Travis, l’alternative au divorce d’avec Coldplay ?
Début des années 2000, j’avais autour de 15 ans. Le rock et la pop anglaise revenaient en grande pompe. Une bien belle époque, qui a vu naître, entre autres, l’excellent rock pré-pubère des Arctic Monkeys, le rock piano-saturé de Muse ou le rock dansant de Franz Ferdinand. À côté de l’émergence de ces groupes rock, la pop britannique revenait aussi au plus haut de sa forme. Radiohead continuait son petit chemin tranquillement, tandis que Coldplay et Travis voulaient prendre la relève. Les Londoniens et les Écossais ont, au premier abord, une histoire assez identique : formation au milieu des années 1990, premier EP/album fin 1990, consécration au début des années 2000. C’est d’ailleurs à cette époque, que nombre de groupes ont voulu s’essayer aux singles pop larmoyants, comme le faisaient si bien Radiohead, Travis et Coldplay. Malheureusement, ils ne nous ont pas fait pleurer pour les bonnes raisons : bonjour Hoobastank, Keane, The Fray et James Blunt ! Cette pop était devenue envahissante, trop commerciale même ! Ce genre de musique doit être intimiste et doit parler avec son cœur, non avec l’argent ! Coldplay et Travis l’avaient parfaitement compris. Au départ.
Mais, dans le duel Travis/Coldplay, il faut bien avouer que les Écossais étaient largement battus. Tout souriait à Chris Martin et ses compères ! L’album Parachutes était une révélation pour beaucoup. Notre crise d’adolescence peut remercier les larmoyants “Trouble”, “Don’t Panic”, “Everything’s Not Lost” et le tubesque “Yellow”. Face à ça, Travis se contentait de “Sing” ou “Side”.
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Les années ont passé et chaque groupe a continué son chemin comme il le fallait. 12 Memories répondait en 2003 au Rush of Blood to the Head de 2002. Deux albums de pop triste qui comprenaient encore d’énormes tubes (“Clocks”, “Politik”, “The Scientist” vs. “The Beautiful Occupation”, “Re-Offender”, “Mid-Life Krysis”). Et puis, fin des années 2000, le rock et la pop anglaise deviennent moins populaires et la musique a besoin de renouveau. Coldplay – attention, j’assume mes propos – part alors vers un univers plus coloré. Les Londoniens excellent dans ce domaine, et sortent des singles qui nous redonnent le sourire. Coldplay devient alors un groupe incompris par ses fans de la première heure, et j’en fais partie. Mais un groupe n’a-t-il pas le droit de changer d’univers, afin de passer des larmes au sourire ? N’avez-vous jamais eu envie de danser/chanter dans la rue en entendant des “Paradise”, “A Sky Full Of Stars” ou “Hymn For The Weekend” ? Ne blâmons pas les groupes qui désirent se mettre en avant et être en accord avec la modernité du monde actuel. Chris Martin, tout du moins pour les singles, ne nous fait aucunement saigner des oreilles. Le changement, parfois, peut être bénéfique.
Cependant, ce changement n’est pas obligatoire dans une carrière. La constance peut nous faire rester dans l’ombre, mais elle ne nous empêchera jamais d’exister. C’est le cas de Travis qui, après 12 Memories, a continué de produire des albums, de plus en plus dans la discrétion. The Boy With No Name, Ode To J. Smith, Where You Stand, n’ont pas été les albums les plus vendus. Mais qu’importe. Ils sont restés les mêmes, ils n’ont pas souhaité se tourner vers le sourire.
Il y a quelques jours, les Écossais, plus adultes et matures que jamais, ont sorti leur 8e album. Autant vous le dire, j’étais un peu passé à côté. Travis ne vend presque plus et le bruit médiatique autour de ce groupe est proche du néant. Malgré tout, je me laisse aller vers un revival “années 2000” et me laisse bercer par Everything At Once. Et pour être franc, j’aime cet album, qui regorge de défauts, mais qui sait nous parler. Il se perd parfois dans des orchestrations trop saturées (“Everything At Once”), navigue parfois dans une pop fade et comique (“Paralysed”), mais la voix de Fran Healy est toujours aussi belle à écouter. Au sein d’un album très court (33 minutes), les balades sont plus qu’appréciables. Parmi elles, le single “3 Miles High” résonne comme un single de The Invisible Band. Je n’ai alors qu’une envie : fouiller ma cd-thèque et ressortir mes anciens albums du groupe pour les écouter très fort.
Outre les ballades, Travis est aussi le meilleur finisseur d’album au monde. La construction de leurs albums est telle, qu’ils conservent souvent le titre le plus beau ou le plus triste pour l’épilogue. Good Feeling avait “Funny Thing”, 12 Memories avait le somptueux “Some Sad Song” (un titre à la hauteur de la mélodie). Aujourd’hui Everything At Once se conclut par “Strangers On A Train”. Une ballade assez minimaliste, qui monte en puissance tout au long des cinq minutes. L’apothéose du titre peut même nous rappeler les plus grandes heures de Coldplay, version pop/rock larmoyant : “What If” ou “Fix You” (issus du plus bel album de Coldplay, X&Y).
Ce 8e album des Écossais n’est pas le meilleur, mais il faut lui laisser sa chance et ne pas passer à côté. Il est un album pour trentenaires en crise musicale, qui donne une belle alternative au divorce d’avec Coldplay. Car, pendant que les plus grands sont partis à la conquête de l’électro pour nous rendre le sourire que nous avions un peu tous perdu avec “Parachutes”, nos petits Écossais ont continué, tout au long de leur 20 années de carrière, de proposer la même pop qu’en 2000. Et c’est ultra chouette, de voir que la stabilité musicale peut être une belle réussite !
Let it shine, just let it shine
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Travis sera en concert le 26 Mai à l’Alhambra (Paris).
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