Route du rock 2022 : une fin explosive
FESTIVAL – Pour le dernier jour de cette 30e édition, on avançait en terres inconnues pour la plupart des groupes. Une Route du Rock pleine de surprises.
C’est sous le soleil que Big Joanie ouvre ce dernier samedi de la Route du Rock 2022. Elles sont quatre sur scène, citent Gossip et les Bikini Kills et annoncent être un girl band punk et féministe. Mais ce n’est pas tout de l’annoncer, encore faut-il l’acter. Pour le girl band, que des femmes sur scène, c’est bon. Pour le féminisme aussi : entre les discours sur le sexisme, les appels à l’activisme et la prise de position sur les sujets qui leur tiennent à cœur, on les suivrait totalement en manif. En revanche, pour le côté punk… Si elles jouent un rock racé et classieux, avec des références aux années yéyé, j’hésite sur le punk. Jusqu’à la fin du concert où je me dis que, oui, peut-être bien. Mais pas en festival en extérieur en plein jour. Big Joanie est très sûrement un groupe à voir dans un club.
Surprise et éclectisme pour ce samedi à la Route du Rock
Pour les Vanishing Twin, c’est un peu le même problème. Présentés comme un jazz band, j’entends plutôt une pop ultra-planante, à la limite du psychédélisme, qui s’apprécie plus facilement à un moment plus tardif. Cathys Lucas accompagnée de sa bande, dicte le rythme du concert sous son grand chapeau. On la sent concentrée pour construire cette expérience sonore. Malheureusement pour moi, je passe à côté.
C’est face à Wu-Lu que je vais prendre ma première claque de la soirée. Dans la catégorie “pose ton étiquette musicale”, je demande l’inclassable. Je ne saurais pas dire, même avec le recul, le style musical qui se rapproche le plus de ce que j’ai entendu du concert. Ce que je retiens, c’est que le son est massif, autant qu’à un concert de métal. Que l’ambiance est vierge de blabla inutile, comme à un concert de grunge. Que l’énergie est très tendue, autant qu’à un concert de hip-hop bien vénère. Le public ne s’y trompe pas, c’est devant Wu-Lu que les choses commencent à sérieusement bouger ce soir.
Il était une fois, le tympan
Ça fait bientôt 15 ans que Beak> est Beak>, créé par Geoff Barrow, l’un des fondateurs de Portishead. Entre les stickers “Stop voting Tory”, et la tête ensanglantée sur la batterie de Geoff, on ne peut pas s’y tromper, l’humour engagé anglais est bien présent ce soir. C’est maîtrisé, c’est puissant, ça roule tout droit sur l’autoroute du krautrock. Aucun amateur ne pourra dire le contraire.
Et côté puissance, l’enchaînement avec DITZ se pose là. J’ai un faible pour les groupes dont le chanteur se jette dans le public à la première occasion venue. Surtout quand il y a une perte de chaussures qui prouve le total engagement dans l’acte. Musicalement, c’est le bordel. C’est noise à souhait, métallique, survolté, ça part dans tous les sens, je ne comprends absolument rien à ce qu’il se passe mais à voir le public, je ne suis pas la seule. Ça saute, ça pogote de partout, les sourires sont sur tous les visages. Bref, The Great Regression, le premier album du groupe sorti cette année, est à écouter si ce n’est pas encore fait. Et DITZ est à aller voir si ce n’est pas encore fait. Je ne peux rien dire de plus, mes tympans ne sont toujours pas remis.
Dancefloor berlinois à Saint-Père
En parlant de tympans : à ce stade-là de la soirée, les deux miens sont portés disparus. Et c’est dans cet état que je commence le concert de Ty Segall. Vous voyez où je veux en venir ? Encore un concert à côté duquel je passe totalement. J’essaie vraiment. Mais je ne suis pas dans le mood. Et je me rends vite compte que je réagis comme avec ses albums : je n’arrive pas à suivre ce garçon. Voilà c’est dit, le pavé est lancé dans la mare, ne m’en voulez pas. C’est sympa musicalement. Je sais que je pourrais aimer. Mais je n’y arrive pas. Et il vit tellement son truc avec ses potes de scène, il joue de profil (tourné vers son groupe) que ça ne m’aide pas du tout. Je m’en vais faire reposer mes oreilles.
Je reviens pour la chenille (quand même, il ne faut pas abuser non plus), avant de tenter PVA. Clairement, mes oreilles ne sont pas encore remises mais, mais, mais : waouh ! Là, on est enfin sur un parfait alignement “ambiance, horaire, genre musical”. Ce trio est irrésistible, et pas seulement à cause de la voix suave d’Ella derrière son clavier. La Route du rock se transforme en dancefloor, ambiance très club qu’on aime beaucoup beaucoup quand elle est si maîtrisée. C’est à la fois new wave et joyeux et là encore, je me prends à rêver de les voir dans un endroit plus petit et beaucoup plus clos.
Le meilleur show de la Route du Rock 2022 ?
Elle est là, enfin, elle arrive, la clôture de cette Route du Rock 2022. Je l’attendais. Pas parce que c’était la fin, mais pour le groupe prévu. Enfin prévu… Les remplaçants des King Gizzard & The Lizard Wizard. Et quels remplaçants. La Fat White Family au grand complet débarque dans une ambiance particulière, avec un mec qui tape sur un fût de bière mais se fait engueuler parce qu’il ne le fait pas correctement. Lias Saoudi lui prend les baguettes et lui dit de dégager. Le ton est posé.
A partir de là, c’est le bordel indescriptible d’un show foutraque de Lias Saoudi. Il se jette dans le public directement, prend une multitude de poses qui mettent les photographes en PLS (par photographe, comprendre moi) et, par son talent légendaire (d’aucun diront la drogue), continue en même temps à assurer au chant pendant que le groupe fait le taf derrière. En résumé, l’insolence et le nihilisme habituels de Fat White Family, au sommet de leur art. Le résultat est à voir d’ailleurs sur Arte concert pour ceux qui n’y étaient pas. Ceux-là, d’ailleurs, on les plaint. Parce qu’on ne connaît pas meilleur moyen de finir un week-end de Route du Rock que par un tel concert. Vivement l’année prochaine.