Edi Casabella, poète des temps modernes
J’ai toujours eu un faible pour les chansons qui font pleurer. Et dans le genre, Edi Casabella ne fait pas économiser les larmes. Heureusement pour moi, mes yeux doivent abriter un océan ou alors mon quota de larmes est indéfini. Quoiqu’il en soit j’ai écouté l’album d’Edi. Un album d’une beauté à pleurer qui raconte avec des mots crus et violents la réalité de notre société. Une poésie brute. Edi se fait le narrateur de notre époque qu’il dépeint avec ses côtés les plus obscurs. Pourquoi la rendre plus belle alors que « le soleil meurt » demande-t-il ?
Edi Casabella a la plume acide, le mot acerbe et un univers qui se promène entre rap, slam et chanson française, des chansons qui racontent des histoires tristes entre vie rêvée et atroce réalité. En guitare-voix ou alors sur des mélodies plus étoffées, la musique d’Edi prend aux tripes. Une pointe de mélancolie et de tristesse se dilue dans les textes qui loin de virer au mélodramatique ou au pathos s’apparentent plus à un tableau en noir et blanc de notre société.
Il dit qu’il n’est pas du genre déprimé. Ses chansons ont tout ce qu’il y a de plus déprimants tant il peint la vie avec ses contradictions et tout ce qu’elle a de plus terrible. Edi parle ne parle pas du beau et du clinquant. Son thème de prédilection c’est surtout les oubliés : les SDF, le martyr de guerre, « l’esclave sexuelle à l’amour que l’on porte n’a rien de sensuelle », le travailleur qui a bousillé sa santé. (« J’irai cracher sur vos tombes»). Il raconte les femmes abandonnées. Pas de Pretty Woman, ça c’est au cinéma. Son «Conte de fée moderne» raconte l’histoire d’une fille enceinte de 16 ans que les parents jettent dehors et qui rêve de rencontrer un prince charmant. Il parle de ce harki que son pays rejette, amoureux d’une française, (« Ma médecine ».)
Il parle aussi un peu de lui, de sa vie. D’un père avec qui n’a pas vécu et qu’il n’a pas eu le temps de connaitre (“Dernier Géant“). « Je vous ressemble tellement et je vous connais si peu, êtes vous le nuage, quand dans ma tête il pleut » écrit-il. Une voix au fil du rasoir pleine d’émotion qui raconte comment un enfant cherche son père.
Il parle de fuite, de voyage, d’amour. Le garçon désabusé rêve de se casser de l’empire des anges déchus et veut vivre « un Jour d’été », loin.
J’avoue, j’ai eu du mal à écouter en entier l’album d’Edi tellement il est dur d’entendre que les rêves se brisent du fait de les avoir serrés trop forts. Mais j’y reviens souvent. Parfois on s’y retrouve. On s’est souvent pensé comme « celui qui ne croit plus en rien, celui qui ne croit même pas en moi ». La musique d’Edi mélange réalité, espoirs, désillusions, tristesse, beauté et mélancolie. En vrai, elle est à l’image de notre époque, celle qui broie du noir. Elle ne pouvait trouver meilleur poète et narrateur en son temps pour la conter sans masquer. On a le monde qu’on mérite écrit-il. Merci de nous le rappeler.
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Edi Casabella sera en concert à l’OPA Bastille le 16 février prochain. Entrée gratuite.