alt-J : l’ambivalente bipolarité d’un des groupes les plus talentueux de sa génération
LIVE REPORT – Tête d’affiche du Festival international de jazz de Montréal, les Anglais de alt-J ont donné hier un premier concert en demi-teinte. Sans surprise.
Alt-J est l’un de mes groupes favoris. Leur premier album notamment, a été pour moi une révélation. Mais autant vous le dire tout de suite, je ne les ai jamais trouvés (très) bons en live. Et c’est un euphémisme. Cela dit, leurs concerts organisés dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal leur ont donné une nouvelle occasion de me prouver le contraire. La différence ? C’est la première fois que je les vois en salle. Je leur laisse donc le bénéfice du doute. Leur live est vraisemblablement plus adapté à une formule entre quatre murs.
Après une première partie, à la belle énergie, assurée par le duo de Chicago, Drama (sans doute plus adaptée à une scène extérieure), alt-J entre sur scène sur les coups de 21h. Le trio de Leeds se produit pour la première fois au Festival international de jazz de Montréal. C’est aussi la première de leurs deux performances prévues dans la magnifique salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.
Rien ne se passe sur scène
Mettons les pieds dans le plat. Rien n’a changé. Alt-J n’est pas un groupe de live. Rien n’est apporté aux arrangements studio de leurs titres, qui sont joués (quasiment) de façon identique. Rien ne se passe entre les trois membres du groupe, cantonnés à leur confortable spot sur scène. Très peu de regards, et aucune alchimie. D’ailleurs, comment est-ce matériellement possible, quand des cloisons lumineuses les séparent ?
Ces installations lumineuses sont leur bouée de sauvetage. Elles sont superbement pensées et permettent à chaque chanson de prendre vie. Chaque titre a son univers visuel. Impossible de se lasser, même de l’évidente ambiance forêt créé pour “The Gospel of John Hurt”. C’est impressionnant et a bien plus d’impact en salle qu’en festival. Cela dit, il en faut peu au public, tout acquis à leur cause, qui se lève d’une traite dès les premières mesures de “Something Good”, qui ouvre le spectacle.
Un public tout acquis
Pourtant, il y en a d’autres des défauts. D’abord, le fait que seul Gus Unger-Hamilton au clavier/voix prenne la parole. À 95% pour des remerciements courtois. Certes, c’est le seul qui parle le français (il l’a appris à l’école), mais tout de même. Ensuite, le manque de justesse de la voix de Joe Newman (guitare/voix) qui lutte toujours à atteindre des aigus nets. C’est flagrant sur “Taro”, qui malgré tout remporte l’adhésion totale de la salle Wilfrid-Pelletier.
Même si l’on sent que le groupe fait des efforts (“Chantez-avec nous Montréal !” s’écrit Gus alors que les premières notes de “Matilda” se font entendre), la force d’alt-J n’est pas leur prestance scénique ni dans leur performance live. Vraiment pas. Tous les frissons qui nous parcourent le corps viennent de leur musique. De leurs sublimes harmonies vocales (“Dissolve Me”, “Interlude I”) et de ces titres grandioses (“Fitzpleasure”), voire épiques (“Nara”) qui viennent booster les cœurs d’une douce euphorie.
C’est ça alt-J. Une faiblesse live indéniable, qui ne s’améliore pas avec le temps, mais toujours cette patiente tendresse pour l’un des groupes les plus talentueux de sa génération.
alt-J en concert ce soir (3 juillet 2019) à la salle Wilfrid-Pelletier. Le 5 juillet sur les Plaines d’Abraham à l’occasion du Festival d’été de Québec.
Photos : Emma Shindo