“Sleep Well Beast” de The National : l’ombre et la lumière
CHRONIQUE – The National avait préparé minutieusement son retour aux affaires. Le groupe a sorti son nouvel album, “Sleep Well Beast”, une traversée sonore sombre et intense.
Nope. The National ne gagnera toujours pas le prix de l’album le plus joyeux de l’année. Il ramène même le mois de novembre et sa grisaille avec quelques mois d’avance. Nous sommes en septembre, le ciel n’a jamais été aussi bas, le froid aussi présent. Pas d’été indien pour la France. La pluie frappe fort aux fenêtres, les branches des arbres luttent pour ne pas s’écraser sur le bitume. Septembre ressemble à novembre. Et The National ne ressemble à personne. Ça, on l’a toujours su. Mais, comme s’il nous fallait une piqure de rappel, le groupe de Brooklyn a mis en ligne son dernier album, Sleep Well Beast. Et s’il y a une chose qui ne change pas avec eux, c’est leur façon d’explorer ce qu’il y a de plus sombre dans chacun d’entre nous. Le spleen leur va bien. Et le spleen leur rend bien.
Face sombre
Dans ce nouvel effort, Matt Berninger et ses collègues racontent des histoires qui ne connaissent pas d’happy ending. Ils sont Américains, mais Hollywood, très peu pour eux. Ancrés dans la réalité, ce sont les relations humaines qui sont au cœur de leur musique. Les relations amoureuses surtout. Et pas celles des contes de fées. Chez The National, on s’intéresse aux petits ratés, les passages à vide, la nostalgie d’un moment pourtant heureux qu’on a foutu en l’air, volontairement ou pas d’ailleurs. La rupture qu’on n’arrive pas à oublier. Matt Berninger chante le désenchantement des relations humaines, la déception, les désillusions. On avait prévenu, ce n’est pas heureux. Mais, ce n’est pas ce qu’on veut, ce n’est pas ce qu’on recherche quand on écoute The National.
On ne recherche pas des histoires heureuses. On veut de l’intensité. On veut de la passion, on veut avoir mal, on veut être dévasté, on veut être transporté, on veut un voyage sonore. Et puis, à la fin, quand le dernier titre s’éteint, quand la platine s’arrête, on veut avoir l’âme apaisée. Et ça, The National sait y faire. Comme personne. Avec des mélodies mélancoliques et aériennes, des orchestrations à la fois pleines et minimalistes, œuvre des frères Bressner et des frangins Devendorf. Avec une élégance même dans la grandiloquence. Avec un dosage parfait de tous les instruments. L’introduction électronique, les guitares fuselées, les percussions métronomiques, les notes de pianos délicates, les longues phases instrumentales à la puissance quasi-chamanique, la voix grave et lancinante de Matt Berninger, tout est finement posé, intelligemment organisé.
Si c’est toujours aussi désespéré et sombre, ne dit-on pas que c’est une fois que l’on est au bout du tunnel que l’on trouve la lumière ? Sleep Well Beast représente cette traversée sombre et désespérée mais aussi la lumière.
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