Les Rotondes, Real Farmer et Crows contre la brume de novembre
LIVE REPORT – Soirée rock au Luxembourg pour découvrir sur scène le nouvel album de Crows. Avec en prime une première partie comme on les aime.
Je ne sais pas vous, mais du côté du Grand Est, le mois de novembre affiche un temps idéal pour rester chez soi. Je n’ai pas vu le soleil depuis si longtemps que je ne compte plus les jours. On tourne entre 0 et 6°C de ressenti dehors. La brume fait peser une atmosphère de flemme depuis des semaines. Bref, se motiver à sortir, même en concert, relève du défi. Encore plus quand cela inclut de prendre la route vers le Luxembourg, terre promise pour une belle affiche de rock : Real Farmer + Crows aux Rotondes.
L’amour est dans le pré hollandais
Real Farmer sont quatre, viennent des Pays-Bas, et ont sorti un premier album cette année Compare What’s There. À classer dans la grande famille fourre-tout actuelle du post-punk, leur musique, comme leur set, est à l’image du titre d’un de leur single “The Straightest Line”. Real Farmer ne s’encombre pas, Real Farmer ne tergiverse pas, Real Farmer ne fait pas de détour. Bref, Real Farmer va droit au but. Le chanteur, micro dans une main, bière dans l’autre, arpente la scène d’un côté à l’autre en éructant ses paroles, dans la plus pure tradition des débuts de nos groupes préférés de cette mouvance. Les lignes de basse de la bassiste sont imparables pour nous faire bouger et l’ensemble ne se prive pas de riffs bien sentis et d’une batterie ultra-sharp. On entendrait presque un petit quelque chose du punk de la grande époque, une touche vintage qui relève d’on ne sait trop quoi… La voix peut-être ? Ou l’envie d’explorer différents terrains ? Une belle première partie en tout cas.
Viennent Crows et l’occasion de voir sur scène un peu de leur Reason Enough, troisième album dans la droite ligne des deux premiers (et en même temps, pas tant). Il y a beaucoup de choses qu’on aime chez Crows. Leur musique en priorité, évidemment, qu’on classe trop souvent à mon goût à côté des Idles ou autres Fontaines DC. Bien plus sombre, bien plus profond, et presque plus riche, le son Crows évolue depuis trois albums en se détachant progressivement du live et en ajoutant une énergie moins brutale mais presque gothique à l’ensemble. Influences des oreilles bienveillantes de Joel Amey, le batteur de Wolf Alice, et Andy Savours, producteur, qui se sont penchées sur l’album ? Peut-être. Mais la cohérence de l’ensemble se maintient, notamment au travers des artworks délirants qui s’enchaînent sur les pochettes et les t-shirts. Et la cohérence, on aime. Sauf quand il s’agit de respecter un timing de concert improbable.
1h de Crows, “Reason Enough” pour aller les voir ? Oui
Parce que la dernière fois qu’on les a vus, on s’en souvient, c’était à Bruxelles. Le concert avait duré une heure, provoquant chez moi une frustration intense et toujours l’envie d’en voir plus. Suffisamment pour me faire aller à 2h de route de chez moi un samedi brumeux de novembre. Et guess what ? Bruxelles, Luxembourg, même combat. Un concert de Crows dure une heure, tenez-le vous pour dit. Et pourtant, on a eu droit aux meilleurs titres des trois albums (big up pour “Empyrean” et les autres titres de Silver Tongues qui restera à tout jamais mon album préféré). À un petit tour de James dans le public, le temps de chauffer ce public luxembourgeois tout en intériorité. À toute l’énergie sur scène qu’on peut attendre d’un très bon concert. Mais un concert d’une heure. Parce que “qui veut voir plus d’une heure de concert de Crows ? Personne !”, d’après le groupe. MAIS SI ! NOUS ! Parce que “I need a break from this reality”, comme ils le jouent si bien sur “Vision Of Me”. Et plus le break est long en compagnie de Crows, mieux c’est !
Heureusement, la frustration est encore une fois noyée au merch’ et sera atténuée par la découverte des Rotondes, cette salle que je n’avais pas encore explorée. Deux anciennes remises de locomotives, une programmation aux petits oignons, un bar, un DJ set, une déco chaleureuse et tournée vers la musique, une scène pile à la bonne taille, un extérieur qui fait rêver pour les jours où la brume et le froid ne seront plus de mise, et une équipe au top. Et finalement, le secret de Crows est peut-être bien le bon. Parce qu’en sortant de là, je me note intérieurement deux choses sur ma to do list : revoir Crows et revenir aux Rotondes.