Cusp, nouvel album d’Alela Diane, une femme d’aujourd’hui
CHRONIQUE – Cusp, le retour aux accents vintages de notre jeune « veille âme » préférée, Alela Diane qui réconcilie les générations musicales et les conflits intimes.
Après deux premiers titres, « Emigré », puis « Ether & Wood » égrainés ces derniers mois, Alela Diane nous a enfin livré vendredi les onze titres de Cusp. Alela est une des plus belles artistes folk actuelles, une voix profonde et une personnalité aussi forte que délicate, une jeune femme profondément émouvante dans ses propositions musicales. Par le passé elle a exploré différents styles, le folk que l’on pourrait qualifier de primaire avec The Pirate’s Ghospel, où elle explorait ses origines amérindiennes, comme un chant chamanique sous le tipi. Puis le jeu de guitare, des guitares, s’est étoffé, ces albums gagnant en profondeur avec To Be Still, très folk classique américain, perdant peut-être en émotion lors du plus arrangé et moins réussi Alela Diane & Wild Divine.
Nous l’avions retrouvée au sommet de son talent folk avec About Farewell, album inspiré par l’échec de son premier mariage, qui sortit alors que le destin en très peu de temps lui avait apporté sur un plateau un nouveau mari, et dans la foulée une petite Vera. La page des douleurs et errances amoureuses était tournée. Entre About Farewell et Cusp, se sont écoulés quatre ans, et la famille s’est agrandie d’une nouvelle petite fille Oona, dont la naissance faillit couter la vie à sa mère. Cusp est donc l’album d’une mère, épargnée par la mort en couche, s’interrogeant sur la dureté du monde, la complexité de la maternité actuellement, le besoin d’un retour à un environnement plus sain et plus simple. Le résultat est très intime, sincère, doté de quelques pépites « typiques Alela » mais parfois, à nouveau un peu trop arrangé à notre goût…
Cusp et sa toile de fond très 70’s
Alela vit avec son temps certes, mais quelque peu sur le bord, en retrait de son activité bouillonnante, toujours un pied dans le passé, dans son appréhension de la vie mais également dans ses références musicales. Le morceau d’entrée « Albatross » et son arrangement piano-trompette-violon, nous rappelle un autre oiseau, le goéland Jonathan Livingstone. Le film inspiré du livre de Richard Bach sur l’histoire de cet oiseau mythique, sorte de métaphore allégorique dans la veine du Petit Prince, dont la bande son par Neil Diamond berça les enfants des années 80. Comme cette référence, « Albatross » est cinématographique, poétique et très rétro.
L’effet vintage persiste lorsqu’ensuite on enchaîne avec « The Threshold », qui lui prend tous les codes des balades bucoliques de Dionne Warwick. La flute traversière, la guitare classique, voire même espagnole, la chanteuse de « What The World Needs Now » ne pourrait renier Alela en tant que fille spirituelle avec ce titre ! L’atmosphère en ce début d’album est champêtre, on est près de la mélodie du bonheur, et « Moves Us Blind » finit de planter le décor seventies. Le ton et le phrasé d’Alela y sont ultra-classiques et hors d’âge, la guitare électrique domptée et très sage. Voilà donc une entrée en matière très joliment travaillée, plein de métaphores et de références vers une époque peut-être plus douces dans l’esprit de la jeune femme.
Les chansons les plus “Alela-esques” sont toujours les plus belles
Le reste de l’album possède certains titres plus oubliables comme « So Tired », ou « Yellow Gold » malgré son intro au piano très Agnes Obel. Les sujets sont plus politiques que par le passé, Alela observe et se désole de la dureté du monde qui nous entoure. Le thème de la maternité est omniprésent, traité avec pudeur et une certaine conscience féministe, mais pouvant, nous le craignons, lasser les plus cyniques et nullipares ! Malgré ces quelques bémols, les mélodies qui restent gravées dans nos esprits après quelques écoutes, ce sont les plus beaux titres, les plus folk : « Wild Ceaseless Song », un titre « tellement Alela-esque », et surtout les deux premiers extraits « Emigré » et « Ether & Wood » dont nous avons déjà dit tout le bien que nous pensions à leurs sorties. Ces perles mélancoliques qui sont pourtant totalement lumineuses.
Oui Alela, la vérité est que nous aimons que tu nous maltraites les entrailles en nous tirant les larmes avec ton folk épuré. Nous aimons sincèrement chacune de tes propositions, mais c’est seule avec ta guitare, en tête avec tête avec ton public, que nous te préférons, dépouillée de trop d’arrangements studio. Et aucun doute que cet album en live, dans les petites salles dont tu as commencé à nous glisser quelques dates, sera un instant magique. Belle vie pleine de succès à Cusp et toi…
En concert au Printemps de Bourges, le 24 Avril à Tourcoing, le 25 Avril à Nantes, le 26 Avril à La Cigale, le 28 Avril à Lyon.
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