Le grand oral de Gael Faure

LIVE REPORT – Premier concert complet pour Gael Faure. Le jeune homme était au Café de la Danse pour défendre “Regain”, son nouvel album sorti en janvier dernier.

C’est l’impression que j’ai eu. Un grand oral. Tu sais, comme ceux que l’on passe pendant le bac ou à la fac ou à l’école. Celui qui te provoque cette sensation d’estomac noué, comme si, à l’intérieur de toi, quelqu’un s’amusait à faire des tresses avec tes organes. Le jour J, tu es un peu stressé, un peu raide sur tes jambes. Tu es présent, devant ces yeux, celui d’une ou plusieurs personnes, qui t’observent, te scrutent. Je ne sais pas toi, mais moi, pendant ces exercices d’oral, je mets le mode “pilote automatique”. Tu sais, c’est quand tu tentes de dissimuler ton stress derrière ses phrases que tu as apprises par cœur pendant des jours entiers, des nuits aussi. Tu fais des blagues pour séduire ton auditoire, mais aussi pour te rassurer toi-même. Te dire que tout va bien, qu’il n’y a pas de lézards, que tout est sous contrôle. Tout était sous contrôle, au Café de la Danse. Un peu trop peut-être.

Gael Faure – qu’on sent un peu stressé (logique, premier concert complet) – menait bien la barque. On ne va plus lui reprocher d’avoir parfaitement défendu son nouvel et très bon album, “Regain”. D’avoir fait chaloupé un public tout acquis à sa cause. Il me semble que tous les titres ont été interprétés. De “Courbes et lacets” à “Quelque chose sur la lune”, en passant par les magnifiques “Lonely Hours” et “Only Wolves”. Sans Piers Faccini pour accompagner, mais La Chica et Xavier Polycarpe (Gush). La voix de Gael Faure est de plus en plus belle, de plus en plus maîtrisée. La guitare électrique est aujourd’hui sa meilleure amie, il l’exploite à merveille.

Je regrette, par contre, l’absence de titres de l’album précédent. On aurait voulu entendre “Pour qu’un jour”, “Reste encore l’avenir”, par exemple. Nostalgie, cette vieille amie, qui ne nous quitte jamais. Sa présence s’est faite particulièrement sentir au moment où le groupe interprète “On dirait l’Islande”. A peine les premières notes jouées, on s’est toutes regardées, avec les filles de l’équipe. Et sans se parler, on a compris qu’on ne comprenait pas ce qu’il se passait sur scène. On s’est senties noyées dans les nouveaux arrangements “copacabana” de la chanson. Quand un titre approche la perfection, c’est dommage de la dénaturer. Il y a cette phrase dans “On dirait l’Islande” qui dit – je paraphrase – qu’il n’y a pas besoin d’aller si loin de “sa nature”. Certes, c’est au premier degré, c’est de l’Ardèche dont on parle, mais avec les nouveaux arrangements, on est loin, très loin de l’ambiance forêt, élégance, voyage intérieur. Quand j’écoute ce titre que j’aime d’une tendresse infinie, j’ai pris l’habitude de fermer mes yeux et d’imaginer dans les paysages, les grandes épopées justement. C’est la chanson “évasion” par procuration. C’est ce que j’attends de ce titre. Ce soir, je n’ai rien visualisé. Avec ce relooking, je suis sortie du concert.

L’envie de bien faire

J’ai cette faculté à rentrer très vite dans un concert, et en sortir aussi rapidement. Et à ce moment-là, j’ai décroché. Si l’on ajoute le crew des bavardes et groupies qui était derrière à bavasser sans cesse, impossible de re-rentrer dans le concert, de replonger. J’ai maudit, très fort, ce groupe. Il va falloir m’expliquer quelque chose, un mystère incompréhensible des salles parisiennes : ces personnes qui parlent sans arrêt pendant les concerts ? Pour parler, il y a les bars. C’est non seulement un manque de respect pour l’artiste sur scène, mais surtout pour les personnes qui ont payé leurs places et qui veulent écouter de la musique et non des poulettes qui gloussent. Ce n’est pas non plus le speech de Cyril Dion qui m’a convaincu de revenir dans le concert. J’aime ce garçon, je suis d’accord avec tout ce qu’il dit, mais parler de multinationales, de société à la dérive, de dissidences – même si je valide et plussoie – n’était pas approprié dans ce type de concert. Ce n’est pas une conférence, un meeting politique ni la fête de l’Huma.

J’ai envie de pardonner les “errances” de Gael Faure, l’envie de (trop) bien faire, son côté “chien fou”, parce que j’apprécie énormément ce garçon, j’aime sa musique, je le dis souvent, et je le répète sans couteau sous la gorge que “Traverser l’Hiver” est l’une des plus belles chansons en français de ces dernières années. Rocknfool n’a pas attendu “Regain” pour parler de Gael Faure. On continuera à le défendre, à le voir en concert, à l’applaudir, à le soutenir, à écrire des pavés parfois décousus sur la capacité qu’ont ses chansons à faire du bien quand ça ne va pas. On souhaite, aussi, qu’il continue de travailler encore avec Piers Faccini. Parce que c’est ce chemin-là qu’il faut suivre. On en est convaincues.