On a vu : “Dans les forêts de Sibérie” de Safy Nebbou
Tu as déjà rêvé de tout plaquer ? Ta vie, ta ville, ton confort, les gens. Tout pour partir vivre seul loin, en phase avec la nature ? Moi oui. J’ai ce fantasme de tout quitter, de m’enfuir loin de la civilisation, de la télévision, de ce téléphone qui vibre, de ces gens qui se plaignent, qui se tuent, se pourrissent et te pourrissent aussi au passage. Loin des relations toxiques. Je rêve d’un “Into The Wild” sans la fin tragique. D’une cabane en bois isolée au beau milieu d’une forêt. Vivre l’expérience que Sylvain Tesson raconte dans son livre Dans les forêts de Sibérie. Mais je n’ai pas son courage. Alors je vis par procuration. Avec son livre. Et aujourd’hui par l’adaptation au cinéma du roman par Safy Nebbou.
Le film diffère, un peu, du livre. Le cinéma ce n’est pas de la littérature mais il y a cet homme face à la nature. Seul. Dans la toundra, au milieu des lacs gelés. L’homme, c’est Teddy, joué par l’excellent Raphaël Personnaz. Teddy, il est venu là, en Sibérie, pour “se rapprocher de ce que je ne connais pas : le froid, le silence, l’espace, la solitude“. Quand il crie, sa voix résonne, quand il rit aussi. Quand il marche c’est sur des kilomètres, quand il fait du patin c’est au milieu des glaciers. Et quand il fait le pitre, quand il se baigne nu dans les eaux glacées du lac Baïkal, il n’y a personne pour juger, pour regarder. Loin de tout et de la ville, stressante, étouffante, infernale, le temps s’arrête. “Je suis libre parce que mes jours le sont”. L’enfer, c’est les autres, dit-on. Le bonheur, c’est donc ça ? La vie en solitaire ? Un temps, en tout cas.
Parce que la nature est hostile quand elle est sauvage et elle n’appartient à personne, sauf à elle-même. La loi, c’est la survie. Teddy, heureux, libre comme l’air, va s’en rendre compte, quand, nu comme un ver, il doit affronter un ours. Mais pas comme Leonardo Di Caprio dans The Revenant. Et pour survivre, il faut chasser. Malheureux, c’est lui qui se fait piéger à l’ouvrage. La survie est un art qu’un homme de la ville ne connaît pas. Dans sa retraite solitaire, Teddy rencontre un homme que l’on croyait mort. Un criminel en cavale qui se cache. C’est lui qui le sauve d’un terrible blizzard. Un lien d’amitié très fort se noue entre eux. Quand il tombe malade, Teddy prend soin de lui, essaie en vain de le resonner pour l’amener à la ville. Il refuse. Et s’il meurt, il prévient : “ne m’enterre pas, je ne veux pas finir sous la terre”.
“Dans les forêt de Sibérie” ne donne pas de leçon, il ne fait pas dans le sensationnalisme, c’est un film gracieux porté par un Raphael Personnaz remarquable de retenue. Sans doute, signe-t-il là, son meilleur rôle au cinéma. Les dialogues sont rares. Le silence et la photographie parlent à nos yeux. La bande-originale signée par Ibrahim Maalouf, elle, s’adresse directement à nos cœurs. Sans parole, juste une trompette, légère qui magnifie le propos et apporte un peu plus de contemplation à un film qui donne à réfléchir. Sur l’homme, sur son rapport à la nature et encore plus sur sa relation avec l’autre. Non, l’enfer, ce n’est pas les autres. L’enfer, c’est nous, avec nos choix parfois hasardeux, nos comportements souvent déviants, qui le créons.
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