Chronique nocturne : AuDen, la mer, la muse.

J’aime bien écrire la nuit. Je m’imagine être comme ces poètes d’autrefois qui griffonnent des textes, des vers et des alexandrins aux kilomètres. La moitié de leurs écrits terminaient à la poubelle. J’imagine leurs chambres mansardées ressemblant à des déchetteries immenses où alcool, mégots de cigarettes, fringues défraîchies s’amoncellent et se mélangent à des milliers de papiers froissés. Des poèmes morts de ne pas être assez bons. Oui, ceci est un cliché. Mais les clichés capturent et illustrent très bien les pensées. Avant d’écrire et de poser le point final de cette chronique, j’en ai tué des dizaines, de chroniques. Parfois elles n’ont pas dépassées les trois lignes. J’efface et réécris encore et encore.Deux mots survivre. Sillon. AuDen. Le reste a été effacé. Personne ne saura jamais ce qu’elles contenaient. Moi-même, je ne m’en rappelle déjà plus. Je sais simplement qu’elles ne convenaient pas. Qu’elles n’exprimaient pas exactement mon ressenti sur l’album d’Adrien Daucé, l’homme chétif au regard triste qui signe l’album et accessoirement l’objet de ce babillage. AuDen2 J’aime écrire la nuit. Mais je n’ai pas le talent de ces poètes et écrivains. AuDen l’a. Le bougre. Lui, je l’imagine aussi très bien dans une chambre, avec une guitare qu’il caresse et maltraite encore et encore. Un stylo qui n’en finit plus de gratter le papier. Un carnet rempli de mots. De poèmes. De chansons. Pardonnez ma fantaisie romanesque et mon esprit vagabond. La faute sans doute à la nuit, à l’obscurité et aux rayons de la lune qui traversent ma fenêtre pour nourrir une imagination boderline sortie d’un cerveau fatigué. AuDen a dû en tuer quelques chansons pour ne retenir que les meilleures et les immortaliser dans cet album, ce bijou, ce Sillon. 12 chansons. Dépouillées. Où rien n’est en trop et rien ne manque. Les textes sont signés en français. Normal pour cet amoureux de la langue de Molière, perfusé à la littérature de Victor Hugo, Baudelaire et Chateaubriand. Sillon. Grand Bé, Saint Malo. Chateaubriand. Cela tombe sous le sens. C’est là-bas que l’écrivain repose pour l’éternité. Face à la mer, mais non, je vous assure rien à voir avec la chanson de Calogero. La mer d’ailleurs, elle est ici omniprésente. Enfant du large, il a grandi avec. La mer est sa Muse, on la retrouve donc comme fil rouge dans Sillon, comme un refuge. Celle qui rassure.

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Certains ont vu une ressemblance avec un Raphael dans le tube “Pour Mieux S’Unir“. Ils n’ont pas dû bien écouter. AuDen, en bon musicien alchimiste réussit à faire ce que beaucoup d’artistes français, guitare en bandoulière, essaient de faire avec plus de mal que de bien. Une pop pure aux intonations folk à peine cachée. Non, il ne fait pas du folk, même si bien sûr il marche sur le même chemin de traverse que bien des songwriters torturés ont emprunté avant lui. Ce n’est pas un folkeux. Ce serait réducteur de classer le garçon dans cette case, comme dans n’importe quelle autre case. D’ailleurs, ce qui frappe dans ce Sillon, c’est l’impossibilité de mettre une étiquette sur les chansons, l’impossibilité de les ranger dans un tiroir. De toute manière, les étiquettes, c’est bon pour les journalistes et les bacs de la Fnac. Ce qui nous intéresse chez AuDen, c’est cette capacité à nous emporter pour un voyage vers le large. On est bercés par les arpèges délicats, par les percussions légères, par les grondements sourds qui rappellent parfois l’orage, on se perd avec plaisir dans l’espèce de brumes légères qui planent sur ce Sillon. AuDen y parle d’amour perdu ou attendu, d’errances nocturnes, d’espoirs et désespoirs. L’ambiance est à la fois sombre et légère, douce et mélancolique. Évidemment, certains titres étaient connus : les tubesques “Pour Mieux S’unir” et “Azur Ether“, le magnifique “Amours Mortes” et cette ouverture en guitare-voix. “Les Amours Mortes“, certainement l’une des plus belles chansons en français de cette dernière décennie. Non, je n’exagère pas. Et puis on en découvre de nouveaux : “Le Large“, “Et tu danses“, “les Printemps” et “Douces Vapeurs“. Sur des notes de piano, AuDen parle d’ivresse, d’oubli, de blessures post-rupture. Inutile de dire que les âmes blessées trouveront dans cette dernière chanson comme la compresse pour panser leurs plaies. J’avoue avoir versé quelques larmes en l’écoutant. J’avoue aussi être passée par toutes les émotions en écoutant ce Sillon aux mille visages. Lancinant. Entraînant. Éraillé. Torturé. Aucune fausse note dans cet album d’une classe et élégance rare. Pour ceux qui doutaient de la possibilité de faire du pop-folk de qualité en français à la manière des anglo-saxons… AuDen nous prouve le contraire. Et rien que pour cela : merci.

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