On y était : 3 Minutes sur mer à la Menuiserie
Avant de parler d’eux, j’ai envie de te parler d’un truc étrange que je ressens. Je traverse une espèce de période trouble. Musicale, entendons-nous. J’ai du mal à ressentir un frisson en écoutant des nouveaux albums et j’ai le vague sentiment que les concerts ne me procurent plus vraiment de plaisir. Mais ça, c’était avant de retrouver 3 minutes sur mer. Je les avais déjà vus deux fois dans le passé. À la Dame de Canton et au Pan Piper. C’était il y a déjà plus de six mois. J’aurais voulu les revoir avant mais malheureusement, entre leurs concerts et moi, c’était une suite de rendez-vous manqués. Jusqu’à ce jeudi.
Il faut aller à la Menuiserie, à Pantin. C’est loin mais ça vaut le coup. Il pleut, il fait froid. Mais, je le sais, ça vaut le coup. Je passe mon tour sur la première partie, Lucien La Movaiz Graine, vraiment pas la musique que j’affectionne. Il n’est pas encore 21 heures quand Guilhem, Sam et Johan montent sur scène. La salle est blindée, certains badauds restent debout. “Qui a dit qu’on ne pouvait pas remplir des salles en banlieue?“, demande le chanteur. Rires collectifs.
Pendant une heure de concert, 3 minutes sur mer va traverser l’ensemble de son album Des espoirs de singes. Des chansons qui ne sont pas heureuses. Vraiment pas, elles parlent de périodes troubles, dans un français si beau et si rare qu’on n’a même pas envie de pleurer, juste d’écouter. Les textes sont subtiles, les mots toujours bien choisis, l’émotion si bien dosée. Guilhem ne chante pas des chansons, il te raconte des histoires. Avec les tripes, avec le cœur. Avec sincérité. C’est vrai, il possède une maîtrise vocale incroyable. Mais plus que la voix, c’est la présence (et l’interprétation) du garçon qui est impressionnante. Magnétique. C’est sans doute ce qu’on appelle l’aura.
Le groupe s’amuse à varier les ambiance, il y a cette guitare qui parfois sature, il y a les nappes électroniques, il y a les riffs sexy, les rythmes chaloupés (“Le Jardin”), la batterie qui tape sans lourdeur. Il y a les voix qui se mélangent et qui s’accompagnent. Parfois sans instruments, juste elles et des claquements de doigts (“21 hertz”). Il y a des reprises : “L’alouette en colère” de feu Félix Leclerc (un très vieux texte mais tellement actuel), ou encore “La Fin du bal” de Vladimir Vyssotski que je ne connaissais pas et qui me hante depuis. Ça disait un truc comme ça : “Il écrivait comme on se sort d’un piège/Faute au soleil, faute aux tourments/Mais comme il prenait pour papier la neige/Ses idées fondaient au printemps et quand la neige recouvrait sa page / Faute à frimas, faute à l’hiver /Au lieu d’écrire il essayait courage / d’attraper les flocons en l’air“.
Je pensais ne plus être touchée, ne plus être bouleversée par un concert live. Je pensais être atteinte de cette vilaine maladie dont souffre les journalistes, on appelle ça la blase, je crois. Je remercie 3 minutes sur mer de m’en avoir sauvée.
Photos : Sabine Swann