On y était : Julien Baker + Fiona Walden au Supersonic
Il y a des artistes comme ça, qui rassemblent les foules de tous horizons : des vieux, des jeunes, des couples, des solitaires, des groupes d’amis, des badass, des curieux, des malheureux, des euphoriques… Comme un gourou qui, d’une seule voix impassible parvient à ameuter les fidèles pour débiter un tas de bêtises, juste au son de sa voix. À l’inverse de ces charlatans, Julien Baker parle la langue du sincère, du beau, du vrai. Et elle a une voix des plus extraordinaires. Cette jeune femme, est d’une sincérité désarmante, un bout de femme d’une maturité, dont je n’étais personnellement pas dotée lorsque j’avais 20 ans. Dans Sprained Ankle, son premier album minimaliste, elle chante l’amour, la foi, mais surtout elle parle de ses désillusions, de ses déceptions, de ses erreurs, accompagnée seulement de sa guitare électrique, et de quelques pédales. C’est un album d’une tristesse incontestable, où l’on ne trouvera pas un seul titre sur lequel danser. Et tant mieux car c’est l’un des plus beaux albums qui nous aient été donnés d’écouter ces derniers temps : pureté, honnêteté et once d’espoir. Il est surtout la preuve physique d’une maîtrise musicale bluffante, digne des plus grands. Pourquoi en faire trop d’ailleurs ? Julien Baker n’a rien à prouver. Elle a simplement mis quelques chansons sur bandcamp, et s’est fait remarquer par une agence londonienne, avant de signer son premier album chez 6131 Records. Elle vous dira que c’est de la chance, nous on dira que ça aurait carrément crétin et irresponsable de la laisser filer.
Par ailleurs, c’est sa première tournée européenne, et c’est aussi la première fois qu’elle foule le béton parisien. Deux sacs à dos, un manager et une guitare. Pas besoin de plus pour transporter la foule, et émouvoir aux larmes. Des larmes de crocodiles pour certain(e)s même… Le Supersonic plein à craquer et silencieux comme jamais vibre au rythme de sa voix, parfois si puissante que la chanteuse doit se tenir à 60 cm du micro, parfois si murmurée qu’elle en embrasse presque le micro. Et lorsque l’Américaine quitte la scène, la salle se vide car inutile de se leurer : 90% du public s’est déplacé pour écouter cet ange tombé du ciel. Ce bout de femme vulnérable et robuste à la fois, qui s’est fait faire un tee-shirt dont le message est clair : Sad Songs Make Me Feel Better. Nous aussi.
Setlist : Everybody Does / Sprained Ankle / Do You See Me (new song) / Funeral Pyre / Good News / Vessels / Rejoice / Go Home / Something
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Difficile de prendre la suite de l’exceptionnelle Julien Baker. Mais l’efficace western-pop de Fiona Walden frappe juste une fois de plus. Chapeau large et regard sombre, la jeune cowboy impressionne ; sa voix grave fascine. Accompagnée du guitariste et co-compositeur Saad Tabainet, elle nous livre un set calculé mais habité. On la sent perdue dans les landes arides d’Amérique, chevauchant santiags aux pieds sur “Wanted” ou sur “Johnny”. Fiona Walden chante les grands espaces, la liberté, l’aventure. On ne quitte jamais vraiment les guitares à la Ennio Morricone et le folk enragé à la Patti Smith, mais quelques rythmiques pop-électro – notamment sur “Don’t Ride” et sur “Cold Heart” – ou quelques riffs funk offrent une couleur variée, alternant entre émotion et défoulement. Impressionnante dans la puissance, Fiona Walden nous captive plus encore sur la douce et bouleversante “Desert”. On sentirait presque le vent chaud d’Arizona nous souffler derrière la nuque. Frissons assurés.
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Fiona Walden sera en concert à La Flèche d’Or le 2 juin.
Texte : Emma Shindo & Jeanne Cochin | Photos : Jeanne Cochin