« Norman Fucking Rockwell » : Fuck it we love you, Lana Del Rey
CHRONIQUE – Avec “Norman Fucking Rockwell”, Lana Del Rey sublime une nouvelle fois la mélancolie. Parce que c’est beau, la mélancolie.
Lana Del Rey, c’est le genre d’artistes qui peut faire grincer les dents de certains. Les haters – et elle en a beaucoup – la disent fausse, fabriquée, manipulée, sans talent. Ils se sont arrêtés à “Video Games”. Propulsée devant les projecteurs presque du jour au lendemain, elle n’était sans doute pas prête pour toute l’attention soudaine.
Aujourd’hui, quatre albums plus tard, Lana Del Rey sait où elle va. Elle fait ce qu’elle maîtrise de mieux : chanter la mélancolie. Et chanter les relations amoureuses, chanter son Amérique déchue, loin de celle qu’elle idolâtre, celle des sixties.
Les choses simples
Norman Fucking Rockwell est l’album qui représente le mieux la fin de l’été, la fin des vacances, la fin d’une époque. Et comme tout est plus beau avec un filtre un peu vintage, la musique de Lana Del Rey se la joue polaroid. Comme toujours. Norman Fucking Rockwell illustre parfaitement ce sourire aux lèvres accompagné du regard mouillé qu’on lance sur la maison louée au bord de la plage pendant quelques semaines. Cette maison qu’on doit quitter parce que les vacances sont finies. Elles étaient si bien ces vacances.
Lana Del Rey traduit cet état. Elle chante la nostalgie et la mélancolie comme personne. Et c’est beau. Parce que la mélancolie est belle, quoique l’on en dise. Et Lana Del Rey assume son côté princesse désenchantée, elle confère une aura particulière aux choses simples, elle n’a jamais fui la tristesse et elle n’a jamais été aussi émouvante.
Parce qu’elle a débarrassé sa musique de tout artifice. La production de l’album est simple, l’accompagnement est dépouillé, délicate et minimaliste. Souvent c’est juste un piano qui l’accompagne, ou l’écho d’une guitare pour faciliter l’accès à la voix, pour accentuer le sentiment d’intimité. Les titres d’une cinématographie folle s’enchaînent et coulent les uns après les autres avec langueur et sensualité.
Life on Mars’ ain’t just a song
Norman Fucking Rockwell est un album d’amour déchu, toxique ou perdu. Et les déclarations sonnent comme des cris de désespoir. Lana Del Rey chante la déception amoureuse (« What can happen to a girl who’s already hurt? I’m already hurt If he’s as bad as they say, then I guess I’m cursed ? ») et livre son regard critique et désabusé sur cet Amérique qu’elle aime tant mais qui va mal. Après les tueries d’El Paso et de Dayton, Lana Del Rey avait sorti le titre « Looking for America », dans lequel elle condamnait l’usage des armes : « I’m still looking for my own version of America / One without the gun, where the flag can freely fly ». Dans Norman Fucking Rockwell, elle ajoute : « L.A. is in flames‚ it’s getting hot, Kanye West is blond and gone, Life on Mars’ ain’t just a song ».
Lana Del Rey est devenue californienne et son album est un condensé de la Californie moderne prise à travers l’objectif d’un polaroid : il traduit l’effondrement émotionnel, la dépression féminine. Parce que oui, cette ville malgré tout, arrive à éteindre la lumière de ses étoiles. Mais il sent aussi le sable chaud, la brise fraîche, il traduit la mélancolie et la joie, le désespoir et l’espoir. D’ailleurs, c’est sur un « I have it » – en parlant d’espoir – qu’elle termine sa photographie de l’Amérique et de l’Amour.
Lana Del Rey sera en concert à l’AccorHotels Paris le 23 Février 2019.
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