On a vu : “Compte tes blessures” de Morgan Simon
CRITIQUE CINÉ – Premier long-métrage du jeune réalisateur Morgan Simon, Compte tes blessures retrace la laborieuse relation entre un père et son fils, lorqu’une nouvelle femme s’immisce dans leur fade quotidien.
Le quotidien de Hervé (Nathan Willcocks) et Vincent (Kévin Azaïs), oscille entre le métier de poissonnier du père, et le groupe hardcore du fils. Ils ne se comprennent plus. S’ils vivent matériellement ensemble, dans un appartement convenable de la région parisienne, ils ne partagent plus rien que des dénigrements et des silences pesants d’incompréhension. Cette monotonie au cœur de Compte tes blessures va se transformer en affrontement lorsqu’Hervé se met à fréquenter la belle et ambiguë Julia (Monia Chokri), une séduisante hôtesse de caisse sans histoire.
Kévin Azaïs l’incandescent héros tragique
Le scénario de Compte tes blessures gravite autour du personnage de Vincent. Vincent, 24 ans, et sa bande de potes musicos tatoués, Vincent et ses concerts, Vincent et l’alcool, mais surtout Vincent et son père. C’est un jeune homme épanoui qui plaît, et qui brille dès qu’il n’est pas cloîtré chez son père, à se morfondre dans sa chambre d’enfant, lui qui n’est jamais parvenu à terminer un seul livre de sa vie. Comme dans Les Combattants ou Souvenirs, Kévin Azaïs brûle l’écran. Pourtant, son débit de parole n’est pas considérable. Tout passe souvent par son regard, et ses grands yeux bleus incandescents. On y perçoit l’ardeur quand il chante avec Seven Days Diary, son groupe, le désir qui le ronge quand il observe Julia, ou encore cette espèce de crainte obsessionnelle à chaque fois qu’il se retrouve avec son père.
Un trio destructeur
Un père dont le comportement nous intrigue. Hervé est froid, ambigu, il s’oppose à son fils et le dénigre dès qu’il en a l’occasion. Dans le fond, on est persuadé qu’il l’aime, sans toutefois parvenir à le lui dire. Leur relation est très étrange, et plusieurs scènes où père et fils se confrontent nous ont navrés. Ces deux hommes ne savent pas communiquer, ni s’aimer : “Peut-être que je ne te connais pas si bien” balance Vincent à son père à table, après avoir essuyé une salve de remarques désobligeantes en face de Julia. La rupture est consommée depuis longtemps. Le lien semble irréparable. Ce sont ces tensions sous-jacentes que Julia vient réveiller, avec un statut de belle-mère séduisante et séductrice, un peu perdue, qui ne sait pas elle-même ce qu’elle recherche.
Le punk comme échappatoire
“Pourquoi vous criez ? Tu es énervé ?!” nargue Hervé, au sujet de Seven Days Diary. La musique joue un rôle important dans Compte tes blessures. Vincent est chanteur de punk, hardcore, et parvient à se produire sur des scènes underground avec sa bande de potes. Le réalisateur fait chanter Kévin Azaïs vaillamment, et certaines scènes sont du live. La B.O. suit : Circa Survive, Good Health (“What Are You So Afraid Of?”), The City, Being As An Ocean ou encore Devil Sold His Soul viennent ponctuer la narration à coup de double-pédale, distorsion, dissonances et paroles vénères.
Le scénario est peu alambiqué. Il permet aux acteurs de s’accaparer l’image. La caméra est vive, elle filme les détails, et les regards lourds de sens (et conséquences), comme une troisième personne postée à proximité des scènes. Elle évite certaines coupes avec des plans séquences qui conservent la tension des relations. Parfois, c’est étouffant. Il y a des lacunes, des petits moins bien, des incompréhensions scénaristiques ou relationnelles, comme tu préfères. Néanmoins, on ne peut pas dire que ce long-métrage ne nous a pas émus. Et ça, pour nous, c’est le principal.
► Compte tes blessures de Morgan Simon (Rezo films), au cinéma à partir du 25 janvier, avec Kévin Azaïs, Monia Chokri, Nathan Willcocks…
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