The Murder Capital : le feu sous la glace irlandaise
LIVE REPORT – Seulement deux dates françaises pour les Irlandais de The Murder Capital. Retour sur leur arrêt strasbourgeois.
On l’attendait, cette date. C’est qu’à Strasbourg, on est visiblement frileux à booker les artistes de la vague post-punk qui a déferlé sur l’Europe il y a de ça maintenant bien 6 ans. Jamais vus Idles, Fontaines D.C., Shame, Life, Crows ou tous les autres groupes qu’on a pourtant croisés un peu partout en France au grès de festivals ou de dates plus intimistes. Alors quand on a vu The Murder Capital à l’affiche de la Laiterie Club, ça a été l’étonnement.
Petite salle pour gros groupe
La Laiterie Club, on le rappelle, est la petite salle de la Laiterie. Une scène qui arrive aux genoux, aucune crash barrière, jamais, et une proximité groupe-public qui se créée qu’on a vraiment jamais vu ailleurs, pas même dans les meilleures petites salles parisiennes (sorry la Maroq). Pourquoi, alors qu’ils sortent leur 2e album acclamé par la critique, The Murder Capital n’ont-ils pas les honneurs de la grande scène ? On ne sait pas, mais on dit MERCI. C’était l’endroit parfait. C’est ça qu’on veut voir dans cette salle. C’est ça qu’on aurait dû voir ces 6 dernières années. Cette salle est faite pour ça.
Elle est faite pour les publics hétérogènes, vieille génération, jeune génération et tout ce qu’il y a entre, qui se réunissent pour l’amour du gros son et de la musique bien faite. Elle est faite pour crier de tout son soûl sur “More is Less”, le poing levé vers la scène. Elle est faite pour les moments de contacts physiques, de ceux qui vous niquent les genoux sur “Green and Blue” ou “Feeling Fades”. Elle est faite pour recevoir la bénédiction des mains de James McGovern quand il se penche sur son public et le gratifie de quelques rares signes de complicité, fendant l’armure de froide élégance classieuse qu’il impose depuis l’excellente réception de When I Have Fears.
La métamorphose de The Murder Capital
Parce que, oui, il y a un fossé entre The Murder Capital vus un jour de 2019 à La Poudrière, et The Murder Capital aujourd’hui. On l’avait déjà senti l’été dernier au Vyv Festival. Le merchandising à 30€ le t-shirt, avec uniquement le batteur qui vient saluer son public, est un signe que le groupe a changé de catégorie. Il se présente désormais sous un jour moins brut, plus froid, et plus en accord avec une image qui les conduit dans les défilés Céline. Musicalement aussi, ce changement se sent. Les titres de Gigi’s Recovery sont moins emprunts de l’urgence d’autrefois. La poésie reste la même, mais mise en valeur avec plus de soin, d’attention, ciselée sous un jour nouveau, qui s’accorde parfaitement à l’alternance dans une setlist diablement bien pensée. Le feu joue avec la glace, le calme avec la tempête et nos coeurs avec nos nerfs.
Le point d’orgue, sans nul doute, sera sur “Oh Twisted Ground”. Il n’est pas un concert de The Murder Capital sans que ce titre ne me retourne cœur et tripes avec une violente intensité, à me faire retenir des sanglots à coup de respiration contrôlée. Mais je n’ai jamais été aussi prête à tout lâcher que ce soir, tant l’ambiance dans la salle s’est trouvée être d’un respect incroyable. Pas un bruit. Pas une toux, pas un mot, rien. Temps et gens suspendus aux lèvres d’un James McGovern lui aussi retourné par l’émotion, au point de s’éclipser de la scène quelques minutes après. Un moment de grâce.
Un groupe qui grandit
Mais ce serait injuste de se focaliser sur James McGovern, quand il n’est “que” la voix portée par quatre musiciens sans qui il ne serait pas grand chose. Parce qu’entre la basse de l’explosif Gabriel Paschal Blake (celle qui vaut 50% de la réussite du moment précédent), la batterie du métronome Diarmuid Brennan, les guitares du complice Cathal Roper, et du têtu Damien Tuit (qui décide de jouer debout en envoyant valser tabouret et canne malgré une blessure), la bande son de The Murder Capital est entre de bonnes mains. Une bande-son qui, on l’a vu, s’est enrichie aussi sur scène de nombreuses pédales d’effets et de claviers. La marque de l’évolution d’un groupe qui fait de sa musique un enjeu d’évolution constante. Vers le haut, toujours.