Rock en Seine 2017 : Franz Ferdinand, The Kills, Her…
LIVE REPORT – Programmation grandiose, festival au top, Rock en Seine a une nouvelle fois répondu à toutes les attentes. Retour sur trois jours de musique.
De la boue pour commencer, du grand soleil pour poursuivre et un ciel bleu vif pour terminer. Rock en Seine est passé par toutes les couleurs dans le ciel et les festivaliers par tous les états.
Notre Rock en Seine 2017 avait déjà bien commencé en début d’après-midi. Ce moment du festival où les jolies allées du parc de Saint-Cloud sont encore parsemées et le public se fait encore attendre. Mais pas question de rater Inüit pour leur premier RES. Il pleut encore quand les six Nantais entrent sur scène. Ils en sortiront avec un soleil radieux. En plus des titres de leur 1er EP, Inüit joue “Circles” leur prochain single ainsi qu’une chanson qui “parle de violences policières”, intitulé : “Adama”. L’accueil du public est super bon et le groupe sort sourires aux lèvres. Encore une jolie démonstration d’un groupe au potentiel gros comme ça.
Dans un style bien différent, on découvrait ensuite les Anglais de Cabbage. C’est le grand show rock, entre la sobriété charismatique d’un Liam Gallagher et la folie d’un Iggy Pop. Sur scène c’est “plaisir des yeux” : une clope, un micro lasso, des galipettes, des descentes dans le public pour finir torse nu. Les quatre garçons sont tarés et nous foutent une grosse tarte de talent dans la face, bien comme il faut. On poursuit avec un break d’intensité scène du Bosquet. Comparés à Cabbage, les Californiens de Beach Fossils sont de sages élèves. Scéniquement il ne se passe pas grand chose, mais les solos de trompettes agencés avec les nappes de guitares atmosphériques et la voix faussement nonchalante du frontman Dustin Payseur nous plaisent beaucoup. Coup de cœur pour “Be Nothing” tiré de Somersault leur dernier album. On se tartinera le visage de beurre de cacahuètes et on mangera des bougies en l’honneur de Beach Fossils, c’est promis.
Le Rock en Seine des come-backs
Sinon, le vendredi avait des airs de soirées œcuméniques avec Jesus and Mary Chains et Allah-Las. Malheureusement les deux jouant ensemble, il fallait faire un choix. Ayant déjà Allah-Las récemment, on a préféré aller à la Cascade. Qu’il est bon de voir JMC en live, eux qui sont sortis de leur retraite pour s’offrir un nouveau tour de piste, après vingt ans de silence. Bien sûr, il parcourt l’ensemble de leur discographie, juqu’au dernier album, et n’oublie pas de jouer “Just Like Honey”. Ils ont vieilli. Jim Reid a des airs d’Alain Chamfort, mais la voix est impeccable, le set en revanche manque de punch.
De punch At The Drive In n’en manque pas. Au contraire, on pardonne l’embonpoint, Cedric Bixler-Zavala (après tout, lui aussi a pris cher). Ce dernier est toujours aussi perché et ne tient pas en place, il malmène son matos, grimpe sur la batterie, s’amuse avec le pied de micro devant un public qui a dû mal à s’agiter. On entendra les anciens tubes de l’album Relationship of Command, les nouveaux titres du dernier album in•ter a•li•a. Ils auraient pu cartonner, partir de la scène avec une ovation, mais At The Drive In est parti quinze minutes avant la fin du concert. Le clou de la soirée du vendredi reste tout de même Franz Ferdinand, deuxième groupe made in Écosse du jour. Franz Ferdinand, c’est le groupe qui te fait souffler quand tu vois le nom sur la programmation (parce que trop vu), mais tellement bon et efficace sur la scène, que tu es content de voir. Les Écossais en ont profité pour présenter de nouveaux titres d’un album à paraître prochainement, mais bien évidemment, c’est les anciens morceaux qui suscitent le plus d’excitation dans le public : “Take Me Out”, bien sûr, “No You Girls”, “Do You Want Me”…
Her rend hommage à Simon
Samedi on part du côté de la Grande Scène, sous la canicule. Band Of Horses a les honneurs d’entamer ce beau début de week-end. “Is There A Ghost” en entame du concert, ça ne déconne pas. Les sourires radieux de Ben Bridwell sont communicatifs. Le leader du groupe américain interagit avec la foule venue assez nombreuse, malgré le créneau horaire, pour applaudir les titres phares et ultra maîtrisés du répertoire horsien. Malgré tous ces efforts, on botte en touche, assommé par le soleil.
S’il y avait un concert qu’on n’aurait manqué pour rien au monde c’est bien celui de Her. Moins de deux semaines après l’annonce du décès de Simon, membre fondateur et chanteur, le groupe français s’était donné pour mission d’honorer leur date à Rock en Seine, pour lui. Le public est venu nombreux, répondant à leur appel. La scène du Bosquet est blindée, l’émotion se lit sur tous les visages. Le chagrin est surtout visible sur les traits émaciés des membres du groupe, qui malgré tout parviennent à nous faire danser. Cette fois-ci, on y ajoutera les pleurs. Sur “Blossom Roses”, la dernière chanson écrite par Victor et Simon, la photo de ce-dernier, chapeau vissé sur le crâne, point levé, apparaît sur l’écran en fond. Nos cœurs se brisent quand les premières notes de “Quite Like” se font entendre. Si le public connaît, en majorité, Her grâce à “5 Minutes”, il doit savoir que c’était Simon qui la chantait. Des cris de soutien fusent de toute part, et le groupe continue à rendre un superbe hommage à Simon. À la fin du concert, Victor nous annonce qu’ils seront le 5 décembre au Bataclan, c’était une date qu’ils avaient prévue avec Simon. Une partie des bénéfices sera reversée à l’Institut Curie. Simon y était soigné toutes ces années où il s’est battu contre le cancer. Bravo Her. On sera là, bien sûr.
Samedi soir, les femmes ont pris le pouvoir de la grande scène. Avec les anglo-américains de The Kills, sensualité, rock et bestialité étaient de mise. Le duo composé par Alison Mosshart et Jamie Hince a fait du fan service avec un set calibré pour les festivals composé de ses plus gros tubes : “URA Fever”, “Tape Song”, “M.E.X.I.C.O”, “Posts And Pans”, “Kissy Kissy”, “Baby Says”. Le dernier album est surtout à l’honneur avec “Echo Home”, “That Love”, “Doing In To Death” ou encore “Heart Of A Doge qui a ouvert le bal. Sourires larges et concert habité, les Kills ont largement rempli leur contrat. Tout comme PJ Harvey qui a livré le plus beau spectacle de cette édition de Rock en Seine. Dans la même formation qu’à We Love Green 2016, l’Anglaise ouvre son concert au rythme d’une marche martiale. Puis, c’est un récital mystique, d’une beauté sans nom que Polly Jean offre. Elle parcourt surtout The Hope Six Demolition Project et Let England Shake mais distille quelques vieux morceaux issus par exemple de To Bring You My Love. Le public est complètement hypnotisé par la chanteuse et lui offrira une longue salve d’applaudissement lorsqu’elle se retire après un magistral “River Anacosta”.
Plus tôt dans la journée, on est allé faire un tour du côté de l’Industrie pour revoir les énervés de Lysistrata. Les garçons sortent leur premier album en octobre et quelques mois avant de lâcher le bébé, ils sont en forme. Torses nus sous une chaleur accablante, ils présentent leurs titres et ne se ménagent pas. “On en sort des bleus pleins les genoux, les mains pleines d’ampoules. C’était chouette”, ont-ils déclaré après le concert. Un concert qui a fait handbanger sévère le public (à revoir sur Culturebox, d’ailleurs). Dans un autre style, sur une autre scène, Peter Peter a envoyé Rock en Seine sur les terres de la mélancolie façon années 1980 pour une version toujours plus améliorée de la tristesse. Et ça marche toujours.
Mac Demarco, le mec le plus cool de toute la Terre ?
Il fait un temps radieux ce dimanche pour la dernière journée de Rock en Seine édition 2017. Après avoir papoté avec Amber Run dans les transats backstage, on fait un tour du côté de Gracy Hopkins, fougueux rappeur français chantant en anglais. Avec son MC derrière-lui, Gracy Hopkins réveille les premiers festivaliers venus jeter une oreille curieuse au gros beats émanant des sonos de la scène de l’Industrie. C’est un peu plus loin qu’on trouve notre bonheur. Les Anglais d’Amber Run se produisent pour la première fois en France. Bien connu de l’autre côté de la Manche, le groupe de folk-rock a sorti son deuxième album il y a quelques mois. Quel bonheur d’entendre enfin “Sparks”, “Noah” qu’on chante à tue-tête, et “No Answers”. On se délecte d’un “I Found” en piano voix, qui nous fout des poils. La voix de Joe Keogh y prend son envol et en surprend plus d’un. Après le silence de la foule pendant ces quelques minutes, Joe confie : “vous m’avez donné des frissons !”. Le set est court, mais le public est conquis, en témoigne ce Monsieur qui à la fin du concert glisse à son ami “eh, ils étaient bons eux !”. On est bien d’accord.
Côté Grande Scène, c’est Mac Demarco qui fait le pitre. En plus de ses musiciens, le Canadien a invité “des super-VIP” à venir assister au concert sur la scène. Oui, SUR la scène. Ils sont installés sur des chaises de jardin devant des tables où ils sirotent du rosé, posés à côté du claviériste, qui fête son anniversaire ce jour-là. Belle vue. Ça ondule dans le public, alors que Mac Demarco distille son surf rock brooklynien. Certains de ses fans s’invitent sur la scène, et dansent avec l’auteur-compositeur qui se réjouit de cette incursion inattendue. Tout est possible avec Mac Demarco, même une reprise réussie de Vanessa Carlton (“A Thousand Miles”). Ce mec est capable de tout (de TOUT) et c’est ce qui en fait l’un des artistes les plus cools de la Terre.
Un autre cool qu’on attendait de pied ferme c’est bien King George. George Ezra of course. L’Anglais présente d’ailleurs ses excuses d’avoir autant tardé à revenir en France à son public bien massé devant la scène de la Cascade. Le groupe (George + six musiciens) s’est installé devant une déco de feuillage exotique et le jeune auteur-compositeur-interprète nous réchauffe de son sourire, de sa voix suave et ses rythmes chaloupés. “Barcelona”, Blame It On Me”, “Did You Hear The Rain”, et “Budapest” de Wanted On Voyage. En plus de ses hits que les premiers rangs chantent en cœur, George Ezra présente notamment les belles “Call My Girl” et “All My Love”, tirées de son deuxième album attendu très prochainement. Vivement la rentrée.
Ty Segall ne ressemblerait-il pas de plus en plus à Jack White en blond ? C’est la réflexion qu’on s’est posée en le voyant sur la scène de la Cascade. D’autant plus qu’il est tout vêtu de rouge (ses musiciens aussi), un peu comme feu White Stripes époque White Blood Cells. Passé ce moment d’intense réflexion, on écoute le jeune prodige rock triturer et maltraiter sa guitare. Il passe en revue ses titres les plus bourrins, se marre comme un gosse de 20 piges et fait une belle place au soleil aux titres de l’album Melted. Avant Ty Segall, c’est Rendez-Vous qui nous a mis la tête à l’envers avec leur post punk qui tire son influence dans la new wave. Les petits frères de Frustration démontrent qu’il y a largement la place en France pour le développement d’une scène coldwave et s’il pouvait montrer la voix, le monde de la musique ne s’en porterait que mieux. On finit la soirée avec Slowdive. Le soleil est couché, et une brise légère souffle sur la scène du Bosquet, coupée du monde. Une ambiance qui colle parfaitement avec les compositions éthérées et vaporeuses. On se dit qu’ils ont bien fait de se reformer, que leur musique ne sera jamais démodée et qu’il est bon de se laisser porter par leur shoegaze rêveur.
Texte : Sabine Bouchoul & Emma Shindo | Photos : Emma Shindo