120 battements par minute, le film qui retourne les cœurs
CINÉMA – Le tant attendu Grand Prix du Festival de Cannes est en salles. Courez voir 120 battements par minute !
Acclamé par la Croisette en mai dernier, encensé par les médias depuis, le troisième film de Robin Campillo (après Les Revenants et Eastern Boys) a su frapper fort. Une belle revanche pour son sujet, qui, lui, passait inaperçu auprès du grand public, des institutions et des médias de l’époque.
120 battements par minute raconte la folle aventure de Act Up, groupe activiste luttant dans les années 1990 contre un ennemi impitoyable : le sida. Le virus est à ses tout débuts et tue pourtant déjà des milliers de malades. Homosexuels, prostitués, toxicos, détenus sont en première ligne, et pourtant ils sont complètement ignorés des pouvoirs publics et méprisés par les laboratoires pharmaceutiques. Act Up agit en prenant en otage des plateaux télévisés, en investissant les labo, en défilant dans la rue… Le but du groupe est simple : défendre les droits des victimes, faire avancer les recherches et agir en faveur de la prévention auprès des jeunes. Nathan (Arnaud Valois) est l’un des petits nouveaux à intégrer le groupe. Il y fait la rencontre de Sean (Nahuel Pérez Biscayart), séropo depuis l’âge de 16 ans. En parallèle de leurs actions activistes – aux côtés de Sophie (Adèle Haenel), Thibault (Antoine Reinartz), et bien d’autres – les deux hommes construisent une histoire intime, entremêlant amour, politique et maladie.
Dans la peau d’un militant
Le film s’ouvre sur les premières minutes d’une Réunion Hebdomadaire des Act Up. Les quelques règles de bienséance sont expliquées aux nouvelles recrues : on lève la main pour parler et on claque des doigts si l’on veut montrer son approbation afin de ne pas masquer la voix de l’orateur. Les activistes entrent dans l’arène, les joutes politiques peuvent commencer.
Expérimentant aux côtés des acteurs l’organisation d’actions, mais aussi, la progression du virus aux yeux des pouvoirs publics, et surtout, l’évolution de l’état des malades, nous plongeons dans un monde où la parole est tout autant puissante que les actes. Poches de sang et phrases cinglantes sont les principales armes de l’équipe d’Act Up, respect et justice en sont les mots d’ordre.
Activisme collectif et perception intime
Deux histoires se mêlent à la perfection : la grande, celle d’Act Up aux mains avec les institutions, et l’intime, celle des hommes qui vivent avec la maladie. Toutes deux s’imbriquent, comme l’illustre Sean en répondant à “qu’es-ce que tu fais dans la vie” : “Moi dans la vie, je suis séropo”.
En parallèle de l’activisme collectif, un amour tragique naît entre Sean et Nathan. L’un est séropo, l’autre séronég mais mentalement touché par le virus. Vivre avec la maladie, vivre avec le poids de la douleur et de la mort, vivre aux côtés d’un malade ; voilà aussi le quotidien des acteurs d’Act Up. Le collectif actif se mêle aux histoires personnelles, apportant ainsi un double regard.
Entre deux actions, le rythme effréné ralentit. Une respiration pour les personnages qui prennent le temps de vivre et s’aimer, mais aussi pour le spectateur, qui peut reprendre son souffle et essuyer quelques larmes. La poussière volette sous les projecteurs, la Seine se gorge d’une couleur rouge sang, les corps nus s’étreignent longuement.
Contrant la maladie avec humour et déterminisme, les membres d’Act Up semblent d’abord ne se vouer qu’à la lutte contre le virus. On comprend très vite que c’est ce qui leur permet de supporter la douleur physique et mentale. Lorsque le rythme ralentit, c’est aussi pour montrer que le temps est précieux et que les choses les plus simples sont parfois aussi les plus importantes.
Un film intense et oppressant
D’aucuns diront que le film est trop long, que la fin s’éternise, que certaines scènes auraient pu être écourtées. Je répondrai sans hésiter que c’est ce rythme tantôt saccadé, tantôt immobilisé qui fait toute la force de ce long-métrage. Tout est fait pour accaparer l’attention du public. Malgré ses 2h20, on ne décroche pas un instant de la progression épique du groupe activiste. L’humour côtoie le sang, la mort côtoie la fête, l’amour côtoie la marginalisation. 120 battements par minutes traite avec pudeur ces grands thèmes certes éprouvants pour le spectateur mais qui ne peuvent laisser indifférents.
La bande son, composée par Arnaud Rebotini, y joue un rôle essentiel alternant les plaidoiries enflammées des militants et les musiques électroniques du début des années 1990. Toutes deux faisant battre nos cœurs à l’unisson, à 120 battements par minutes évidemment.
Cœurs sensibles prenez vos précautions, mais ne manquez pas de voir ce film !
120 battements par minute, de Robin Campillo, avec Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel, en salles depuis le 23 août.