Coup de cœur francophone 2018 : chanter en français n’a jamais été aussi hot
LIVE REPORT – Retour sur le Coup de cœur francophone 2018, de Stéphanie Boulay à Gazoline en passant par Fanny Bloom, Caravane et Bernhari.
Pour mon premier Coup de cœur francophone j’ai décidé d’assister à un concert par jour, si possible des artistes que je ne connaissais pas, ou que je n’avais pas vus depuis un bout(te). Du Verre bouteille au Club Soda, la programmation éclectique du festival permettait à différents publics de se greffer à l’événement. Résultat, de superbes découvertes et des confirmations.
Jour 1 : Simon Laganière (et un peu de Dave Chose)
Pour le premier concert du festival, les éléments n’étaient pas franchement réunis pour persuader le public de venir à l’Escogriffe. Il pleut, et il est tard. C’est le temps et le moment parfaits pour être sous sa couette. Pourtant l’affiche est géniale : Simon Laganière, Dave Chose et Simon Kingsbury. Un concert qui commence à 22h un jeudi soir, c’est moyen motivant, reconnais-le.
Quand j’arrive à l’Escogriffe, Dave Chose finit ses balances tandis que son batteur chantonne “ça va être malade” dans son micro et “Femme de rêve” de Claude Dubois. Malgré des larsens des balances on ne peut que constater combien la grosse voix grave de Dave Chose est toujours aussi sexy. À 22h20, Simon Laganière s’installe avec ses musiciens pour ses balances. Je suis tiraillée entre l’envie de faire une micro sieste sur place et rentrer chez moi.
Finalement le concert commence enfin. Il est 22h30 passées, le claviériste ne tient pas sur la scène. Ça sera la “soirée des poilus et barbus” annonce Simon Laganière un sourire aux lèvres. Le Québécois propose de la chanson aux sonorités folk des plus classiques dans un parlé-chanté du haut de son timbre de voix singulier. Assez surprenant aux premiers abords, on s’intéresse rapidement aux histoires variées et aux personnages qui prennent vie dans ces textes pragmatiques. Simon Laganière chante la vengeance, la mort (“El Capitan Darwin”), les voisins et les faits divers (“Cocktail Molotov”) avec beaucoup de légèreté.
Jour 2 : Cedrik St-Onge
Ambiance soirée casino à Palavas-les-flots ce vendredi 2 novembre au Lion d’or. Les tables de cabaret sont positionnées au centre de la salle, la moyenne d’âge est de 45 ans. Le public s’est fait beau, il est bavard aussi. Cédrik St-Onge ouvre la soirée pour Reney Ray. Deux univers bien distincts, deux publics aussi. Deux époques.
En trio, le Québécois propose un folk-pop mélancolique faussement apathique, à mi-chemin entre les mélodies d’un Louis-Jean Cormier et d’un Neeskens des premières années. Il nous plonge dans les sinuosités de ses tourments de jeune homme qui se questionne et vit des peines d’amour. On retiendra notamment la jolie ballade “J’ai tout oublié”, prélude d’un premier album à venir.
Jour 3 : Fanny Bloom
Changement de décor pour cette 3e soirée de festival. C’est dans le confortable Théâtre aux Écuries que Fanny Bloom nous a donné rendez-vous pour présenter le premier show de sa “rentrée montréalaise” avec Liqueur, son quatrième album sorti en début d’année. Avant que le concert commence, la jeune femme a préparé une introduction vidéo de gourou bien amusante, dans laquelle elle présente la technique Bloom, le “passeport pour une vie meilleure”. On rit.
C’est avec “On s’aimera” que la Québécoise début son spectacle, tout de rose vêtue, chaussures de l’espace aux pieds. Fanny Bloom donne de sa personne, et en rigole alors qu’essoufflée entre deux chansons, elle avoue “essayer d’être flawless” sans succès. Entourés de néons, et devant une boule à facettes lumineuse, Fanny Bloom et ses deux musiciens (claviers et batterie) présentent les chansons pop sucrée du dernier album de la Québécoise dans une ambiance de boum dansante bon enfant. On est fans. Coup de cœur pour “Shit”, tiré d’Apprentie guerrière, une chanson absolument touchante, qui m’émeut toujours autant.
Jour 4 : Sam Harvey
Petite soirée du dimanche au Verre bouteille. Le rideau est tiré sur Mont Royal, des bougies sont installées sur les tables. Mes yeux s’habituent tout doucement à la pénombre tandis que la salle de la rue Mont Royal se remplie petit à petit. Sam Harvey ouvre la soirée avant Clément Jacques. Tu sais que t’es au Québec quand 3 des 4 musiciens portent des chemises à carreaux.
Bonnet vissé sur le crâne, Sam Harvey fait des aller retours entre ses guitares et son clavier. Le Québécois chante l’addiction aux portables, la perte d’amis, son quartier montréalais, sa maman, les belles filles… tout ça dans un blues rock à tendance folk, porté par le groove d’un bassiste du feu de dieu. Entre deux titres, Sam Harvey raconte des anecdotes, sa rencontre avec Gérard Depardieu en plein désert, les origines normandes de l’expression “à la bonne franquette”, ses différents colocs, son ami décédé dans un squat bruxellois… Le jeune homme visiblement déjà bien marqué par la vie est un rayon de soleil en plein blizzard.
Jour 5 : Jérémie and the Delicious Hound + Paul Cournoyer
Petit tour en 5 à 7 au Quai des brumes qui accueille ce lundi soir une vitrine organisée par Manitoba Music. Vu l’horaire, je rate Rayannah. Suivent Jérémie and the Delicious Hounds. Du funk en bonne et due forme pour cette formation de Winnipeg. Les sept musiciens (2 guitares, basse, batterie, clavier, sax’ et trombonne) tiennent à peine sur la petite scène mais sont très généreux dans leur petit set de 20 minutes. Moite moite anglais et français, on n’est pas au coup de cœur francophone pour rien.
Au tour de Paul Cournoyer. Moitié de Post-Script, Paul est originaire d’Alberta, l’une des plus belles régions au monde où l’on parle majoritairement anglais. Il entame son set en rendant hommage à son grand père normand puis à sa belle Stéphanie avec sa ballade “Tout oublié”. Tour à tour à la guitare acoustique puis à la basse, le jeune homme tout sourire, conclue sur deux titres plus groovy. Je suis agréablement surprise.
Jour 6 : Laura Babin
De retour au Verre bouteille pour le show de Laura Babin. La Québécoise qui a passé les jours précédents en studio pour son premier album a un grand sourire aux lèvres. Elle s’explique : son réalisateur n’est autre que Dany Placard, pour qui elle fait la première partie. Et elle semble plus qu’heureuse que ce dernier ait accepté de travailler avec elle.
L’air mutin, la jeune femme joue plusieurs nouvelles chansons sur lesquelles elle a récemment travaillées et sa reprise “grunge” de Nirvana (“Lithium”) avec ses compères de toujours, Vincent Yelle à la basse et Maysun à la batterie. On ne change pas une équipe qui gagne. Malgré une voix bien fatiguée, je suis toujours aussi séduite par la solide proposition pop-rock mélodique de Laura Babin, et j’ai bien hâte de d’écouter son premier album, prévu pour mai 2019.
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Jour 7 : Gazoline + Caravane
Le Club Soda est rempli de moitié pour la “Grosse soirée” rock québ du CCF18. Chez le voisin MTelus, ce sont les Blaze qui ont rameuté les Montréalais. Too bad, Gazoline propose-là l’un de ses derniers shows du moment (ou de sa carrière ?). Tout dépend de leur nombre d’abonnés sur Facebook balance Xavier, le chanteur du band québécois, ironique (ou pas). Si on atteint 5000 on se sépare pas, ajoute-t-il.
Fidèles à leurs habitudes, Gazoline donne de leur personne, s’appuyant sur les titres forts de leur répertoire : “Tu ne peux pas”, “New York”, “Yugen”, “Du feu”, “Reasons To Run” sans oublier “L’amour véritable est aux rebelles” et “Brûlensemble” qui vient clôturer leur set. Accompagnés de deux nouveaux musiciens, Gazoline finit en beauté un set énergique, applaudit par un public tiède. Prochaine étape : la France. Inch’allah comme on dit chez nous.
Je n’avais pas prévu de rester pour Caravane. Finalement, je suis partie à la dernière chanson. Tête d’affiche de la soirée, les Québécois lançaient Supernova, leur nouvel album, super accessible, attendu deux jours après. Le quatuor chevelu propose un pop-rock parsemés de riffs accrocheurs à la AM d’Arctic Monkeys. Derrière ce nouveau disque, un certain Jesse Mac Cormack… Même si le Club Soda s’est vidé de moitié, les Québécois font le show, body-surfing de tous les dangers et hair-spinning. Même le guitariste du groupe, assis sur une chaise de bureau, accident de skateboard oblige, tournoie et lance ses jambes. On en prend plein les mirettes et les oreilles.
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Jour 8 : Stéphanie Boulay
Stéphanie Boulay, pour ceux qui ne le savent pas, c’est la “moitié blonde des sœurs Boulay” comme le rappelle Stéphanie en début de spectacle. Accompagnée de deux musiciens (piano/percus et contrebasse), la Québécoise interprète avec beaucoup de sensibilité les titres de son album solo, sorti il y a quelques semaines. Un album qui était censé être un EP et qui ne “parle pas de mes chums pour une fois” souligne la Québécoise. En attendant le retour de sa sœur en musique (Mélanie est jeune maman), Stéphanie a écrit des chansons. Deux vont me toucher plus particulièrement : “Ce que je te donne ne disparaît pas” le titre éponyme de l’album, et “Je ne pourrais plus jamais” ce piano-voix tellement touchant sur la remise en question, qui vient clôturer le concert (et qui me fait monter les larmes aux yeux).
Comme d’habitude, j’ai une nette préférence pour les chansons les plus mélancoliques, ne me lynchez pas. Que se rassurent les inquiets, “ceux qui ne dorment plus” de ne plus entendre parler des sœurs Boulay, Stéphanie et Mélanie sont actuellement en train d’écrire de nouvelles chansons. D’ailleurs, après des remerciements, Stéphanie glissera timidement “Milou, j’m’ennuie” (le surnom de sa sœur, dans le public ce soir-là). En attendant, cette parenthèse Stéphanie en solo n’est pas pour nous déplaire. Loin de là.
Jour 10 : Bernhari
Après une pause dans le Coup de cœur francophone, Gregory Alan Isakov oblige, on clôture ces 10 jours de festival au Ministère. Bernhari vient présenter pour la première fois les nouvelles chansons qui se retrouveront sur son troisième album, prévu pour 2019. Il me confiait quelques jours avant, que ses nouveaux titres allaient en surprendre plus d’un. Influencé par les raves de l’autre côté de son mur, les influences électroniques du Québécois sont subtilement intégrées à des instrumentalisations toujours aussi mélodiques.
Chapeauté, et placé sur une estrade, Bernhari est comme un chef d’orchestre, entouré par ses claviers, sa fidèle batterie et ses trois musiciens (basse/synthé, batterie, synthé/voix). Dès que l’occasion se présente, il se lève et n’hésite pas à venir chanter devant la scène, devant un public attentif et un premier rangs assis par-terre. Bernhari nous plonge dans son univers d’oiseau de nuit nuit et chante notamment l’amour, les rêves et les errances avec Aurore Juin, sa claviériste. Une belle première entrée en matière en attendant l’album.
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Photos : Emma Shindo