Inlet Sound : “En anglais on dirait que notre musique est bombastic”
Inlet Sound c’est un groupe canadien, de Toronto plus exactement, composé de quatre mecs, et de Kate à la batterie. Original. Ils ont sorti fin 2012 leur premier album intitulé « The Romantics », un beau bébé qui se laisse écouter comme sur des roulettes. Et pour cause, Inlet Sound c’est vraiment beau. Leur musique nous porte et nous balade en douceur. Une douceur tintée de vitalité et de pureté sur les dix titres qui composent ce premier opus.
Rendez-vous est donné quelques heures avant leur concert, un peu plus tard que prévu car leur van de tournée a eu un petit souci technique sur la route de Toronto. Les aléas de la tournée. C’est non pas un, ni deux membres du groupe qui se joignent à moi pour l’entrevue mais bien les trois premiers membres d’Inlet Sound, Michael (voix/guitare), Sean (piano) et Steven (violon/mandoline). Tous les trois anglophones, Steven et Mike m’ont fait l’immense plaisir de répondre à toutes mes questions en français, tandis que Sean venu se joindre à l’interview a tenté de comprendre ce que ses potes me disaient acquiesçant et souriant à tout va.
Prêts ?
Oui (en choeur)
Une petite présentation de votre groupe pour les gens en France qui ne vous connaisse pas encore ?
Steven : Ça a commencé avec Mike (voix/guitare) et Sean (piano) qui se sont rencontrés à l’Université Hamilton puis ils commencé à jouer de la musique ensemble. Ils devaient aller donner un concert à Toronto, et voulaient d’autres personnes pour former un groupe. Ils m’ont demandé de jouer avec eux car je fais du violon.
Mike : Et de la mandoline.
Steven : Le groupe a un peu changé ces dernières années, surtout depuis l’été 2011.
Mike : Il y a eu une évolution de notre son. On a commencé plus folk/pop, très mignonnet.
Steven : Depuis l’année passée on a commencé à enregistrer notre album « The Romantics », et on voulait vraiment faire évoluer notre musique, qu’elle arrive à maturité. Donc comme a dit Mike, avant on s’amusait, puis on a voulu écrire des chansons qui racontent des histoires sur différents thèmes.
Donc à la base vous étiez trois. Vous avez cherché d’autres musiciens pour améliorer votre son ? Comment en êtes-vous arrivé à la composition actuelle du groupe ?
Steven : C’était difficile d’avoir un son complet seulement avec Mike et Sean. Ils voulaient ajouter des percussions et de la basse. On a aussi changé deux membres du groupe ces dernières années. Mais désormais on est cinq, et c’est du solide. On a beaucoup d’énergie quand on joue ensemble et on s’amuse bien.
Comment vous décririez votre musique en un seul mot ?
(gros silence)
Mike : On peut mettre folk/rock en un mot ? (rires)
Steven : Beaucoup de personnes nous le demandent, c’est difficile à dire. On n’aime pas ça vraiment comparer notre son à d’autres.
Mike : On dit en anglais « bombastic », c’est quelque chose de grand de … (cherche ses mots en français)
Steven : On essaye de donner autant d’énergie qu’on peut parce qu’on ne joue pas des instruments forts, on aime vraiment donner le maximum avec des instruments acoustiques, tout en gardant le tout naturel.
Est-ce que vous pouvez nous parler de votre premier album « The Romantics » et du projet qui a gravité autour ?
Mike : Il y avait beaucoup de thèmes dans nos vies, beaucoup d’idées qu’on voulait traduire en musique.
Steven : Ils finissaient leur diplôme à l’Université, et n’avaient pas d’idée de ce qu’ils voulaient faire, n’avait pas de guide pour leur dire quoi faire …
Mike : En fait c’était trouver notre direction dans la vie.
Comment avez-vous réussi à monter ce projet Inlet Sound ?
Mike : A l’origine il y avait des idées importantes pour nous tous, on en a beaucoup parlé durant l’été 2011, puis on a trouvé un producteur Laurence Currie qui a travaillé avec beaucoup de groupes qu’on aime beaucoup comme Wintersleep, Sloan, Hey Rosetta !.
Steven : Il fallait qu’on lui fasse une démonstration, et lui dire ce qu’on voulait, quel produit final on espérait avant qu’on commence. Il aimait nos chansons, mais il trouvait notre musique « cute » avant. Il nous a dit que notre musique n’avait rien de spéciale, puis il nous a beaucoup aidés, pour nous transformer musicalement.
Qu’est-ce qu’il vous a apporté ? Qu’est-ce qu’il vous a donné ?
Steven : Il nous a guidés dans une direction vers laquelle il savait qu’on serait d’accord. Il nous disait « je pense que vous avez de bonnes idées mais si on les modifie d’une certaine façon, ça sonnera mieux ». Par exemple au début moi j’avais des lignes au violon, et il me disait que je devais changer certaines choses, donc j’étais un peu déçu. Après je l’ai accepté et je me suis rendu compte qu’il voulait vraiment nous aider. On ne pouvait pas vraiment faire ça tout seuls. Il nous a amené vers notre son actuel, et on en est vraiment contents.
Mike : Je crois que c’était vraiment important d’avoir quelqu’un en plus, qui est extérieur au projet, et qui apporte des idées totalement nouvelles, ainsi que sa grande expérience à notre créativité.
Votre musique vous voulez la développer seulement au Canada ou vous envisagez de partir la jouer autre part ?
Steven : On aimerait vraiment ça d’aller dans l’ouest du Canada cet été. Présentement on est sur notre deuxième tournée dans les Maritimes (ndlr. régions à l’est du Québec). Pour les prochaines années on ne sait pas encore. On n’a pas encore joué aux Etats-Unis et on a parlé d’aller en Europe, même si ça coûte de l’argent. Aller là-bas serait vraiment le fun.
Mike : Dans la vie d’un groupe il y a des étages à monter au niveau des tournées, d’abord l’ouest du Canada, puis les Etats-Unis, et l’Europe. Mais ce n’est pas facile de jouer aux Etats-Unis.
Steven : Tu ne peux pas juste y aller comme ça, tu dois avoir des permis pour tout l’équipement, pour toutes les personnes.
Quand j’ai écouté votre album ça m’a fait penser à un mélange entre Great Lake Swimmers et Mumford & Sons.
Steven : On apprécie beaucoup les sons de ces artistes.
Sean : Je crois que j’ai compris cette question ! Vas-y Steven continue.
Steven : On aime donc beaucoup, mais on voudrait que notre musique soit la plus unique possible. Nous faisons de la musique pour nous, après si d’autres personnes aime également, c’est un plus. On fait de la musique que l’on aime jouer, et c’est ce qui est important. Si on sort un nouvel album dans les prochaines années, ça serait la même chose. On voudra créer quelque chose que l’on aime, dont on est content, quelque chose qui nous correspond.
Donc vous n’avez aucune influence des Mumford ?
Mike : Il y a quand même un peu d’influence, mais ce n’est pas de l’imitation. C’est un groupe très populaire aujourd’hui, et c’est vrai que notre musique s’entrecoupe avec la leur.
Steven : Par exemple moi j’ai commencé le violon quand j’étais jeune, c’était une activité traditionnelle du Canada. C’est juste de la musique qu’on voulait faire aussi.
J’ai trouvé qu’en règle générale votre album met de bonne humeur avec les belles mélodies. C’est un album très optimiste dans son ensemble, c’était l’effet voulu ?
Steven : Tu dois toujours être optimiste quand tu embarques dans des histoires comme les nôtres, même si tu ne sais pas vraiment ce qui va arriver.
Mike : Tu n’as pas trouvé de moment triste dans l’album ?
Si, il y avait des mélodies tristes, mais toujours teintées d’espoir.
(ils parlent tous les deux en même temps)
Mike : Chaque personne ressent quelque chose de différent dans l’album. Pour moi, la chanson la plus triste de l’album c’est Romantics II. Après c’est vrai que le thème de l’album c’est l’optimisme.
Comment ça se passe pour l’écriture de vos chansons ?
Steven : C’est un mélange de tout le monde. Mike et Sean écrivent la plupart des textes et des thèmes, puis tout le monde propose des mélodies. On veut être surs que tout le monde a contribué au produit final. On n’a pas de manière précise de le faire. Sinon par exemple ça fait six mois que « The Romantics » est sorti, et on a plein de bouts de chansons qu’on a déjà écrit. On ne sait pas encore comment ça va se mettre en forme pour le moment.
Vous jouez tous plusieurs instruments. C’est important pour vous de varier les sonorités, de ne pas avoir tout le temps les mêmes instruments sur vos compositions ?
Steven : En ce qui me concerne, quand on écrit les chansons, j’essaye de mettre autant de mandoline que de violon.
Mike : On doit encore trouver notre son, on teste les instruments.
Steven : Pour The Romantics on a loué un chalet tout en bois proche de l’eau en avril 2012, et c’est là qu’on a enregistré la plupart de nos musiques. Il y avait des microphones partout, et c’était un son naturel. C’est la même chose pour le piano, on l’a enregistré dans une église.
C’est vrai que votre son est très plein, très consistant.
Steven : C’est drôle parce que notre bassiste a aussi dit ça. On voulait juste combiner l’optimisme à l’énergie, et aller dans cette direction.
Mike : Quand tu parles de son très plein, nous on dit « bombastic ».
Vous n’avez pas du tout enregistré en studio ?
Steven : Si certains éléments, comme l’orgue sur le synthé de Sean. Mais la majorité a été enregistrée avec des mixophones directement sur les instruments en acoustique, sans effet, tout au naturel.
Mike : On a aussi ajouté d’autres instruments en plus sur l’album, comme le French Horn. Comment on dit ça en français ?
Tuba ?
Steven : Un peu. (il me mime le trombone)
Trombone ?
Steven : Oui c’est ça.
Sean : Es-tu sur que c’est ça ? (il mime le Cor) Le Cor est tout enroulé sur lui-même.
Ok donc c’est le Cor.
Steven : Oui c’est pour ça que ça nous a pris plus de sept mois à enregistrer.
En parlant d’instruments, dans votre album vous n’utilisez pas du tout d’instruments à vent ? Ça ne vous dit pas ?
Steven : Oui seulement le cor. Tu sais notre énergie est bonne à cinq …si on ajoute d’autres membres ça ajouterait des complications. Ce n’est pas qu’on n’aime pas ces instruments mais ça serait d’autres personnes à former pour répéter. On restera cinq membres aussi longtemps qu’on le peut.
L’esthétique de vos pochettes d’albums, vos affiches … l’esthétique est soignée. C’est quelque chose qui vous tient à cœur ?
Steven : Oui c’est important. L’album de « The Romantics » a été fait à partir d’une maquette qu’on a construite, c’est une photo.
Mike : Je l’ai construite dans mon garage.
Steven : Ça lui a pris plusieurs mois à la faire. Et on l’a encore dans le garage de Mike. Le bateau sur la rivière comme ça, c’est toujours l’idée de voyage.
Et cette année 2013, quels sont vos projets ?
Mike : On a beaucoup de temps ! On ne sait pas vraiment, c’est au jour le jour.
Steven : On va écrire des chansons, on va postuler pour des bourses. On ne sera pas toute l’année en concert, parce que par exemple Sean va devenir docteur (Sean relève la tête avec un grand sourire) et quatre membres du groupe sont encore étudiants, sauf Mike qui a fini qui ne fait que de la musique. On n’a pas beaucoup de temps pour nous préparer, on fait 4-5h de bus pour faire un concert … Pour nous c’est une journée à la fois, notre musique c’est notre porte de sortie en parallèle de nos études. Ça fera toujours partie de nos vies.
Je les remercie et les laisse se préparer. Leur concert sera tout a fait réussi, bien que programmé un peu tard au Divan Orange. Ils m’ont pas menti, leur son est vraiment pur, et emporte quiconque tend l’oreille. “Magnetic North” leur single est superbe, et “Mail-Order” me laisse sans voix. C’est une musique qui te fait voyager, et te fait planer jusqu’à ses dernières notes. Un beau public resté jusqu’à la fin de leur set, et les Inlet Sound qui se font plaisir avec une reprise de Bittersweet Symphony en guise de bis. Rien que ça ! Le Divan Orange est comblé. Moi aussi. C’était juste BEAU.
Propos recueillis par Emma Shindo