Ma Vie avec John F. Donovan : quand Xavier Dolan se plante à Hollywood
CHRONIQUE – Xavier Dolan sort un nouveau long-métrage mais cette fois, ça ne passe pas.
Ma Vie avec John F. Donovan de Xavier Dolan est dans les salles depuis le 13 mars. Mais quand le prodige du cinéma canadien passe en mode Hollywood, ça coince. À l’image du jeune héros du film (Jacob Tremblay) qui se remémore sa relation épistolaire avec son idole (Kit Harrington), j’ai décidé d’adresser une lettre au réalisateur. Parce que j’en ai un peu gros sur la patate.
Cher Xavier Dolan,
Je t’écris cette lettre parce que je suis allée voir ton dernier film, Ma Vie avec John F. Donovan, au cinéma hier. Première séance du matin oblige, la salle était presque vide. Mais ça, c’est un détail. Je dois t’avouer quelque chose : j’ai été déçue par ton film, ta première production américaine. Je l’ai trouvé très lisse, surjoué, hyper mélodramatique et trop prévisible. J’ai eu l’impression que ce n’était pas toi qui étais derrière la caméra, que c’était un énième film hollywoodien pétri de bons sentiments qui alignait tous les codes du genre sans aucun style. Je sais que tu voulais bien faire, mais cette fois, tu t’es planté.
Je crois que ton cinéma n’est pas fait pour la grosse machine hollywoodienne. Ton cinéma à toi, il est sincère, il est touchant, il n’a pas besoin de millions pour exister, ni même de grosses têtes d’affiche. Pardon, mais Kit Harington (Game of Thrones) dans le rôle de la star torturée qui ne s’assume pas, ça ne le fait pas. Pardon encore, mais Jacob Trembley en fait des caisses. En vrai, sa bouille est à croquer mais on a parfois, souvent même, envie de le claquer plutôt que de le prendre dans ses bras. On en vient même à comprendre pourquoi Natalie Portman, qui joue sa maman, a du mal à le suivre. Pourtant, elle non plus, elle n’est pas dans ses meilleurs jours à l’écran… Bref, sur le papier ton casting faisait rêver. En réalité, il manque sacrément de caractère.
Pourquoi suis-je aussi sévère avec toi ? Parce que depuis que j’ai découvert J’ai tué ma mère, ton premier long métrage, je suis tombée sous ton charme. Tu étais tout jeune à l’époque mais tu as su façonner un style qui n’appartient qu’à toi et que j’ai aimé retrouver par la suite dans Les Amours Imaginaires, Laurence Anyways ou Mommy. Tu me diras que Ma Vie avec John F Donovan est un peu un medley de tout ce que tu as fait jusqu’à maintenant. Certes, mais il y a un mais. Le problème justement, c’est que tu reprends toutes tes thématiques (les relations mère-fils, l’homosexualité, la quête identitaire…), en moins bien.
Toi qui jusqu’à maintenant était si juste, tu les as enrobées d’une grosse couche de mélodrame indigeste (et de gouttes de pluie pour les scènes soit-disant intenses du film). Tu as même poussé le vice jusqu’à transposer ta désormais fameuse scène de la cuisine de Mommy, dans la salle de bain de Susan Sarandon. Avec en toile de fond, cette fois, non pas Céline Dion, mais un tube de Lifehouse, groupe rock des années 2000. Sauf que là, l’émotion ne prend pas aux tripes comme avant, elle n’existe même pas. Tu n’as que 29 ans, Xavier. Tu as largement le temps avant de t’auto-caricaturer !
Ok, tu abordes des nouveaux thèmes ici, dont la célébrité et tous ses travers. Et on sait qu’il y a une grande part de toi dans ce film. Parce qu’avant de devenir réalisateur, tu as été un enfant-acteur, parce que, petit, tu as écrit des lettres à Leonardo DiCaprio, parce que tu as connu la gloire très vite et que tu as été propulsé au rang de génie du septième art. Un statut que tu n’as pas toujours sur bien gérer. Cependant, en t’aventurant sur ces nouveaux terrains, tu es resté très en surface et au final on ne comprend pas très bien l’intérêt de tout ça.
Rassure-toi, je ne t’en veux pas pour autant. Je sais que cette mésaventure te servira de leçon et je suis même sûre qu’après ça tu vas retourner à un cinéma indépendant, qui te ressemble vraiment.
Bisous