Aliocha : “Il a fallu du temps pour me trouver”
INTERVIEW – Une gueule d’ange, un sourire timide et un amour pour le folk. Aliocha commence à se faire une place dans le paysage folk. Le Canadien était de passage à Paris, il nous a raconté son parcours, son admiration pour Bob Dylan, ses aspirations.
Comment vas-tu ?
Ça va vraiment bien. Je marchais tout à l’heure et je me faisais la réflexion. C’est vraiment une belle période pour moi en ce moment.
Si tu devais expliquer ta musique à quelqu’un qui ne te connaît pas, qu’est-ce que tu lui dirais ?
C’est vraiment difficile à dire. Quand on me le demande, je dis que c’est du folk, du rock. Je parle de mes influences, c’est-à-dire Bob Dylan, les Beatles, Elliott Smith. Après ce sont mes influences. Je n’ai pas la prétention de dire que je fais un mélange de ça ! (rires).
Tu as dû être heureux d’apprendre que Bob Dylan avait le Prix Nobel de littérature ?
Oui ! Je trouve qu’il le mérite totalement. Il n’est pas allé le chercher mais parce que c’est Dylan. Il a une réputation à tenir. Je pense que ceux qu’ils l’ont choisi ont vraiment bien fait leur boulot, ce n’est pas un coup de publicité pour le Prix Nobel, qui n’a pas besoin de ça.
Tu as signé chez Audiogram il y a cinq ans mais ce n’est que maintenant que ton E.P sort…
Ce n’est que maintenant qu’il sort oui ! Il a fallu du temps pour me trouver. D’ailleurs, je n’en reviens pas que le directeur du label, Michel Bélanger, ait voulu signer un contrat avec moi, alors que je ne connaissais rien à ce moment-là. Il a eu confiance en moi, apparemment. Je ne connaissais que quatre accords et j’ai composé quelques chansons avec ces quatre accords-là. Il a fallu que je me forme, le label m’a fait travailler avec différentes personnes. Et Jean Leloup, qui m’a aidé à démarrer le projet, m’a fait rencontrer des musiciens. Je n’avais jamais joué avec des musiciens ! Il m’a dit “tu vas t’enfermer avec eux, tu les trouves dans la rue, tu travailles avec eux et tu joues”. Du coup, pendant ces cinq ans j’ai grandi en tant que musicien.
Ce n’est pas compliqué du coup de devoir partager sa musique avec d’autres musiciens quand on a l’habitude de jouer seul ?
Justement. Si j’avais enregistré mes chansons à ce moment-là, cela aurait sonné faux. Si j’arrivais tout de suite avec un groupe, alors que je n’avais jamais fait ça de ma vie, ce serait comme “plaqué”. Il fallait que ça fasse partie de moi, que ça devienne naturel. Et c’est pour ça que ça a pris autant de temps.
Comment tu t’es retrouvé à signer chez Audiogram ?
Grâce à Jean Leloup. Je l’avais rencontré dans un café. Il m’a aidé à faire les maquettes et c’est avec ces maquettes que je suis allé voir Audiogram. En fait, au départ je voulais produire mon album tout seul et je suis allé demander conseil à Michel Bélanger. Il m’a dit qu’il était intéressé par mon projet, ma musique.
Revenons sur ta rencontre avec Jean Leloup, si tu veux bien…
Je cherchais un prétexte pour aller lui parler. Je lui ai parlé de mes chansons mais je voulais juste lui parler en fait. Il m’a proposé de venir dans son studio le soir même et c’était très festif (rires) ! Et très flippant. Il m’a demandé de jouer quelques chansons, ses musiciens étaient là. J’ai joué mes quatre accords, il a commencé à s’exciter, il a demandé à ses musiciens d’apprendre les parties. C’est un peu un poète fou, il arrive à créer des choses fantastiques. Il n’arrêtait pas de dire “mais quelle magie, c’est fou ce qu’on vit, il se passe quelque chose ce soir”. Moi j’avais dix-sept ans, Jean Leloup me disait ça, j’étais aux anges ! Finalement, ça a été un mois génial.
Tu es aussi acteur, ce n’est pas difficile de concilier les deux carrières ?
C’est peut-être pour ça que ça a été aussi long. Je travaillais beaucoup comme comédien ces dernières années, mais depuis un an je me concentre vraiment sur la musique, j’ai joué un peu cet été au Québec mais je veux vraiment me concentrer dessus. Je ne pourrais pas faire les deux en même temps.
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Si tu devais choisir une seule des deux carrières ?
C’est difficile, parce que la carrière d’acteur dépend des films que je fais. Alors qu’en musicien, ça dépend du succès mais ça reste ma musique, mes choix, que ça reste underground ou que ce soit un succès. En comédien, on peut jouer toute sa vie et être en souffrance, parce que ce n’est pas ce qu’on a envie de jouer. Je ne pourrais pas mentir en tant que musicien, je serai trop malheureux (rires).
Tu chantes en anglais, c’était naturel ?
Oui parce que j’ai commencé à chanter en reprenant les chansons des autres et c’était des chansons en anglais. C’est comme un muscle qui se forme et quand j’ai commencé à chanter mes chansons, c’était naturel de le faire en anglais. Au Québec, on est francophone mais tout le monde est bilingue, ce n’est pas non plus comme si je m’étais mis à chanter en portugais ! On me le reprocherait moins ! Au Québec, j’avais peur qu’on me le reproche parce que la langue est plus fragile qu’en France. On a peur de la perdre.
“L’amour c’est une inspiration pour tout le monde”
J’ai écouté plusieurs fois ton E.P. et je me demandais qui est “Sarah”?
(rires) Ah c’est un secret ! “Sarah” c’est une des dernières chansons que j’ai écrite, je l’ai fini en studio. C’est la personne qui revient de temps en temps. Ce n’est pas une déclaration d’amour. J’ai été inspiré par Leonard Cohen, “Chelsea Hotel #2″ quand il dit ” I don’t even think of you that often”. C’est un peu le même genre de pensée que je voulais avoir dans ma chanson. Je pense à toi en ce moment mais ce n’est pas une déclaration d’amour.
L’amour, c’est un thème qui revient souvent dans tes chansons…
Oui mais ce n’est pas toujours la même chose. Je n’essaie pas de montrer à quel point je peux aimer. C’est un regard. Ca peut être l’amour pour un ami, un frère, un parent ou une femme. Sur l’album, j’en parle moins. Mais l’amour c’est une inspiration pour tout le monde, pas que les musiciens. Quand tu rentres dans un café, les gens ne parlent que de ça.
Ton album arrive l’année prochaine, peut-on en parler un peu ?
Il est déjà prêt. Je ne comptais pas sortir d’EP, je pensais directement sortir un album. On a enregistré vingt chansons avec Samy Osta. Il fallait en choisir 11 ou 12, mais il y avait 16 chansons qui nous plaisaient vraiment. L’EP c’est pas mal parce que ça permettait de faire les présentations. Il y aura quelques chansons communes avec l’EP dans l’album mais la plupart sont des nouvelles. On est dans la même lancée et on a vraiment pioché dedans. L’EP est une extension de l’album mais ça reste le même projet.
Tu as toujours voulu faire du folk ?
C’est naturel de jouer du folk, parce que j’ai commencé à jouer tout seul. Mais ça a évolué un peu. Vers quoi ? Je ne pourrais pas te le dire. Le rock, pas le gros rock, m’intéresse aussi.
D’ailleurs “Sorry Eyes” plus rock détonne un peu par rapport aux autres chansons…
Oui c’est la dernière chanson que j’ai écrite et enregistrée. Justement, je me suis demandé si la suite sera dans ce style-là.
Tu as fait un peu ta révolution électrique à la Dylan?
Oui (rires), ça fera peut-être moins le même effet! “Je comprends pas pourquoi personne gueule, je suis à la guitare électrique ! (rires).
Et sur scène, comment ça se passe ?
Vraiment très bien. J’ai joué récemment avec le groupe. Au Québec je fais la première partie de Charlotte Cardin, qui est une artiste que j’aime beaucoup, ça nous permet de faire pas mal de concerts et on commence à prendre vraiment beaucoup de plaisir, j’adore ça. Je joue quelques titres aussi tout seul. Ça évolue toujours. Je vais jouer à Rennes en décembre, et à Paris au Pop-Up.
Tu as joué au Théâtre de l’Atalante pendant le moment, comment ça s’est passé ?
C’était, je crois, le concert pendant lequel on s’est le plus amusé. On sortait de la télé, on faisait C à Vous trente minutes avant, c’était hyper stressant. On est arrivés sur scène avec de vrais gens, on était contents !
“Le folk, c’est des mélodies qui sont dans l’air, qui reviennent et qui appartiennent à tout le monde”
Qu’est-ce que tu n’aimerais pas qu’on dise sur ta musique ?
Que c’est mignon. On ne l’a jamais dit mais c’est ce que je disais à Jean Leloup quand on enregistrait. Le folk c’est fragile. Il y a un folk que je n’aime vraiment pas parce que c’est mignon, avec les petits carillons etc. C’est sur que je ne veux pas faire. Et puis avec le folk, c’est vrai qu’on se met un peu plus à nu. Je ne veux pas faire un truc cool, je veux faire de la musique qui se rapproche le plus de mon intimité et c’est vrai que j’ai peur qu’on me dise “oh c’est mignon”. On a envie de se faire prendre au sérieux.
Si tu devais définir le folk, tu dirais quoi ?
Je vole un peu les mots de Brassens qui disait qu’il n’était pas un chanteur, qu’il chantait comme n’importe quel homme qui fredonne. c’est quelque chose de direct. C’est ça le folk pour moi.
Il y a une chanson qui m’a fait penser à Dylan dans ton album, c’est “Flash in the Pan”, elle m’a fait penser à “Blowin’ in the wind”, est-ce que j’ai tout faux ?
J’ai tellement écouté Dylan que forcément. Mais je fais gaffe maintenant à m’en décoller… Après quand on écoute Guthrie et Dylan, on se rend compte que ce dernier lui a beaucoup piqué… volontairement ou pas d’ailleurs. Quand on écoute The Tallest Man on Earth, on retrouve beaucoup de Dylan. C’est ça le folk, ce sont des mélodies qui sont dans l’air, qui reviennent et qui appartiennent à tout le monde. Chacun les modifie un peu. Après “Flash in The Pan”, ce n’est pas ça, j’ai quand même composé une chanson originale ! (rires)
Est-ce qu’il y a une question que je ne t’ai pas posée et que tu aimerais que je te pose ?
Je sais pas, quel est le dernier bon film que j’ai vu ? J’ai vu American Honey d’Andrea Arnold que j’ai adoré. Avec cette jeune comédienne que personne connaît et qui est fantastique.
En concert le 5 décembre au Pop Up du Label.
Propos recueillis par Sabine Swann Bouchoul
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