995_1175169400_nAu moment de commencer cette chronique, je me suis demandée : que pourrais-je raconter de nouveau sur You and You ? Rigole pas, lecteur, je me parle souvent à moi-même. Et c’est pire la nuit, parce que je suis alors en proie à beaucoup de tiraillements intellectuels et nombre de questionnements existentiels dont celui-ci: comment te parler de You and You en termes inédits. Difficile. Dans des cas comme celui-là, autant adopter la méthode “franchise hollywoodienne”. Tu sais, quand le studio est arrivé au bout de la trilogie avec ses super-héros mais il sait qu’il a encore du fric à tirer alors il fait un quatrième film dans lequel il revient aux origines. Je ne gagne rien, je n’ai pas d’action dans le groupe mais sachant que j’ai presque fini de parler du présent, je vais parler du passé. Ce billet aurait d’ailleurs pu s’intituler : You and You, le commencement.

19 janvier 2010. C’était un mardi, je crois. Un soir de janvier. Dans le salon d’une église. Saint-Eustache pour tout te dire. J’allais voir chanter Neeskens. Soirée spéciale. En plus de confirmer tout le bien que je pensais du chanteur des montagnes, je suis tombée sous le charme d’un chanteur casqué qui répond au doux nom de Cascadeur. Mais surtout, je découvrais l’énigmatique duo,  finalement projet solo qui ne fait pas du folk mais un peu quand même : You and You. T’as mal à la tête ? Moi aussi, ça me fait pareil quand j’essaie de définir avec exactitude le style de You and You. J’abandonne au bout de cinq minutes car je me dis que ça sert à rien de vouloir essayer de coller une étiquette. Typiquement français ça. Merde.

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Bref, You and You and me, cela a été le coup de foudre immédiat. Les américains ont une expression pour ça : love at first sight. Sauf que cette fois-là ce n’est pas une question de regards mais d’oreilles. C’était en 2010. C’était il y a quatre ans, dans ce salon magique et mystique. Ce soir-là, You and You jouait à deux : Felix le chanteur et Clément qui l’accompagne à la guitare et au chœur. La voix me fait penser à Neil Young, la musique folk a un petit air de Fionn Regan que j’écoutais en boucle à l’époque. La guitare est douce, toute en arpèges délicats. Très americana, grands espaces, toussa toussa. Les arrangements de Clément sont dignes d’un orfèvre. Je le soupçonne d’être un magicien-alchimiste qui transformerait même M.Pokora en quelque chose de doux et soyeux à l’oreille. Le mélange fait mouche. Je fonds, je crois même que j’ai pleuré.

J’ai vu You and You, une bonne trentaine de fois. Quand on aime, on ne compte pas. Le projet a changé plusieurs fois de forme aussi bien en termes de nombre que de line-up. J’ai vu toutes les formations : duo, solo, à quatre, à cinq. J’ai mon petit faible pour le duo et un gros faible pour la version solo. Tu sais, moi et la guitare-voix, c’est une histoire qui dure depuis toujours. J’ai vu You and You traverser les styles musicales. Parfois, ça tirait trop vers le rock comme cette fois à la Flèche d’Or, parfois ça groovait beaucoup trop. J’ai adoré, j’ai détesté, j’ai pleuré, j’ai ri, j’ai bouillonné de colère. You and You m’a fait passer par toutes les émotions. C’est ça, quand on aime avec passion. Je passerais sous silence les fois où je me suis dit « merde, je ne retrouverai plus le You and You folk des débuts », même si j’espèrais secrètement pouvoir entendre de nouveau les morceauxqui m’ont transpercés le cœur la première fois : les “Another Diving Man” et autres “Song For Elise“. Sautons cette partie tristement mélancolique pour finalement parler de l’album : Keep it Safe.

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Entre nous, je te confie un secret : j’ai eu la chance d’écouter cet album, il y a trois ans déjà. Il sortait tout chaud du studio d’enregistrement. Il n’était même pas mixé. Ce n’était que les mises à plats. Le jour où je l’ai entendu, je me suis dit que c’était en quelque sorte le mélange parfait de toutes les influences qui font You and You. De la pop à l’indie-folk. Il n’y avait pas mes chansons préférées, celle que je garde rien que pour moi, comme si c’était un trésor que je n’aurais pas à partager avec les autres auditeurs. Les nouveaux auditeurs, ceux qui découvrent tout juste grâce à l’album qui a enfin pris place dans les bacs de la Fnac. Et il était temps. Je désespérais presque de voir un jour ce bijou en rayon. Le coup de pouce du destin : “Bye Bye”, le tube traduit en français pour que les radios françaises daignent enfin le passer. Même si je ne suis pas fan de la version traduite, elle a le mérite d’attirer l’attention. Il aurait été dommage de passer à côté de Keep It Safe et des magnifiques titres qu’il renferme. Des anciens réarrangés :”Crawling”, “Rainbow”, le superbe “The House on the Moon”, “One Last Day”, “Brand New Son”. Et puis, il y a les nouveaux morceaux moins folk mais tout aussi exquis : “The Departure” très bluesy, “No River in The Sun”, plus pop qu’on a envie de reprendre en choeur en tapant du pied ou encore “Fly” et son côté très Coldplay des premières heures. Il y a ces arrangements soignés et surtout il y a cette voix impressionnante qui s’autorise toutes les envolées possibles.

7 avril 2014… Ce secret si bien gardé qu’était You and You devient alors “la révélation indie-folk” que l’on attendait. Hallelujah comme dirait l’autre.