Tim Dup : “Je ne me sens pas poète, plutôt conteur”
INTERVIEW – On a discuté avec le jeune prodige Tim Dup à l’occasion de la sortie de son premier album, “Mélancolie heureuse”. Auto-tune et piano organique, ce “ramasseur de souvenirs” dévoile ses secrets de création.
Tim Dup, malgré ses jeunes années, est loin d’être un petit nouveau sur la scène francophone. Avec déjà un EP, Vers les ourses polaires (2016), et pas mal de concerts à son actif, le jeune homme est bien connu des salles de spectacle. Il sort demain, le 27 octobre, chez Columbia Records son premier album, Mélancolie heureuse. Adepte des belles formules autant que des mots populaires, naviguant entre le piano classique et l’auto-tune, Tim Dup est multiple. On a voulu on savoir plus sur celui qui se dit “ramasseur de souvenirs” et sur son rapport à la création.
Rocknfool : Ton premier album sort dans quelques jours, comment te sens-tu ?
Tim Dup : Bien, franchement bien. J’ai hâte, et puis je l’aime bien cet album, j’ai envie de le défendre, d’en parler. Je me sens plutôt impatient.
Ce que je trouve flagrant dans cet album c’est ton côté “entre deux monde” : entre le classique et le moderne. Comment ça s’est fait ?
C’est symptomatique de tout ce que j’écoute, de mon bagage plus classique grâce au piano, et de ma culture électronique et hip-hop. J’avais envie d’un album qui soit moderne et en même temps centré sur le piano. Donc quelque chose d’organique. Le piano est souvent considéré comme noble, du fait de la musique classique mais aussi parce que c’est un instrument qui a quelque chose de très élégant. L’idée c’était d’avoir une cohésion entre du terrestre, de l’organique, donc le piano, et du moderne avec des sons samplés.
“J’aime la dialectique, le fait de parler et de s’exprimer, de convaincre et d’argumenter.”
Tu utilises l’auto-tune, c’est complètement décrié en ce moment, mais toi tu l’assumes ?
Je l’utilise sur des passages bien précis. C’est vraiment un parti pris artistique. L’auto-tune est une façon d’utiliser la voix comme un instrument, comme un synthétiseur. Ça donne un côté froid et robotique. J’ai aussi utilisé le vocodeur, notamment sur “Où tu vas”. Et là c’est de l’harmonisation : d’une voix t’en fais un chœur. En France y’a du snobisme vis-à-vis de l’auto-tune, alors que l’auto-tune existe depuis très longtemps et c’est tout simplement une technique d’instrumentalisation de la voix.
L’album s’intitule Mélancolie heureuse et s’ouvre avec le titre “Paradoxe”, deux belles figures de styles littéraires. Quel est ton rapport à l’écriture, aux codes de la littérature ?
Je ne suis pas un très gros lecteur. Je suis assez flemmard alors j’ai du mal à me mettre dans un livre. Le dernier livre que j’ai lu c’était Gaël Faye, Petit pays (éd. Grasset). Mais j’aime bien les mots, à l’école j’adorais les écrits d’invention, les rédactions. J’aime la dialectique aussi, le fait de parler et de s’exprimer, de convaincre et d’argumenter.
Tu te sens plutôt poète ou musicien ?
Non, pas poète. En revanche j’accorde de l’attention aux mots et j’ai l’impression de raconter des histoires. Donc plutôt conteur que poète. Mais davantage musicien (rires).
J’aime beaucoup le double-titre “Fin août”. Tu peux m’en parler ?
J’avais envie d’un morceau instrumental. J’ai commencé à composer la partie instrumentale de “Fin août” il y a un moment déjà. Et j’avais aussi un texte qui traînait. Je me disais que ça collait bien à la mélancolie heureuse, de fin août-début septembre quand t’as pas envie de retourner à la vie active ou à tes études. T’as envie de rester dans cet état de béatitude qu’est l’été. Je trouvais ça sympa de l’avoir sur deux pistes. Si tu l’écoutes séparément c’est différent, mais sur l’album ils s’enchaînent immédiatement, tu ne vois même pas la différence.
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Sur “Vers les ourses polaires” tu dis être un “ramasseur de souvenirs”. Mais tu parles aussi de tes souvenirs à toi ? Quelle est la part d’autobiographie ?
J’écris sur ce que je vis, ce que j’observe. J’essaie de parler de moi en parlant des autres. Donc forcément je parle de ma jeunesse, de mes potes, de ma famille, de mes voyages.
“Sur scène il faut qu’il y ait du relief, des nuances.”
Tu n’as pas profité du studio pour ajouter à tes compositions des instruments ou des sons que tu ne peux pas avoir en live.
L’idée c’était d’avoir au centre le piano et la voix, et d’avoir tout autour des sonorités fabriquées : boîtes à rythmes, samples, synthés, qui donnent le côté aérien. Au mix en revanche j’avais envie qu’il y ait une couleur terrestre. Fab Dupont, qui a mixé l’album, a cette culture un peu hip-hop du grain, du vinyle. Il a apporté un truc assez vivant dans le son. J’avais envie d’un album chaud et terrestre mais aussi, et surtout, minimal.
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Comment tu prépares tes morceaux studios à la scène ?
Pour les concerts de la tournée à venir, il y a des chansons vraiment modifiées, parfois minimalisées ou au contraire amplifiées. En tout cas je modifie les structures et les arrangements. Parce que ce n’est pas la même chose d’être sur scène, l’idée c’est de faire un peu spectacle. Il faut qu’il y ait du relief, des nuances. Et puis, mine de rien ce sont des chansons que je vais jouer longtemps donc il faut se faire plaisir.
Tu as une belle tournée qui s’annonce. C’est comment la vie sur les routes ?
Ce que je préfère c’est la scène, parce que c’est tellement spontané, tu partages ta musique avec un retour direct du public. C’est très réciproque comme relation. Mais paradoxalement la tournée c’est le moment où tu es assez seul. Tu vis des moments incroyables sur scène mais après t’es tout seul. Mais généralement t’es bien fatigué donc tu dors (rires).
Propos recueillis par Jeanne Cochin le 24 octobre 2017.
Merci à Florent Salvarelli.
► Mélancolie heureuse, sortie le 27 octobre chez Columbia Records. Tim Dup sera en tournée en France en novembre et décembre, et à Paris au Théâtre des Étoiles les 14 et 15 décembre.