On a vu : Carmen à tout prix au théâtre de Trévise

Difficile de s’attaquer à un monument de l’opéra comme Carmen. Le parti pris par Sophie Sara, l’auteure de la pièce, est risqué : revisiter l’oeuvre de Bizet en y incorporant de la comédie et du théâtre pur. Pari réussi. Carmen à tout prix est plus qu’un opéra classique c’est une relecture décomplexée et hilarante. Les grands airs et les grandes lignes de la pièce sont repris mais incorporés à l’organisation à des problématiques modernes à savoir un théâtre en grève. Le pitch ? La représentation du célèbre Carmen est menacée car techniciens, comédiens et musiciens refusent de jouer à quelques minutes du levé de rideau. Le directeur du théâtre, monsieur Karchenski, et sa secrétaire neurasthénique n’ont pas le choix et décident de remplacer tous le personnel au pied levé… avec les moyens du bord : ils vont jouer les personnages principaux, faire jouer quelques contacts et remplacer l’orchestre par des musiciens tziganes trouvés dans le métro parisien.

Evidemment, rien ne se passe comme prévu car le directeur, dont la gestuelle n’est pas sans faire penser à celle de Louis De Funes, doit gérer quelques situations compliquées : des comédiens à la grosse tête, un ténor capricieux, une chanteuse qui tente de tirer son épingle du jeu pour séduire le directeur du Metropolitan Opéra en déviant le répertoire à son avantage et évidemment le manque de moyen flagrant : le costume de Carmen ressemble davantage à celui d’une popstar américaine, les projections sont issues des photos de vacances des comédiens (avec quelques dossiers croustillants à la clé). Mais finalement le décor austère et les costumes anachroniques se mettent totalement au service de l’oeuvre, dépoussiérée. On est séduit par la mise en scène drolatique, par la délicieuse et ingénieuse mise en abyme mais aussi par les réinterprétations malignes des morceaux phares de Carmen comme “l’amour est un oiseau rebelle” ou “Près des remparts de Seville”. Carmen à tout prix est le malicieux mélange entre humour décapant et opéra moderne, un beau moment d’humour et de musique qui séduiront les profanes de l’opéra.

Au théâtre de Trévise, tous les jeudis, vendredis et samedis à 21h30, jusqu’au 2 janvier 2016.

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(Sabine Bouchoul pour Pariscope)