The Jacques et Kamarad, un concert déconcertant
LIVE REPORT – En plein milieu d’une tournée française, les jeunes anglais de The Jacques ont dû faire face à une série de problèmes sur scène. Le concert de la loose pour eux, mais pas tout à fait pour nous.
Kamarad, groupe français de post-punk, ouvre la soirée. On les avait déjà vus sur la scène de la Laiterie en première partie de Frank Carter & The Rattlesnakes. On se souvenait d’un groupe ultra-efficace, qui avait su emballer le public très rapidement. Ce soir, ils annoncent assez vite la couleur. Ils sortent d’une soirée chargée et ils ont encore la gueule de bois. Bon. C’est honnête. Le chanteur Hugues semble vouloir évacuer les effets de l’alcool en arpentant la scène de droite à gauche sans temps mort, pendant que les autres musiciens envoient la sauce, tournés vers lui. Il restera un peu plus statique dès lors qu’il saisira sa guitare, mais finira vite par l’abandonner à nouveau et sauter dans la salle. Ce mec à tout d’un lion en cage à ce moment-là, tournant et tournant encore devant un public enthousiaste. À leur musique frontale, rude et pleine d’une urgence dictée par la folle batterie, vient s’ajouter une sorte de rejet de tout code. À tel point que leur merch se résume à une valise remplie de vinyles, à prix libre. “Mettez ce que vous voulez”. Ça a un petit côté inconscient, un gros côté je m’en foutiste, et finalement un esprit punk qui colle bien avec leur musique.
De la grâce dans le chaos
Pour la suite, on attend The Jacques. Le quatuor venu de Bristol est en pleine tournée en France, et revient de shows à Paris et Lyon. Il faut rappeler que malgré leur jeune âge apparent, les mec jouent depuis déjà plusieurs années et ont fait l’ouverture des Libertines à Hyde Park. Plutôt lourd, donc. Sauf que ce soir, va savoir, ils ne sont pas dans un bon jour. Et accumulent les problèmes. Ça commence dès le premier titre. Leur basse, mal en point avant le concert mais rafistolée, cède très vite. Il faut chercher la basse de la première partie et pendant ce temps-là, chanteur et clavier se lancent dans une petite impro guitare-voix. Là, moi, j’ai un énorme sourire. L’espèce de balade improbable qui se joue sous nos yeux, avec les deux voix qui se mêlent et ses ouh ouh délicats qui contrebalancent la voix rugueuse de Fin O’Brien… Il y a un truc terriblement anglais dans l’interprétation. La nonchalance, les accords, la mélodie. Tout sonne anglais là-dedans. J’adore.
Je fais partie de ces gens qui trouvent que les foirés dans les concerts ne sont pas graves. Pire : je fais partie de ces gens qui trouvent de la grâce dans le chaos. Et à ce moment-là, j’ai beau sentir les nerfs à fleur de peau du groupe à cause de ce pépin, j’ai beau sentir une ambiance un peu électrique et pas très positive sur scène, je me dis que putain, là, le moment est beau. La suite du concert, ce sont des problèmes techniques à chaque morceau. La basse se désaccorde plus vite qu’elle ne s’accorde. D’ailleurs, le bassiste est obligée de la filer à ses camarades pour les réglages, tant il galère. Pendant que l’un semble contenir toute la rage que la situation lui fait ressentir, l’autre s’excuse mille fois, salue notre patience, nous garantit qu’ils ne sont pas débutants, et au final ne sait plus comment meubler. Au point que le batteur finira par lui dire, du fond, de “fermer sa gueule”. Ambiance.
Ce petit truc qu’il aurait fallu creuser
Et malgré tout, le public reste là, suit, et apprécie. Et franchement, il n’y a rien d’étonnant. Le groupe a un truc, dégage une tendresse, une douceur derrière les accords rock de leur musique. Quelque chose qui ne s’explique pas. Il n’y a qu’à écouter “Kamikaze” pour comprendre. Quelque chose de plus fort que tous les problèmes de basse ou de micro qui tombent seuls. Mais voilà, plutôt que de lâcher prise et d’y aller franchement, le groupe laisse la tension l’envahir, et vient écourter un set qui n’aura jamais vraiment décollé. Un grand “fuck” retentira de derrière la scène à leur sortie, libérant toute la frustration d’un groupe qui n’a pas su dépasser ses problèmes. La plus grande frustration pour nous ? Pas de rappel, malgré les nombreux encouragements venant d’un public qui, lui, n’a jamais lâché. Dommage…