Mort Rose : “Qui peut t’en vouloir d’écrire des chansons d’amour ?”
INTERVIEW – Une bière avec Mort Rose c’est beaucoup de blagues et beaucoup d’amour. Entrevue avec ce groupe montréalais à qui tu ne peux résister.
Quand j’ai découvert le projet de Mort Rose, j’ai beaucoup ri. Je t’entends déjà dire “femme qui rit, à moitié dans ton lit”. N’allons pas si vite en besogne. Le quatuor montréalais a sorti son premier EP, Avoir 20 ans l’été dernier. Quatre chansons d’amour bien ficelées, sur fond de pop-rock vintage et légère. Un projet décomplexé. En témoigne cette phrase d’introduction de leur bio : “Les gars de la sensuelle formation Mort Rose sont horny. La scène c’est ce qu’ils attendaient pour enfin exhiber leurs instruments devant public.” Tu l’auras compris, il n’est pas question de se prendre trop au sérieux, du moins en apparence.
Je retrouve Alexandre (chant-guitare), Julien (synthé), Christophe (basse) et Mark (batterie) “l’Anglophone du band” tient-il à préciser, dans un bar à deux pas de leur studio de répétition. Trois sont encore étudiants, le quatrième travaille. “On fait pas assez de shows pour en faire une job mais on fait trop de shows pour avoir une job temps-plein” résume Alexandre. “On est dans l’étape de transition. On a hâte d’être full-time musicien !” confie Julien.
Mort Rose est né d’un voyage de 6 mois en Asie.” Ça faisait longtemps que je voulais faire un projet qui me ressemblerait plus. Avec Julien, on avait un projet qui avait pris fin. Je suis parti en Asie pour réfléchir à quel style de musique je voulais faire. J’avais en tête d’écrire des chansons d’amour avec un côté irrévérencieux. Un côté ‘on rit parce qu’on chante des chansons d’amour, mais on chante ça pour vrai'” raconte Alexandre. Il ajoute : “Quand je suis revenu je suis allé chercher les boys et je leur ai dit que je voulais créer un band où tout le monde s’investirait à 100%, je ne voulais pas être le leader d’un projet solo. C’est le projet d’une vie, c’est quitte ou double, on essaie tout ou on perd tout.”
“On est organisé dans notre désordre”
Ils se retrouvent pour répéter une à deux fois par semaine dans leur local d’Hochelaga. “On est discipliné, on ne manque jamais une répétition. Si tu en rates une, il te faut un billet du médecin. On est comme une équipe de sport, on fait des échauffements etc. On peut faire notre set de 25 minutes trois fois d’affilée. On ne fait pas les choses à moitié” raconte Alexandre. “Il y a des couloirs autour de notre local, avant de jouer notre set, on marche autour de la bâtisse en faisant comme si on se rendait sur la scène. C’est un moment de préparation mentale” précise Julien.
“Ça fait notre force car quand tu nous vois sur scène, on joue un peu n’importe comment, on se pousse, mais tout est calculé ! C’est ça qui est le fun. On est organisé dans notre désordre. C’est une certaine rigueur dans notre côté plus punk. Comme une équipe de hockey, après l’entraînement on chill dans les vestiaires, on est juste 4 au lieu de 24″ complète Alexandre.
J’ai déjà hâte de voir le résultat le soir des Francouvertes. Julien sait comment Mort Rose peut s’adjuger le podium : “faut que deux juges se frenchent“. S’emballent quoi. Car le mot d’ordre de Mort Rose est “ce soir tout est permis”. Ils encouragent leur public à s’embrasser et à danser pendant leurs concerts. Et c’est primordial. Julien poursuit : “danser c’est libérateur, les gens ne dansent pas assez dans la vie. Souvent quand tu sors, il y a de la bonne musique mais tu te retiens. Chez Mort Rose les gens qui se retenaient ne se retiennent plus”.
“La façon d’aller voir les shows n’est plus la même que dans les années 1970. Le côté make out pendant un show, c’était vraiment rock’n’roll ! Nous on voulait apporter ça, d’où l’idée de faire de la musique pour que le monde se frenche. Quand les gens s’embrassent pendant notre spectacle, on est vraiment contents. Ça nous fait capoter ! C’est fou de se dire qu’il y a des gens qui commencent à s’aimer pendant nos shows, c’est dépasser l’effet même de la musique. Tu peux vendre des chandails, mais tu peux vendre des baisers ! C’est le plus beau des produit dérivés !” s’exclame Alexandre.
Les garçons ont vraiment tout prévu. “Si jamais vous venez à un show de Mort Rose dans l’espoir de frencher quelqu’un et que vous avez frenché personne, venez voir Christophe, Mark ou moi, on sera là pour répondre à vos besoins” m’informe Julien. C’est noté.
“Les gars du band sont tous des lovers”
Mort Rose c’est donc de l’amour de partout, mais surtout dans les textes. Quand je leur demande si l’on peut parler d’amour pendant toute sa carrière, les réponses fusent. “Est-ce que tu penses qu’on peut vivre sans amour ?” m’interroge Alexandre. “On n’en fera jamais le tour, on peut parler de tout avec l’amour. On n’aime pas toujours les mêmes personnes, on n’aime pas toujours de la même façon, chaque personne a sa propre vision de l’amour. L’amour c’est juste notre ligne directrice. On se donne un petit côté brandé ‘on va changer le monde avec l’amour’ mais ça fait tellement partie de la vie…”
“Tout ce qui s’est écrit et créé depuis les débuts de la poésie contemporaine navigue autour de l’amour, la mort et l’existence. L’angle et le point de vue sont plus importants que le sujet lui-même. Combien d’artistes ont passé leur carrière à parler d’amour sans nécessairement se répéter ?” poursuit Christophe en citant Lennon. “L’amour est en constant changement. Il sera continuellement redéfinit par les changements et évolutions au fil du temps” conclut Mark. Je suis en fait entourée de quatre grands cœurs tendres. Mais des cœurs tendres qui flirtent toujours avec l’humour.
“Mes beats de drum sont très représentatifs de mes relations avec mes ex. Chaque beat c’est moi qui me suis fait briser le cœur” dit soudainement Mark, pince-sans rire. Alexandre avoue ne même pas saisir si son acolyte est sérieux ou non. Chris tente de revenir au sujet, “l’amour est sous-jacent à tout ce qu’on fait”. “Comme notre amour pour les patates frites, on devrait écrire une toune là-dessus” saborde Alexandre en engouffrant une poignée de frites commandées un peu plus tôt.
“Qui peut t’en vouloir d’écrire des chansons d’amour ?”
Si une partie des chansons est inspirée de leurs expériences personnelles, l’autre moitié est composée de “différentes visions et versions de l’amour autour de nous, car l’amour peut être large, on peut parler de tout avec !” déclare Alexandre. “J’aime la vie en couple, ‘L’Inconnu’ et ‘La Femme flamme’ sont sur ma blonde, mais j’ai l’impression qu’en musique ça n’existe pas les belles chansons en couple”. Il ajoute : “on peut écrire une toune vraiment dark, mais elle aura l’air de la toune la plus joyeuse au monde”.”On essaie de faire des tounes tristes, mais ça ne marche pas. Ça devient toujours fun” constate Mark.
Ils citent “Forever” et “God Only Knows” des Beach Boys, “La Chanson de Prévert” de Gainsbourg, “Salut les amoureux” de Joe Dassin, “Va t’en pas” de Richard Desjardins, “Quelqu’un m’a dit” de Carla Bruni, et quasiment toutes les chansons de Leonard Cohen dans leur liste des plus belles chansons d’amour. Pour Julien, ça sera “Jeux interdits”, “une des chansons qui me fait ressentir le plus de choses même si elle n’est que à la guitare. Elle est sans doute associer à des souvenirs d’enfance”. Ils finissent vite par dévier sur “Je l’aime à mourir” version Shakira, et “Creep” de Radiohead. “Pour la touche humoristique” précisent-ils.
https://youtu.be/EkPy18xW1j8
Je leur demande quand même s’ils pensent être nés à la bonne époque, car en écoutant leurs chansons, impossible de ne pas s’imaginer plusieurs dizaines d’années en arrière.“On est né à la bonne époque car je trouve qu’actuellement trop de bands prennent la musique un peu trop au sérieux. Mort Rose c’est l’amour, c’est simple, c’est catchy, c’est facile à comprendre. On n’essaie pas spécialement d’avoir des influences des 60’s ou des 70’s” répond Mark. Ils sont tous d’accord, bien sûr. Surtout Chris, poète : “L’époque contemporaine est toujours la meilleure époque pour vivre car on a accès à toutes les bonnes choses qui se sont faites dans le passé sans être exposés à la merde du passé. Si on était né dans le passé, ce qu’on fait actuellement musicalement aurait été ce que tout le monde fait. Il y a un côté vintage à notre musique c’est sûr, mais on a du moderne par les synthétiseurs qui sont un peu à la Metronomy et MGMT, par l’attitude, et par le marketing autour du groupe.”
À Alexandre de clore le débat : “On amène une certaine légèreté dans le monde de la musique. Mort Rose c’est accessible et léger mais avec une certaine sensibilité. On ne choisit pas de sonner rétro, on sonne comme ça car c’est la musique qu’on fait, nourrie par plein d’influences différentes !”
“C’est plate d’être sérieux”
Avec leurs vannes et leurs blagues qui fusent, je leur demande si c’est dur d’être sérieux. Pour Mark, ça l’est, surtout quand il passe du temps avec les trois autres : “On ne croit pas vraiment au mot sérieux, je décompose ce mot en trois choses : la discipline, l’honnêteté et la sincérité. Il y a des moments où on fait n’importe quoi, des moments où même moi je comprends rien, mais il y a aussi des moments sincères.” Pour Julien, Mort Rose n’a pas besoin de se forcer, tout est naturel, “tu peux être sérieux-plate, et sérieux en étant intègre, honnête, comme nous quand on déconne et on fait le bordel.” Chris a aussi son idée sur la question, pour lui “ce n’est pas parce qu’on rigole qu’on n’est pas sérieux. Si par sérieux on entend austère c’est une erreur. Pour beaucoup de gens le terme ‘sérieux’ vient avec une rectitude dans l’attitude, un bien paraître très anti-intellectuel à mon sens. Pour moi les plus grands intellectuels sont souvent les moins sérieux”.
Puisqu’on est dans le sérieux, Mort Rose prépare actuellement leur premier album prévu pour fin 2018-début 2019, sans pression. “On a des tounes d’écrites, certaines pour lesquelles on a commencé l’enregistrement. La semaine dernière on a décidé de quelles tounes seraient sur l’album à peu près 12 pour le moment” m’explique Alexandre. “On fait un album qui va servir de pierre angulaire dans la suite de note groupe. On pose les fondations. Ça sera un manifeste de l’identité de Mort Rose. On veut vraiment arriver avec quelque chose de très travaillé qui va nous ressembler à fond” complète Chris, enthousiaste.
Je leur demande, comme d’habitude à la fin des entrevues de Rocknfool s’il y a une question qu’ils auraient aimée que je leur pose. Christophe me répond au tac-au-tac : “Si jamais il y a quelqu’un que ça intéresse, mon numéro c’est le 514 503-….” suivis par ses camarades. Avis aux amateurs.trices, je me ferai un plaisir de vous communiquer les numéros de téléphone des garçons. Ils m’ont donné leur accord, soyez tranquilles. Si tu veux les pécho en live, ils te donnent rendez-vous lundi 12 mars au Cabaret du Lion d’Or dans le cadre des Francouvertes puis mi-mai au Festival Santa Teresa.
Propos recueillis par Emma Shindo
Crédit photo : same