Des balances au concert : on a suivi Dead Chic sur sa date strasbourgeoise
REPORTAGE – Parce qu’on aime la réalité plus que les mythes, on est allé passer quelques heures dans les coulisses d’un concert de Dead Chic. On vous raconte tout.
Dernièrement, les frasques d’Anton Newcombe nous ont rappelé que souvent, on associe la figure du groupe de rock avec des tensions, des guitares qui volent, des chambres d’hôtel saccagées et des bagarres entres musiciens. Peut-on faire du rock et être à l’opposé même de ce type d’énergie? Bien sûr que oui. La preuve par Dead Chic.
Il est 15h30 quand on arrive à l’espace Django, la salle accueillante idéale pour venir s’incruster sur des balances (big up à la team, on vous aime). Tout le monde s’affaire déjà dans la salle et sur scène, pour déballer, brancher, déplacer, installer le set du soir. On retrouve Andy, Damien, Rémi et Mathis sur le pont, organisant leur petit nid du soir avec l’aide des techniciens. Ici, on sort les guitares de leurs étuis. Là, on tire sur le tapis pour rapprocher la batterie. On teste les pedalboards, on installe les micros. À ce jeu-là, on découvre que le travail est inégal. Si installer une batterie relève de la construction lego (de haut niveau pour moi, mais d’un jeu d’enfant pour Rémi), installer les guitares et se préparer pour le chant paraît nettement moins chronophage.
Des balances au temps qui déborde
Mais c’est Mathis et ses claviers qui remportent la palme du temps passé sur son instrument, avec une installation hybride mi-analogique mi-digitale dont la commande via appli semble prometteuse mais compliquée à maîtriser totalement. Les musiciens, des nerds qui cachent bien leur jeu ? Sûrement. On peut enfin lancer les balances pour s’assurer de la bonne tenue du concert. Les visages sont sérieux et concentrés, mais on voit poindre de-ci de-là les regards de connivence qu’on connaît bien. Enfin tous sur scène en même temps, et on sent déjà, même en balance, la complicité de ces gars-là qui passe sans trop de mots. Quelques notes résonnent. Andy veut vérifier l’un ou l’autre titre. Le volume convient à tous. La place est libérée pour Liv Oddman.
Et voilà le temps mort. Trois heures à tuer avant l’ouverture des portes. Quasi cinq avant le début du concert. Alors comment s’occuper dans ce temps-là quand on doit rester sur place ? Mathis écoute la captation sonore d’un de leurs anciens concerts, Damien et Rémi font les comptes, Andy alterne entre babyfoot et micro-sieste pour récupérer le maximum d’énergie possible avant le set. Et c’est là que réside pour moi LE grand mystère de ces groupes. Ceux qui te font sortir extatique d’une salle de concert après une claque monumentale d’énergie. Ceux qui donnent tout dès le premier pas sur scène et jusqu’au dernier. Ils la puisent où, cette énergie ?
L’incroyable mutation scénique de Dead Chic
Parce que voir ces gars s’adonner à des tâches si fonctionnelles (notes de frais, merch à préparer, présentoir à créer pour les vinyles), dans une sorte de routine du quotidien, n’aide pas à trouver de réponse. Il faudra attendre le petit moment après le repas pour voir Rémi en loge, casque sur les oreilles, avec ses baguettes en train de air-drummer sur un coussin. De même pour entendre Andy commencer à s’échauffer la voix ou Damien gratouiller sa guitare. Mais rien de plus. Ils assistent en partie au set de Liv Oddman, prometteur ovni musical français, avant de s’isoler quelques minutes en loge quand l’heure approche. Ils en sortent sereins, habillés, prêts pour tout donner.
Et ils ont tout donné. On a l’habitude de les voir, pourtant. On sait comment ça se passe. Mais malgré tout, c’est encore et toujours la claque. Les poils qui se dressent sur les bras, les hormones qui s’affolent chez certain.e.s (mention spéciale au groupe féminin exprimant très très ostensiblement son plaisir devant le spectacle), les applaudissements nourris, toujours. Un grand set qui convainc tout le monde, tant la maîtrise est évidente des quatre côtés.
Strasbourg et Dead Chic, une histoire qui dure
On le sait, il nous le dit, c’est un peu spécial pour Andy de jouer ici. Le début de Dead Chic est indirectement dans cette ville, puisque Damien (avec Catfish) et Andy (avec Heymoonshaker), ont partagé une première scène il y a des années de cela, dans une belle programmation signée à l’époque Benoît Van Kote. Ce même Benoît Van Kote qui programma leurs groupes respectifs au fil des ans et qui programme ce soir ce magnifique plateau à l’espace Django. Celui-là qu’on va retrouver par un grand high-five en fin de concert, et qu’on remercie encore et toujours pour ses programmations aux petits oignons.
Et à l’heure où le public est reparti, avec un vinyle ou une affiche dédicacée sous le bras, et que l’énergie retombe, encore une fois, il reste toujours le même mystère. D’où vient donc cette folle énergie qui semble apparaître comme par magie dès le premier pied sur scène ? Où donc sont-ils allés la puiser ? Dans le câlin d’avant-scène, fugace ? Dans les regards échangés, quand ils se lancent ? Ou dans le public et ses premiers applaudissements ? Après des heures à observer Dead Chic ce jour-là, on n’a toujours pas la réponse. Mais c’est peut-être mieux ainsi.
Pour que la magie reste intacte.