Demi-finales aux Francouvertes : les jeux sont faits
Ça y est, les jeux sont faits. Les jurys aux oreilles se sont parlé, ont délibéré avec le public à qui mieux mieux. On sait c’est qui, y’a plus de mystère, Parazar, Jeanne Côté, Héron vont accéder à la finale. Un seul remportera la Toison d’or, c’est à dire 15 000. C’est pas rien, non ! On liquide des caïds, des malfrats pour moins que ça dans le milieu. Or sont venus des quatre coins les preux et vaillants rêveurs se disputer le trophée de ces Francouvertes 2023 ; Saguenay, Outaouais, Gaspésie, Acadie, tous accents sont là.
Jouer par delà l’écho
Il y avait beaucoup de jeunesse la soirée que Marie Céleste a ouverte ; ça criait partout comme des fous, l’espace y manquait. Échos, sons ambiants et encore plus d’échos. La substance ambiante, celle qui englobe tout. Et là-dedans, y a des chansons, des commencements de chansons. Pédales, machines vont faire le reste. C’est la vogue. Claviers à foison, voix, harmonies vocales. Remplissage. Jeanne Laforest, Jeanne Côté, Emmanuelle Querry, Héron, Cure-Pipe aussi travaillent la ”substance”. Seuls Peanut Butter Sunday, Brue et Parazar ont joué par delà l’écho.
Dans la généalogie des Francouvertes, beaucoup de chansons, beaucoup de groupes sont tombés dans l’oubli, c’est un fait. Le temps est impitoyable. Ça prend du solide, des fondements solides. Mais l’important c’est que le public fasse monter sa clameur. Et de la clameur y en a eu pour les Almatois Marie Céleste, cette paire de voix enchevêtrées, ces deux corps cols roulés qui se déhanchent, qui se tortillent. Cure-Pipe aussi y ont goûté, ils ont fait beaucoup de bruit. Cymbales, distorsions, solos, propagation de messages de paix, d’amour. La jeunesse, en somme ! Ils ont chanté la prunelle des yeux d’une fille parce qu’il faut bien chanter en attendant la visite des Muses. Acclamations ! La scène se dissipe.
Le charme acadien
L’animateur introduit un gros contraste avec les deux précédents : des Acadiens ! Le tempo augmente, le français se mêle d’anglais. Peanut Butter Sunday débarque en vêtements de camouflage, pas de chichis, pas d’ornements. On fait revivre un punk-pop qui a fort marché a l’époque de la ”tarte américaine”. Écueil, trappe, abîme, pour un concours, c’est vrai. Mais les Peanut Butter Sunday ont quelque chose de rare en musique, de très rare : le charme NATUREL. Et du charisme et de l’humour. Et vive les Acadiens ! Ça prenait bien le franglais pour qu’une telle musique soit possible en français. Mais ils sont nés trop tard ces fous…
Deux finalistes pour une soirée
Le deuxième soir la jeunesse a moins pullulé ; un public plus mûr, des têtes grises par-ci par-là. Jeanne Côté est sortie de son village de Gaspésie pour venir au Lion d’or se mettre derrière les touches de claviers. Pop, néo-jazz, anecdotes de famille : y a toujours une Jeanne Côté qui revient chaque année dans les concours de musiques avec une chanson belle et bonne. Elle est troisième dans le classement, on verra pour le reste.
Après, c’était la jeune Emmanuelle Querry de Gatineau avec son pop, néo-jazz, néo-soul, qui a tenté sa chance pour être la néo-Marie-Mai. Le batteur a bien étudié ses peaux, ses airains, idem pour ceux de la plupart des groupes demi-finalistes. Avec le claviériste ils forment un trio, font taper des mains l’audience, et la chanteuse fait do-do-do et da-da-da. Ainsi, la soirée s’est achevée avec le numéro 1 pour lors dans le classement. Néo-folk, jeux de pieds, archets et voix, Héron séduit leurs juges avec des allusions aux ”folkores québécois”. Je suis comme un fleuve ! dit Héron. Mais Héraclite dit qu’on se baigne jamais deux fois le même fleuve.
Direction le café Cléopâtre
Le jeune animateur a transporté l’auditoire au café Cléopâtre jusqu’à nouvel ordre. Les choses se sont corsées à partir de ce moment. Une pole s’est installée, l’écran descend. Durant sa vidéo de préambule, Brue apparaît lunettes, casquette, gros foulard sur le dos. Elle suit le cortège d’une certaine Idée, s’engage a chanter la diversité hautement et sexement. Elle traverse la scène perruque longue et noire, bras, jambes nues, la gorge bien découverte. Ses hautes semelles scintillent. Une vieille chanson française au ralenti se fait entendre en même temps qu’elle fait son numéro. Pole-dance ! Brue, glisse, tournoye en bas en haut. Elle branche ensuite la guitare, le hard rock commence !
Les morceaux s’enchaînent, des lumières vertes, rouges. Le drummer fouette, châtie ses cymbales. Le bassiste en bas de nylon. La salle est hérissée. Mais quand une pole danceuse de profession a fait son entrée, nom de diouse ! la tension est montée et on en a eu pour notre sou. Ensuite Brue a insulté le parjure Duhaime et s’est montrée les seins. Et on est revenu au Lion d’or.
Fin de demi
Jeanne Laforest a glacé la salle d’effroi avec son histoire de petite fille fantomatique. Croyez-vous aux spectres ? non ? oui ? Cependant les gens ont pu respirer quand elle a révélé ce qu’était que cette sinistre légende : la Douleur… la maudite Douleur, oui, ni plus ni moins. Jeanne est apparu avec ses musiciens blanc de couleur vêtus, qui est la couleur contraire du vice. Plus on souffre, plus on s’imprègne de sagesse et vertu. Ç’a commençé extrêmement sage, down tempo. Ç’a fini déchaîné comme cent yables. Beatbox, drum-machine, tannée de penser, tannée de parler, tannée de chanter. Silence…
La soirée s’est parachevée avec un voyage dans les banlieues de l’Hexagone. Parazar a une des plus grandes familles de notre temps parce qu’elle appelait souvent la salle ”la famille”. Hip-hop, raï, la rappeuse en manteau mélange orient et occident. Ç’a fait beaucoup danser. Ses vers racontent son histoire intérieure et extérieure et le comment elle est devenue parvenue. Self-made-woman. Elle a invité une sœur aussi à chanter, à prendre le thé sur scène puis les demi-finales se sont terminées.
La finale aura lieu le 15 mai 2023 au Club Soda.
Texte : LaMousse – Photos : Emma Shindo
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