Manhunt : Unabomber, l’incontournable réussite Netflix de cette fin d’année
SÉRIE – Après Mindhunter, Netflix persiste et signe dans les séries de profilage. Manhunt : Unabomber est LA série immanquable et passionnante du mois.
Mindhunter, sortie en octobre dernier, retraçait au cours de 10 épisodes la naissance de l’unité des sciences du comportement au FBI. Avec elle, les premiers “profilers” apprenaient à disséquer les comportements des plus grands serial killers pour établir des profils psychologiques. C’était dans les années 1970. Vingt ans plus tard, Manhunt : Unabomber dépeint le travail d’un profiler, James Fitzgerald, qui va faire de l’analyse linguistique un tout nouvel outil dans la recherche de suspects au sein du FBI. Une même ligne directrice pour ces deux séries, pour un même résultat. Brillant.
Classique série true crime en 8 épisodes
On va de suite fixer les critiques les plus acerbes et jouer l’honnêteté. Manhunt : Unabomber ne révolutionne pas le genre de la série “true crime”. Composée de 8 épisodes, elle retrace de façon très conventionnelle (et sans surprise) la chasse et le procès de l’Unabomber, nom de code donné à Ted Kaczynski, qui envoyait bombes et lettres piégées à des cibles représentant les dangers des dérives du système. Universitaires, postes, aéroports… Ted utilisait ces engins explosifs pour faire passer son message : la société nous aliène. Après des périodes d’activité irrégulières, sa réapparition en 1995 pousse le FBI à recruter James Fitzgerald, tout jeune nommé mais démontrant un talent certain dans l’analyse de lettres de l’Unabomber. Et c’est là que tout commence.
Dès le début, on sait que l’Unabomber sera découvert et arrêté. Dès le début, on sait que c’est grâce à James Fitzgerald. Dès le début, on comprend aussi que le chemin a été compliqué pour ce jeune agent du FBI, qui y a perdu famille et tranquillité d’esprit. Pourtant, du premier au dernier épisode, on va suivre avec passion chaque étape, respirer en même temps que les personnages, paniquer autant qu’eux, perdre espoir et reprendre souffle à diapason. Et ça, c’est un sacré tour de force, réussi principalement grâce au casting 5 étoiles.
Sam Worthington vs Paul Bettany, le choc des titans
Sam Worthington dans le rôle titre est épatant de fragilité. On sent tous les doutes qui le traversent, le manque de confiance en lui quand il s’agit d’assumer pleinement ses découvertes que personne n’envisage. On vit avec lui sa plongée dans l’esprit du criminel, plongée dangereuse qui finira par l’obséder et lui faire abandonner ses valeurs. En face de lui, Paul Bettany, grandiose et méconnaissable dans la peau du coupable, ermite bien résolu à défendre sa vision de la société et ses principes philosophiques. Tout les oppose : leur mode de vie, leur histoire, leur parcours. Et pourtant, une chose les rassemble : cette quête et ce besoin d’être reconnu par les pairs. L’image qu’ils ont d’eux et le rapport aux autres, puis à l’autre, et enfin à eux-mêmes. Le duel est intense et c’est un vrai jeu d’échecs, une guerre psychologique, d’abord à distance puis en face à face, qu’on suit avec assiduité grâce au charisme époustouflant des deux acteurs.
Les rôles secondaires, eux aussi, sont de qualité. Chris Noth (aka Mister Big de Sex And The City) est implacable dans le rôle du chef du FBI, sceptique puis résolu à tout mettre en œuvre pour attraper l’Unabomber. Jane Lynch (mieux connue sous le nom de Sue Silvester pour les fans de Glee) fait une apparition remarquée, tandis qu’Elisabeth Reaser joue très justement l’épouse délaissée et Lynn Collins la spécialiste linguistique, soutien incontesté de James. L’arrivée de Mark Duplass vient compléter ce casting démentiel sur la fin de la saison.
Un pamphlet qui résonne
En toile de fond, ce “manifesto”, essai de l’Unabomber sur le résultat du progrès dans nos société, et la perte de liberté pour le peuple. Et c’est là que tient tout le développement des personnages principaux. Docteur puis professeur en mathématiques, Ted Kaczynski se retire dans la forêt, dans la cabane qu’il s’est construite, pour vivre en accord avec cette philosophie survivaliste. Obsédé par notre perte de contrôle dans la société technologique dans laquelle nous vivons, il défend son anéantissement pour revenir aux fondamentaux, et passe par une voie violente pour faire entendre son message. C’est cette même réflexion qui trouve écho en James Fitzgerald , qui va glisser dans une période de doutes et ira jusqu’à mimer le mode de vie de sa proie après l’arrestation de celui-ci, et avant son procès. Pour nous, impossible de ne pas se sentir proche de ces pensées et donc de se sentir de plus en plus proche, aussi, du criminel. Assez, en tout cas, pour se retrouver la gorge serrée sur les derniers instants de la série. Et se demander, toute violence exclue, si on ne serait pas, nous aussi, du côté de l’Unabomber…
Et quand on en arrive à ce point-là, c’est qu’en général, on a aimé. Fort.
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