Damien Rice, the star and the darkness
Je me souviens très bien de la première fois que j’ai entendu Damien Rice, j’étais dans ma période sombre et rebelle. Adolescente en recherche d’elle-même, de son identité musicale. J’avais 16 ans, j’écoutais du rock gras, vénère et les jérémiades de Damien Rice, je m’en foutais. Je ne supportais pas “Blower’s Daughter” (et aujourd’hui encore, ce n’est clairement pas une de mes préférées). Oui, j’avoue, j’ai été une connasse qui comprenait rien du tout à rien, une ado idiote. J’ignore comment, j’ignore pourquoi mais un jour, la magie de l’Irlandais a fait effet. Je crois que dès lors que j’ai écouté l’album “0” en entier je suis tombée en amour pour ce garçon. Sa voix éraillée. Sa guitare. Ses mélodies. Tout m’a semblé différent après. C’est bizarre, mais c’est comme si “volcano”, “amie”, “cold water” avaient, en quelque sorte, apaisé mon âme.
12 ans plus tard, la magie agit toujours. Je ne pensais pas entendre de nouvel album de Damien Rice. Il arrive au meilleur moment. En novembre, le mois qu’on déteste tous. Beaucoup n’ont pas aimé “My Favourite Faded Fantasy“. Moi, je dirai que c’est un album qui s’apprivoise, qui ne se livre pas facilement. C’est comme retrouver l’amour de sa vie après une longue séparation. Au début, on ne sait pas trop comment se comporter. On met une distance, on se parle froidement, on n’ose pas se regarder et puis finalement, sans savoir pourquoi, le courant passe de nouveau. C’est pareil avec Damien Rice.
Après être tombée dans les filets de My Favourite Faded Fantasy, il fallait voir ce que donne l’album en live. Sur la scène des Folies Bergères. Le choix est judicieux. La salle est intimiste. Le style rococo dans l’impression d’être hors du temps. Elle est vieille, cette salle, en cherchant son siège, il faut prier les dieux pour que celui-ci ne soit pas trop défoncé. Heureusement, le mien est juste un peu tordu mais il ne grince pas quand je bouge. Celui de mon voisin oui. Mais, il ne bougera pas trop pendant la soirée.
On ne parlera pas de la première partie. On dira juste qu’on attendait avec une impatience et une excitation semblable à celle d’un réveillon de Noël. Après un temps qui semble infini, l’Irlandais daigne monter sur scène. Surprise, il est seul. On aurait pu penser qu’il serait avec un orchestre ou, au moins un violoncelle. Non, c’est comme à Pleyel : lui, sa guitare et nous. Ca me va. Vous connaissez mon amour pour le guitare-voix. Il commencera son set avec “Colour me in”, l’une des plus belles de son dernier album, parfaite mise en bouche. Je me rends compte que j’ai oublié mes mouchoirs, je n’ai donc pas intérêt à verser une larme Evidemment, j’en ai versé. Tout du long d’ailleurs, à des moments précis : “The Greastest Bastard” (parce qu’on en a tous un dans notre entourage), “The Professor” qui fait toujours écho à quelque chose de pas très précis chez moi. etc
Pendant ce concert Damien Rice va être égal à lui-même, drôle entre les morceaux, poignant quand il chante. Il maltraite sa guitare, sa voix aussi, chante quelques chansons de son dernier album, d’autres plus anciennes (“I Remember, “Amie”…), des quasi-inconnues (“Sand”, que “sept personnes dans la salle doivent connaître“, plaisantera-t-il). Il parle beaucoup de lui aussi, de “darkness”, fera beaucoup de blagues sur ce qu’il a fait pendant ces huit dernières années : il a visité des plages (joke), il rigolera de la situation de l’artiste (beaucoup trop glamourisé à son goût), et déclenche l’hilarité de la salle… On se demande s’il plaisante vraiment. J’ai repensé à Inside Llewyn Davis à ce moment-là… Il ne refera pas le coup de la chorale sur scène comme à Pleyel pour “Volcano”, mais c’est deux amies à lui, rencontrés à Grenoble, “le Sud de la France”, qu’il fera monter sur scène pour assurer les voix féminines. Elles n’ont pas les voix de Lisa Hannigan, qui pour la première fois de la soirée nous manque vraiment beaucoup. En revanche il y aura une vraie chorale pour “Trusty and True”, le dernier titre de la setlist chanté en fermeture du spectacle. Un final un peu gospel, une explosion de voix, d’émotion… et Paf (non pas le chien), nouvelle chialade. Coup d’oeil à la montre. Damien Rice a fait deux heures de concert et on n’a pas vu le temps passer. Encore une fois, il a arrêté le temps.
Texte et photos : Sabine Swann Bouchoul