On y était : Claire Diterzi à La Maison de la Poésie
Claire Diterzi, la diva de la chanson française contemporaine était hier soir à La Maison de la Poésie. Elle présentait son Journal d’une création, qu’elle a tenu pendant une année alors qu’elle composait son sixième album 69 battements par minute. Pendant près de 2h30, elle oscille entre lecture et chant, théâtre et musique.
Dans son Journal, Claire Diterzi raconte sa période d’écriture, mais aussi son histoire et son passé. Assise à un bureau en bois ciré, éclairé d’une petite lampe de chevet, elle discute avec elle-même, avec sa copine “Kaka”, son médecin, son psy, ses filles. Elle dit tout, sans retenue, avec humour, effronterie, idées poétiques et sentences philosophiques. Fortement touchée par le dramaturge Rodrigo Garcia, elle nous plonge dans son oeuvre théâtrale ovni, critique acerbe et provocante de la société. On retrouve d’ailleurs certains textes de l’argentin dans la musique de Claire Diterzi, notamment le titre Interdit de jeter son chewing-gum. Dans son dos, un grand écran illustre les anecdotes qu’elle raconte : des citations de Rodrigo Garcia, des photomontages, des vidéos, des collages extraits de son Journal, des photos, des morceaux de papier peint, des radiographies et électrocardiogrammes…
Après une petite demi-heure de lecture, elle attrape sa guitare et ses trois musiciens entrent en scène. Tous les quatre, habillés sobrement de noir, entonnent quelques titres aux textes mordants et à la musique électrisée. Pendant le premier morceau, L’avantage avec les animaux c’est qu’ils t’aiment sans poser de questions, la scène est inondée d’une lumière rouge, l’écran diffuse les images sanglantes du clip. Le public est happé. La suite est plus austère, la scène est parfois plongée dans une quasi obscurité, parfois éclairée d’une lumière blanche d’hôpital. La scénographie est dépouillée, faisant la part belle à la dynamique électrique du quatuor. L’incroyable tessiture de Claire Diterzi balance entre le profondément grave et l’aigu éclatant, toujours avec la même puissance et la même justesse de ton. Voix cristalline, chuchotements, rugissements, slam, chant lyrique, elle est à l’aise dans tous les styles. Les guitares saturées apportent une énergie orageuse soutenant des paroles crues et sensibles.
Après quelques titres, elle renvoie ses musiciens en coulisse, retourne s’asseoir à son bureau et reprend sa lecture. Chronologiquement, elle se remémore l’année 2014, s’autorisant des digressions. Elle se livre, intimement, mais toujours avec humour : une mère violente, un père abusif, une soeur voleuse d’identité. On assiste à une thérapie par la scène, une catharsis moderne.
Venue à bout de son Journal, elle récupère ses musiciens et sa guitare. Rigolarde, pleine d’une énergie explosive, inépuisable elle revient même pour un double rappel. Au ukulélé, elle chante avec naïveté La Broche, puis reprend Le Roi des Forêts de son précédent album, qui à la lumière de ce qu’on a entendu ce soir prend un tout autre sens. La féerie au contact de la douleur et de la violence.
Setlist : Mon corps pleure / L’avantage avec les animaux c’est qu’ils t’aiment sans poser de questions / Tu voles de mes propres ailes / 69 battements par minute / Seconde nature / Je suis contre l’amour / Ma bouche : ton écluse / Envoie le steak / Berger Allemus Dei / Infiniment petit / Je suis un pédé refoulé / Le Distributeur de temps / Interdit de jeter son chewing-gum / La Broche / Le Roi des Forêts
À écouter – Claire Diterzi, « 69 battements par minute », Je Garde le Chien / Au Pays des Merveilles, 2015.
À lire – Claire Diterzi, Journal d’une création, éd. Je Garde le Chien, disponible lors des concerts et en librairie, 2015.