Tough Enough Festival : le rock est (toujours) à Bruxelles
FESTIVAL – Après une première édition convaincante, retour au Botanique pour une 2e édition flamboyante du Tough Enough Festival.
Cette année encore nous étions à Bruxelles pour le Tough Enough Festival. Deuxième édition de ce festival dans un endroit sublime, Le Botanique, pour l’occasion devenu véritable temple du rock sous toutes ses formes. Car oui, c’est bien là-bas qu’il faut aller pour trouver un festival en salle complètement rock. (Et on ne dit pas ça parce que tombait en même temps la programmation des Eurockéennes 2026, hein). L’édition de cette année était réduite à une seule journée mais quelle intensité !
Aucklane, une mise en jambe de la meilleure des manières
Et ça commence dès le début d’après-midi avec Aucklane dans la petite salle de la Rotonde. AUCKLANE, c’est le projet solo de la liégeoise Charlotte Maquet qui propose un pop-rock indé sexy et puissant. Elle sort un EP en 2022 (réalisé avec Rémi Gettliffe de Last Train) avant un premier album en 2025 Good Girl/Bad Seed. Ses titres restent en tête et l’énergie du groupe sur scène est communicative. Un mélange de refrains pop dans une atmosphère sombre et envoûtante. Rien de mieux pour commencer la journée !
On va voir ensuite Real Farmer, et le changement de style est flagrant. On passe à du punk issu de la scène indé néerlandaise. On n’aime pas toujours les descriptifs que les groupes donnent sur leur plateforme, mais le leur est parfaitement adapté et leur ressemble vraiment. “Maximum living on a minimum wage. Board the fast paced train to headaches and regrets.” Soit : “Vivre au maximum avec un salaire minimum. Montez à bord du train rapide pour avoir des maux de tête et des regrets.” On comprend vite quand on voit le chanteur s’enfiler les pintes et éructer dans son micro en sillonnant la scène, pendant que les autres jouent un rock énervé et très direct. Explosif.

Grands noms et jeunes pousses au Tough Enough Festival
Direction la jolie salle du Museum, pour aller découvrir Little Barrie & Malcolm Catto. Cette collaboration entre deux grands noms a débuté avec un premier album Quatermass Seven sorti pendant l’épidémie de Covid-19, et se poursuit avec un deuxième album Electric War disponible depuis avril 2025. Le guitariste Barrie Cadogan est compositeur pour la tv et le cinéma à ses heures perdues (Peaky Blinders, Better Call Saul, Elvis…). Le batteur/producteur Malcolm Catto est un membre fondateur de The Heliocentrics. Bref, le voyage sonore mêle rock psyché, funk, blues. C’est un heureux melting-pot où chaque instrument trouve sa place, ça groove et ça nous donne envie de savourer leur musique sans trop se poser de questions.

On tente un passage du côté d’Acid Talk. C’est prometteur, plein d’énergie, ça joue vite, ça part un peu dans tous les sens. Mais on n’arrive pas à rester très longtemps. La faute aux lumières. Il ne faut vraiment pas être épileptique, ni avoir envie de voir clairement ce qu’il se passe sur scène à un concert d’Acid Talk. Si tu veux annihiler ta vision et te concentrer uniquement sur ce qu’il se passe dans tes oreilles sans avoir peur de saturer, Acid Talk est fait pour toi.

Vieux souvenirs et belles découvertes
En 2005, on commençait notre vie de public de concert de rock devant deux groupes belges. Le premier à jouer s’appelait The Experimental Tropic Blues Band. On est en 2025 et on retrouve le trio avec le même plaisir. Les liégeois aux surnoms surréalistes (Dirty Coq, Boogie Snake et Devil D’Inferno) ont peut-être perdu en masse capillaire avec le temps, mais ils n’ont rien perdu de leur folie. Ce qu’on aime quand ces trois-là se retrouvent (parce que, oui, ils voguent sur de multiples projets) ? C’est que tout est possible. Leur style “psycho boogie blues” est toujours d’actualité. Ils ne se prennent toujours pas au sérieux et ne s’interdisent rien. Jouer de la guitare avec des maracas, normal. Chanter dans deux micros simultanément, normal. Et c’est pour toutes ses raisons que cela fait 20 ans qu’ils représentent l’essence du rock belge. Déjanté, de haute qualité, et plein d’humour.

Place ensuite à Rosalie Cunningham et sa troupe débordante d’énergie. Elle est auteur, compositrice, interprète, choriste sur d’autres projets, multi-instrumentiste et dégage un charisme de dingue ! Et comment ne pas avoir envie d’embarquer avec elle dans son monde psychédélique et rock’n’roll ? On est entraîné tantôt sur les chemins du rock progressif, parfois carrément psychées, toujours captivé par la présence de Rosalie, ainsi que celle de la bassiste Claudia Gonzalez Dias. Celle-ci arpente sans cesse la scène comme pour mieux nous diffuser le son de sa basse (ou de la flûte traversière sur le morceau “Heavy Pencil” par exemple). C’est un peu comme si on se promenait dans un vieux manoir et que chaque morceau redonnait la vie à une nouvelle pièce poussiéreuse. Une vie old school et un peu burlesque mais moderne en même temps, déroutant mais enivrant.

Les femmes s’en mêlent au Tough Enough Festival
En parallèle, on va aussi jeter une oreille à Bella & The Bizarre, groupe de trois musiciennes et un batteur. Ils viennent de Berlin, et citent comme influence Eartha Kitt autant que les Ramones. La touche de rock rétro et séduisant de la première, mêlé à l’énergie brute des seconds. Le tout pour un résultat à la fois garage et dansant. On aurait adoré que deux groupes de meufs aussi différents ne soient pas alignés sur la programmation, pour qu’on puisse pleinement profiter des deux. Mais il faudra trouver une autre occasion de les revoir !

On est trop impatient pour la suite. The Schizophonics, on les aime d’amour. Souvenir d’une soirée d’anthologie à L’Autre Canal à Nancy, où ils avaient mis le feu à des Nuits de l’Alligator pourtant déjà folles. “Groupe live le plus sauvage d’Amérique”, ils ne volent pas leur réputation. On ne cesse de s’extasier devantPat Beers. Comment fait-il ? Il court, saute, fait des grands écarts, balance son micro, descend dans la fosse, remonte sur scène, continue, encore et encore. Du début du set, à la fin du set. IL. NE. S’ARRETE. PAS. Et tout ça, évidemment, avec une guitare en main, sinon ce serait trop facile. Derrière, Lety Beers tient le cap derrière la batterie, et Sarah Linton assure à la basse. Et ce sont bien ces deux-là qui permettent la folle liberté de Pat. Le public n’était pas prêt. Nous oui. Et on a bien sué.

Déluge de sueur venu d’Outre-Atlantique
On a voulu enchaîner, plein de bonne volonté, avec The Wytches et Treaks. On y a passé 5 minutes. On n’avait plus l’énergie. Il a fallu reprendre des forces pour être au top pour la suite. Parce que c’est ça, la difficulté du Tough Enough Festival. Il y a trop de groupes intéressants, rien à jeter, tout s’enchaîne et malheureusement nos besoins primaires nous rattrapent à un moment.

Et il fallait qu’on soit au top parce que la suite s’appelle Jon Spencer. Il est accompagné de Kendall Wind et Macky Spider Bowman et vraiment, on a rien à dire de leur performance. C’est la définition même du rock garage. Le mec ne vieillit pas. Ses musiciens sont de petits prodiges d’explosivité. Lui est un dieu du rock’n’roll. Et voilà. Le public saute et pogote en tout sens. Nous on se prend une claque, comme d’habitude avec Jon Spencer. On oublie tout des quinze minutes de retard (et puis, 15min, c’est règlementaire, ça va, c’est ça le rock). Et on se laisse emporter. On sue, encore. Et on oublie tout au son des riffs.

Dernier cadeau avant de partir
On en oublie presque que la soirée n’est pas finie. On fonce côté Museum. Là, on se souvient du retard de Jon Spencer, et même si les Darts ont décalé leur set, ce n’est pas le cas de Bahamas. POURQUOI ? On débarque en plein milieu de “Lost In The Light”, dégouté de ne pas pouvoir en savourer chaque seconde. Afie Jurvanen est seul, assis avec sa guitare et deux faisceaux de lumière. C’est tout. On n’ira pas voir les Darts. Parce que ce qu’il se passe devant nous est ce dont on avait besoin sans le savoir. Il n’y a qu’un canadien en guitare-voix pour nous apaiser après Jon Spencer. Il n’y a qu’un canadien en guitare-voix pour nous faire rire et pleurer en même temps. Il n’y a qu’un canadien en guitare-voix pour nous offrir un tel moment de grâce et de simplicité. Coup de cœur ultime pour Bahamas.

Et c’est avec un grand sourire collé aux lèvres, sur un bord de scène où on est assis, qu’on se demande ce qu’on a fait pour mériter une telle soirée. Merci le Tough Enough Festival. C’est une fois de plus un sans faute. Vivement la 3e édition.
Texte : Cl-ear & Morgane
Photos : Morgane
