The Staves : “On répète depuis qu’on est petites”

Velours rouge, atmosphère cosy. Me voilà dans les entrailles du Casino de Paris au 2e étage, où The Staves finissent de se préparer pour un tournage. Les trois sœurs sont lumineuses et charmantes lorsqu’elle m’accueille dans leur loge, le lendemain de leur première date dans la capitale en ouverture d’Angus et Julia Stone. Elles installent leurs chaises et nous voilà lancées pour l’interview des premières fois avec trois filles plutôt géniales. Des filles auxquelles on aimerait bien ressembler.

The Staves

RockNfool : Premier travail que vous rêviez de faire quand vous étiez petites ?

Emily : Je voulais jouer dans Starlight Express, la comédie musicale pour enfants d’Andrew Lloyd Webber. Tous les acteurs chantaient et faisaient comme s’ils étaient dans un train, en étant en fait sur des rollers. Je roulais à travers la cuisine en chantant les chansons.

Camilla : C’est une toute petite cuisine donc on patinait en rond ! Je crois que je voulais être illustratrice de livres pour enfants. Quand j’étais petite je trouvais ça vraiment chouette comme idée, puis en grandissant j’ai réalisé que beaucoup de personnes voulaient faire ça ; je me suis dit que je n’étais pas très patiente et que je ne dessinais pas très vite. Donc maintenant je dois faire mon deuxième choix, qui est de chanter… et qui craint ! (rires).

Jess : Je voulais aussi être illustratrice car on avait beaucoup d’albums à la maison, qui étaient superbement illustrés et que je copiais…

Camilla : Tu étais très douée !

Jess : Bah ! (elle hausse les épaules en fausse modeste) En particulier une série de livres qui s’appelle Brambly Hedge de Jill Barklem, qui raconte l’histoire d’un groupe de souris trop mignonnes qui vivent dans un tronc d’arbre. Je les dessinais tout le temps. C’était mon rêve, et ça l’est encore… Un jour !

Premier groupe ou artiste qui a fait l’unanimité ? (ndlr. On a utilisé l’expression unanimous support)

Jess : Les Beatles.

Emily : Depuis qu’on est enfants.

Jess : Ils n’ont en fait pas eu besoin de notre soutien car ils avaient déjà explosé à cette époque-là ! (elles rient toutes les trois). Mais en tout cas on les a soutenus quand même, et on a du contribuer au fonds de retraite de Ringo et Macca.

Camilla : (rires.) C’est vrai…

Emily : Je me souviens quand je devais avoir 10 ans avoir été très triste de ne pas avoir été vivante quand les Beatles faisaient des tournées…

Jess : Je me rappelle du moment où j’ai découvert que John Lennon était mort, bien sûr c’était arrivé des années auparavant. J’adorais les Beatles, j’adorais John, et ma mère m’a expliqué qu’on lui avait tiré dessus il y a plusieurs années, je ne voulais pas comprendre, j’étais choquée, tellement triste.

Premier album acheté ?

Jess : Je me souviens du moment où pour la première fois nous avons eu un lecteur de CD dans la maison. Je suppose que ce n’est pas moi qui l’avais acheté car je n’avais pas d’argent, j’étais petite, mais nos parents avaient acheté Cross Road de Bon Jovi.

Camilla : Oh mon dieu !

Jess : On l’écoutait tout le temps, on chantait toutes les paroles de Livin’ On A Prayer. C’est un super CD !

Emily : Je crois que le premier album que je me souviens avoir acheté était Waking Up the Neighbours de Bryan Adams sur cassette, ainsi que Jagged Little Pill d’Alanis Morissette (Camilla dit le titre simultanément), je les écoutais tout le temps.

Premier concert où vous êtes allées en tant que spectatrices ?

Emily : Paul Simon

Camilla : C’est un bon premier concert.

Emily : Plutôt bien hein ! J’en suis plutôt fière (sourire). Ma mère m’y a emmenée, car elle connaissait un ami du batteur ou quelque chose comme ça. On a fini en backstage, et j’avais ma peluche lapin que Paul Simon a signé, que j’ai toujours dans ma chambre !

Jess : Le premier dont je me souviens est Paul McCartney à Londres, c’était juste incroyable, il a joué beaucoup de chansons des Beatles et j’étais « ohoh » !

Camilla : Est-ce que ce n’était pas pour mes 14 ans ? Maman avait acheté des billets pour nous toutes… Je réfléchis à mon premier concert, je dirais Toploader, un groupe anglais qui avait un hit et dont on a fait une cover… Dancing in the Moonlight. On était fans d’eux, on est allées les voir en concert dans une salle super sympa, j’ai bu de l’alcopop et je me suis sentie très adulte !

Premier souvenir musical ?

Emily : Je me souviens à 3-4 ans avoir dansé dans la cuisine avec Maman sur la chanson de Bill Haley, Rock Around the Clock… (elle se met à chanter, et Jess fait la 2e voix). Je me disais que c’était la chanson la plus fun du monde, avec ma mère et moi qui chantions… C’était cool pour moi car j’apprenais à compter !

Jess : J’écoutais Kylie Minogue quand j’étais petite (elle chante I Should Be So Lucky) et avec ma meilleure amie on chantait chacune avec un bout de corde à sauter… C’était juste l’année dernière (rires) !

Camilla : Je pense que pour moi ça devait être dans la voiture à l’arrière lorsque l’on écoutait de la musique. Notre mère avait une cassette avec des sons pop des sixties, il y avait Needles and Pins dessus, probablement The Mamas and the Papas, White Shade of Pale… Je ne comprenais pas les chansons mais j’aimais beaucoup les écouter et chanter dessus sans connaître les paroles

Emily par Jess
Emily par Jess

Première chanson que vous avez écrite ?

Emily : Probablement une joke song quand on était petites ; en gros on prenait une chanson et on changeait les paroles avec des mots grossiers.

Jess : Mon père joue de la guitare, et je me souviens qu’étant petite je faisais comme si je savais en jouer, je grattais juste les cordes pour faire des sons et je chantais par-dessus…

Camilla : C’est très expressif comme façon de jouer en fait, très arty !

Jess : C’est comme ça que j’ai probablement écrit ma première chanson, qui s’appellait Gypsy. En fait je chantais juste « gypsyyyyy » ! (elles rient). Et en y réfléchissant je trouve que c’était plutôt cool !

Camilla : La chanson éponyme de notre dernier album (ndlr. Dead & Born & Grown) est l’une des premières chansons que j’ai écrite. Elle est plutôt simple, pas trop compliquée.

Jess : L’une des premières vraies chansons lorsque l’on était un peu plus adultes.

Camilla : Je ne savais pas bien jouer de la guitare alors, donc je faisais juste en haut-en bas avec ma main.

Première répétition toutes les trois ?

Camilla : C’est plutôt difficile parce que…

Jess : …on a répété toute notre vie ! (rires.)

Emily : Généralement c’était quand on traînait dans la cuisine de Maman et que l’on chantait. Cela dit je me souviens de notre première répétition avec un groupe dans l’appartement de Joe.

Camilla : Oui pour notre premier concert !

Jess : On avait nos amis qui jouaient avec nous, ils étaient un peu plus âgés, ils avaient tous de l’expérience comme groupe, donc ils nous ont aidées à nous installer, ils nous ont montré comment bien faire avec les micros…

Emily : On n’avait jamais chanté dans des micros avant ça.

Jessica : Non c’est vrai que c’était très bizarre. On était toutes assises sur le plan de travail de la cuisine de Joe, avec les micros… Il y avait Joe à la batterie, Tom à la guitare…

Emily : Nous avons encore l’enregistrement de cette répétition sur mini-disque, il existe encore quelque part !

Jess : Il me semble que ce n’était pas si mal ! C’était pas si mauvais !

Premier studio ?

Jess : Je travaillais dans un bar à Watford, là où l’on habite, et le patron qui aimait beaucoup la musique avait son studio juste au-dessus. C’est là que l’on a enregistré notre première chanson, celle dont Camilla parlait tout à l’heure. Il n’y avait pas des rats là-haut d’ailleurs ? (ses sœurs confirment).

Emily : C’était un endroit enfumé, bohème, très fun.

Camilla : Il y avait des tie and dye partout…

Jess : De l’encens brûlait… (elles rient toutes les trois). C’était des gars très sympas.

Première première partie ?

Jess : Peut-être Joshua Radin, c’est un artiste américain… quoique…on a fait des concerts avant.

Camilla : On a fait tellement de premières parties… Joshua Radin était le premier grand artiste que l’on a suivi en tournée.

Emily : Notre première tournée au Royaume-Uni, après il y a eu Lissie aussi, c’était super. Elle est géniale (elles confirment toutes).

Jess : On a fait beaucoup de premières parties. Quand j’étudiais la littérature à Liverpool, une ville où il y a une bonne scène, on jouait beaucoup, mais je ne m’arrive pas à me souvenir pour qui. C’était il y a trop longtemps, ça m’échappe.

Et celle que vous avez préférée ?

Jess : J’ai vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup aimé joué avec Bon Iver, que l’on a suivi en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. C’était la meilleure, vraiment.

Emily : Il y avait aussi une fois où c’était nous, puis Feist, puis Bon Iver à Red Rocks aux Etats-Unis. C’était le concert rêvé.

Camilla par Emily
Camilla par Emily

Première chose à laquelle vous pensez quand vous grimpez sur scène ?

Jess : Ça doit être quelque chose de très ennuyeux comme : je vais essayer de ne pas trébucher…

Camilla : Je pense toujours à ça aussi…

Jess : Vu qu’il fait toujours sombre ! Après je vérifie si le pied du micro est à la bonne hauteur, si la guitare est accordée, après tu commences à chanter et tu te demandes si tout est ok. Seulement après tu peux te relaxer et enfin te concentrer pleinement sur les chansons. Donc un peu de nervosité, un brin de panique, mais de l’excitation.

Emily : Quand je monte sur scène je me dis aussi toujours : « ne te trompe pas de nom de ville, on est à Paris ? Je crois qu’on est à Paris ».

Camilla : C’est difficile parce que, particulièrement pour cette tournée-là, il y a beaucoup de dates.

Jess : Et beaucoup de concerts en France en plus. Souvent tu es assis dans la voiture toute la journée, tu arrives sur le lieu du concert et souvent tu y restes, tu n’as pas le temps d’aller faire un tour en ville. Tu ne sais pas franchement où tu es, tu le vois sur le ticket, et là tu réalises. Parfois tu peux oublier où tu te trouves, car c’est le 5e concert d’affilée, tu dis « bonjour Bord…-toussote– Bordeaux ? » (rires).

Camilla : Ma première pensée quand je suis devant mon micro et que les lumières s’allument c’est « j’espère que ma braguette est bien fermée » car souvent j’ai un jean taille haute et un tee-shirt rentré dedans…

Jess : Ca nous est toutes arrivé !

Camilla : C’est arrivé à Emily il y a peu de temps, et elle a décidé de se retourner discrètement pendant le concert pour remonter sa braguette (rires).

Jess : C’est ce qui m’est arrivé ce matin au petit déjeuner, je m’en suis rendue compte dans l’ascenseur !

Première chose à laquelle vous pensez quand vous quittez la scène ?

Jess : Encore une fois, ça doit être quelque chose d’ennuyeux car l’on doit remballer nos affaires, donc c’est « où est-ce qu’on a laissé nos boîtes », ne rien oublier, aller au catering rapidement… Tu as fini seulement une fois que tu te poses, et là tu te dis que finalement tout s’est bien passé.

Camilla : Parfois ça dépend du public. Quand le concert et le public sont géniaux, dès qu’on sort de scène on dit « yeah » (en se prenant les mains). De temps en temps le public pense que tu ne peux pas les voir, et il y a cette personne qui a attiré notre attention parce qu’il était sur son téléphone tout le temps…

Emily : … ou qui connaît toutes les paroles !

Camilla : Et on est là « oh vous avez vu cette personne-là ! ».

Emily : Donc oui, on peut vous voir !

Première désillusion, déception ?

Emily : Il y en a eu pas mal (rires).

Jess : La première je ne sais pas. Mais en règle générale, quand tu apportes ton art, ta créativité dans le monde du business, il y a toujours un compromis à accepter pour que ça marche. Donc il y a toujours des désillusions, des sortes de luttes, quand toi idéalement tu veux faire de la musique, l’enregistrer, partir en tournée, mais tu dois aussi prendre en compte ces personnes qui travaillent pour toi. C’est le côté business.

Emily : Je dirais que la première était quand on a fait le premier album. Car dès que tu as enregistré quelque chose, tu veux le sortir dans l’instant, le jouer devant les gens… Mais on ne pouvait pas faire ça car le label avait besoin de temps pour mettre toutes ces choses en places… C’était vraiment le premier : « ooh » de déception.

Camilla : Et quand ça sort, tu dois faire mine que c’est nouveau, tout frais…

Jess :…alors que ça fait un an et demi que tu l’as fait. Et les gens te disent « on aime votre nouvel album », et toi tu te dis « il n’est pas vraiment nouveau » (elle le disent en même temps). Mais c’est la même chose pour tous les groupes. (en français) C’est la vie !

Premier gros cadeau que vous vous êtes fait avec vos cachets ?

Camilla : (rires.)

Jess : On n’a jamais vraiment eu…

Camilla : …de cachets !

Jess : d’assez gros cachets pour s’acheter quoi que ce soit de fou. (elles discutent.)

Camilla : Non, on n’a pas d’argent ! Mais j’aime le whisky donc ce n’est pas un gros cadeau mais une bonne bouteille de temps en temps. Je ne me suis jamais vraiment rien acheté, je suis comme un homme, je porte des vêtements jusqu’à qu’ils ne soient plus portables, et puis je le remplace avec quelque chose d’autre (pendant ce temps-là, Emily me montre le trou dans le jean de Camilla qui laisse apparaître tout son genou).

Jess : Je me souviens qu’après avoir signé notre contrat avec la maison de disque, on est allées se faire plaisir avec une pizza et une bouteille de vin…

Camilla : (rires) WILD !

Emily : C’est probablement la chose la plus folle qu’on ait achetée avec nos cachets !

Jess : Mais peut-être que tu pourras écrire qu’on est plus voitures de sport, champagne, Rolex. Du vin, des femmes et une chanson (rires) !

Jessica par Camilla
Jessica par Camilla

Première chose que vous voudriez faire quand vous aurez du temps à vous ?

Camilla : J’aimerais cuisiner. Ça peut paraître très chiant, mais quand tu es en tournée tu manges tout le temps à l’extérieur, tu ne peux pas cuisiner pour toi. Ça me manque beaucoup car je trouve ça très thérapeutique de cuisiner pour soi. Peu importe ce que tu cuisines, quand c’est toi qui le fais c’est toujours meilleur, car tu sais exactement ce que tu as mis dedans. Tu t’assois et tu savoures en silence en regardant la télé.

Emily : J’aime partir me promener, dans un parc comme à côté de chez nous, j’y allais tous les jours. C’est très dur en tournée car tu fais très peu d’exercice, tu es juste assis toute la journée, dans une voiture, un bus, un avion… Donc dès que j’ai du temps libre, j’aime bien partir me balader.

Camilla : On croirait entendre une personne âgée (rires).

Jess : J’aime faire du yoga. Ça aide mon esprit, et mon corps (avec un accent posh). Comme Camilla j’aime boire du vin mais je ne cuisine pas trop… je bois du vin…

Camilla :… et elle me regarde cuisiner.

Jess : Probablement aussi écrire des chansons. Il faut que je sois seule pour trouver le bon état d’esprit pour atteindre peu importe ce qu’il se passe et le laisser sortir. C’est plutôt dur de trouver un moment calme et serein quand on est en tournée, il n’y a pas beaucoup d’opportunités même quand tu te retrouves seule dans ta chambre d’hôtel Ibis ou Holiday Inn et que les gens te disent de faire moins de bruit (Camilla rit).

Première chose que vous avez dite en arrivant à Paris ?

Camilla : Ou-la-la ! (elles rient toutes les trois)

Jess : Je crois c’était : « oh la Tour Eiffel ! », « oh il y a quelqu’un qui porte un béret ! ».

Camilla : Pour nous Paris est tellement…

Jess :… parisienne !

Camilla : Pour beaucoup de gens c’est romantique, mais pour nous c’est tellement charmant partout, tout le monde a l’air chic, les hommes ont un accent sexy (rires).

If I Was leur second album sortira le 23 mars 2015.

Propos recueillis par Emma Shindo.