Yoo II avec Nolan Potter : le jam survolté qui fait planer
COMPTE RENDU — La Sala Rossa accueillait la formation éphémère des bands Yoo Doo Right et Population II avec l’artiste multidisciplinaire Nolan Potter pour une performance unique et survoltée.
Les amateurs montréalais de post-rock et post-punk connaissent bien leurs bands locaux ; Yoo Doo Right et Population II n’en sont pas à leurs premiers lancements dans la salle montréalaise. Les voir partager une scène avec l’artiste texan Nolan Potter pour un jam improvisé, cependant, était une première, et personne – pas même eux- ne savait à quoi s’attendre.
Une aire de jeu à 360°
Dès le départ, la configuration du spectacle était convaincante. Ce qui aurait normalement dû être la scène principale était une projection à caméra unique de la véritable aire de jeu ; une sorte de jam pit. Les spectateurs pouvaient en faire le tour, offrant une vue à 360° sur les différents synthés, guitares, batteries, poupées trolls (!), amplis et pédales d’effets. Il était clair qu’on n’allait pas être relégué au rang de simple spectateur d’un show pré-planifié, pré-écrit et pré-ordonné. On allait être là, dans la salle, Yoo Doo II jammait avec Nolan.
Au moment de commencer, Pierre-Luc Gratton, chanteur et batteur de Population II, raconte au micro comment s’est créée cette incroyable formation lors du festival de musique SXSW, à Austin, quand leur ami Nolan Potter les a invités à jammer ensemble en studio. Une simple session enregistrée entre amis, “et Mothland nous a proposé d’en faire un album”. De ce jam impromptu est donc né Yoo II avec Nolan Potter. “On va souvent improviser”, prévient-il aussi avant que la lumière ne se tamise, immergeant la scène dans une brume écarlate.
Alchimie à six
Autour de lui, les musiciens préparent leurs instruments ; leur excitation est palpable, et lorsque les premières notes s’élèvent dans la salle, leur alchimie aussi.
Cette session en elle-même était probablement ce qu’on attend d’une expérience de prog rock. Parfois mâtinée de free jazz et d’old school reggae dub, la performance psychédélique des six musiciens a hypnotisé le public.

Les deux batteurs ont largement mené la danse, leurs mouvements calqués l’un sur l’autre dans une démonstration envoûtante d’énergie, de puissance et d’intimité. Le large sourire contagieux de John Talbot, batteur de Yoo Doo Right, rendait la scène d’autant plus exaltante. À leurs côtés, le bassiste de Population II, Sébastien Provençal, se promenait audacieusement sur toutes les lignes, stabilisant chaque mesure sur la fondamentale avant de grimper le manche à nouveau.
Justin Cober (Yoo Doo Right) ajoutait une touche d’ambiance atmosphérique au brouillard des machines à fumée, passant savamment de la guitare au synthé. Son comparse de Population II, Tristan Lacombe, lui rendait la pareille avec sa guitare à 12 cordes, qu’il délaissait parfois pour jouer quelques notes d’orgue ou pitonner sur une génératrice de signaux, entrecoupant le flot musical de passages occasionnels que seules quelques créatures célestes et autres extraterrestres pourraient comprendre.
Pour couronner le tout, le saxophoniste, flûtiste, tambouriniste passionné et troisième guitariste, Nolan Potter (oui oui, tout ça), a provoqué des dépressions nerveuses que seuls ce genre d’instruments, et ce genre d’instrumentistes, peuvent provoquer.
Lambada et transe collective
La performance avait tout d’une ballade sur une rivière tranquille se transformant en rapides tourbillonnants. Plutôt raccord avec le titre de la première track dévoilée de l’album, “Golfe du Mexique”. “Certains titres de morceaux sont basés sur les expéditions d’un explorateur français – à une époque où l’Amérique du Nord n’avait pas de frontières – dont le voyage s’est terminé par une mutinerie. Faire ce disque a aussi été une exploration pour nous, mais nous sommes beaucoup plus satisfaits des résultats”, raconte Nolan Potter sur le site de Mothland. Ce qui explique peut-être les quelques notes de la Lambada qui ont résonné au milieu du bouillon musical improvisé, arrachant des sourires aux musiciens comme au public.

Finalement, après près d’une heure et demie de jam, les lumières se sont (malheureusement – on en aurait pris plus) rallumées, sortant le public d’une transe collective. Les six musiciens se sont précipités dans les bras les uns des autres sous un tonnerre d’applaudissements. Une expérience plus que réussie pour cette première performance de Yoo II and Nolan Potter. “La prochaine fois on écrira des tounes” a lancé Pierre-Luc Gratton avant que la foule, conquise, ne se dissipe. Autant vous dire qu’on a déjà hâte.
Yoo II avec Nolan Potter – Sortie le 14 septembre (Mothland)
Texte et photos : Guilaine S. & Lucas C.
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