On y était : Local Natives (+ Cloud Control) à la Rock School Barbey

Il y a des soirs comme ça où ton sourire béat ne peut arriver à se décrocher de ton visage. Et puis tu regardes autour de toi, et constates que tu n’es pas la seule dans ce cas. Une salle entière des étoiles plein les yeux, c’est joli à voir.

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Il faut croire que cette date du 19 Novembre était touchée par la grâce. Pendant que quelques écervelés se qualifiaient pour une épopée fantastique, cinq bonhommes tout droit venus de Los Angeles nous montré, assez simplement et en toute modestie, comment livrer un concert parfait. Le genre de concert dont on ne voudrait qu’il prenne fin pour rien au monde.

Mais avant cela, la lourde tâche de (ré)chauffer la salle bordelaise était confiée aux Australiens de Cloud Control. Un set très (trop) court – seulement sept chansons pour une demi-heure de concert, qui néanmoins nous a permis de découvrir ou redécouvrir leur univers pop – psychédélique, rappelant par moment le premier opus des Bewitched Hands. Un énième groupe psyché, certes, mais qui ne tombe pas dans le (d’avance, pardon) “chiant” et se démarque par une finesse dans la composition, qui transparait tant bien que mal (son très mal réglé) en live. Les fameux “Gold Canary” et “There’s Nothing In The Water We Can’t Fight” font décoller le set. Jolie prestation du groupe donc, et tout ça m’incite à vouloir vous faire découvrir leur très bon deuxième album, Dream Cave, paru un peu plus tôt cette année.

Setlist : “Scream Rave” // “Dojo Rising” // “The Smoke, The Feeling” // “Gold Canary” // “Promises” // “There’s Nothing In The Water We Can’t Fight” // “Scar

Puis vient le tour des Californiens de Local Natives, à qui le public a réservé un accueil des plus chaleureux. Ces derniers se sont fait très sérieusement remarquer en 2009 avec un cadeau du ciel nommé Gorilla Manor. Paru en pleine vague math-rock indé (Foals, Bombay Bicycle Club, etc.), cet album en prenait le contrepied en apportant des rythmiques brouillonnes, bancales, changeantes, des mélodies toutes plus sublimes les unes que les autres, mais avant tout, sûrement, les plus belles harmonies vocales du genre. De quoi devenir l’un des groupes indispensables à nos oreilles délicates. En début d’année est sorti Hummingbird, suite plus personnelle, plus sombre mais aussi belle du premier opus. Et c’est donc à la toute fin de leur tournée mondiale (avant dernière date) qu’ils ont posé le pied et les racks en terre Girondine. Fatigués ? Pas tout à fait.

Ça y est, enfin, quatre longues années après le coup de foudre, il est temps de les entendre, en chair et en os. D’entrée de jeu, ils plantent le décor avec l’envoutante “Breakers“. C’est instantané, ça devient comme une évidence : ces mecs là pourraient te retourner n’importe quelle pauvre âme en un quart de seconde. Leurs mélodies balayent tout ce que tu as pu entendre auparavant. Captivés par ces voix, mais aussi par leur présence scénique. Taylor Rice, dit “Moustache”, sous ses airs de petit rigolo, cache une énergie intacte, même après des centaines de dates autour du monde. S’excitant au moindre coup de guitare, le sourire campé sur ses lèvres en chantant, il nous impressionne. Derrière ses claviers, Kelcey Ayer nous éblouit par sa voix si haut perchée, invariablement juste et précise, et pourtant si douce et retenue. Derrière, ça joue. Tranquillement, mais sûrement, telle serait la devise du guitariste soliste Ryan Hahn (super sympa au demeurant), et surtout du batteur, dont le mouvement des longues mèches ne reflétait en rien la brutalité des coups portés aux caisses. Voilà, ils ont l’air sympa. Les types les moins orgueilleux du monde. Ils nous communiquent de la joie, nous remercient après chaque chanson. On doit le leur apprendre à l’école, là bas loin (Cf. The Dodos).

Ils déroulent un concert réglé au millimètre, l’improvisation n’a que peu de place, et pourtant tout semble si sincère et spontané. Parfait équilibre entre les deux albums, puisque huit chansons de chaque album ont été jouées.  “World News” et “Wide Eyes” pour installer l’ambiance, puis la très réussie reprise de “Warning Sign” des Talking Heads (présente sur Gorilla Manor, mais sans le relief du live). Les chansons passent, le rythme n’ose même pas ralentir, et pourtant, une bombe est lancée. Les premiers battements d'”Airplanes” se font entendre, le public reprend en choeur le refrain avec une folle ferveur. Puis le silence se fait pour la magnifique “Colombia“, que Kelcey Ayer interprète les tripes pendues au manche de sa guitare. Un sommet de beauté. Déjà, la dernière chanson pointe le bout de son nez. “Who Knows Who Cares” sera encore une fois reprise en choeur par le public, pendant, et après la chanson, si bien que c’est sur cet air que les cinq membres du groupe regagnent la scène pour le rappel. Et quel rappel. L’emblématique “Sun Hands” et son crescendo ne fait que raviver les ardeurs déjà exacerbées un peu plus tôt, lorsqu’il s’agit de hurler les paroles à la manière d’un cri de guerre. Apothéose. Et la descente sur Terre fut rude, très rude, tant la claque prise ce soir était sévère.

Assister à un concert de Local Natives pose inévitablement la question de la frontière entre le beau et le sublime. Les deux albums sont beaux, mais ils s’enrichissent sans en avoir réellement l’air en live, ce qui rend leurs concerts absolument sublimes et hors du temps. Le meilleur concert de l’année, sans l’ombre d’un doute.

Setlist : “Breakers” // “World News” // “Wide Eyes” // “Warning Sign” (Talking Heads cover) // “Ceilings” // “You & I” // “Shape Shifter” // “Mt. Washington” // “Wooly Mammoth” // “Camera Talk” // “Airplanes” // “Colombia” // “Heavy Feet ” // “Bowery” // “Who Knows Who Cares” // RAPPEL : “Sun Hands