Agoro et 79rs Gang : rencontre au sommet à l’espace Django

LIVE REPORT – C’est le co-plateau dont on ne pensait pas avoir besoin, mais qui s’est avéré être essentiel : Agoro et 79rs Gang.

L’automne 2023 est pour le moins étrange. Des températures qui crèvent le plafond, des guerres qui n’en finissent plus, des attentats qui crèvent le cœur… Une ambiance de monde à cran à deux doigts de l’implosion, empli de gens incapables de se parler, de se rencontrer, de mettre de côté les différences voire mieux, de les célébrer. Mais des irréductibles subsistent et résistent, inlassablement, aux coups durs pour montrer l’alternative. Et ils étaient à l’espace Django vendredi dernier.

La folle énergie d’Agoro

Ça commence avec Agoro. La “bande” en dialecte twi ghanéen réunit 3 MCs du Ghana (Kwame Mulzz, Lil Fyve et Khofi Koojan), et 2 rappeurs nancéens (Lobo EL et Cotchei). Derrière eux, le NCY Milky Band, un quartet qui assure la contrebasse, la batterie, la flûte, le saxo, la guitare, les claviers, bref, tout ce qui n’est pas voix. Une joyeuse bande donc, qui fait exploser la multitude de codes qu’on pourrait apposer à la musique. Le résultat d’un métissage culturel ahurissant, qui fait se côtoyer sur scène les baskets adidas, le béret kangol, le maillot du Ghana. Qui croise le jazz, le funk, la soul, le hip-hop à la française / américaine / ghanéenne. Qui mélange sauts dans le public, pas de danse et bras levés. C’est le bordel sur scène, de ces bordels qu’on adore, qui font remuer tout le monde et qui collent des sourires aux lèvres.

Mais c’est aussi un concert duquel on sort forcément grandis. Avec “Blackstar”, c’est un pan de l’histoire du Ghana qui se dévoile à travers la voix si particulière de Kwame Mulzz, qui n’est pas sans rappeler celle d’un Louis Armstrong encore plus râpeuse. Quand on sait que la rencontre s’est fait en Belgique, qu’elle s’est poursuivie par des voyages au Ghana et en Lorraine, pour finir par se produire partout en France grâce aux 50 ans du Nancy Jazz Pulsations, on se dit que décidément, le choc des cultures est une bénédiction pour nous tous.

Big chiefs et menu étoilé

Autre preuve s’il en est : le 79rs Gang. On voyage rapidement à la Nouvelle-Orléans avec cette autre bande de 8 musiciens. Oui, la scène est bien remplie ce soir. Elle est menée ici par Romeo Bougere, normalement accompagné en lead par Jermaine Bossier, deux “Big Chiefs” de gang qui se sont réunis en paix autour de la musique, pour faire voyager la culture des Black Indians, les Africains-Américains de Louisiane. Cette culture dont on perçoit l’exubérante richesse à travers les costumes sertis à la main, mais aussi l’urgence à se libérer des siècles d’oppressions à travers les rythmes hypnotiques qui nous plongent dans ce concert la tête la première.

Entre groove et batucada, on reste épatés de l’utilisation qui peut être faite d’un tambourin (bien loin de celle de notre maître en la matière jusqu’alors, Joel Gion, tmtc), et par la force tribale qui s’en dégage. Si on perçoit bien le sérieux de ce groupe-là, qu’on ne s’y trompe pas. Ils sont également les maîtres du partage, en faisant monter une dizaine de membres du public pour danser sur une reprise d’un autre Gang avec “Get Down On It”. Le concert finira même hors de scène, en procession jusque dans le hall, avec un public qui ne voulait pas que ça s’arrête. Parce que s’arrêter, c’était revenir aux actualités. Sauf que grâce à l’espace Django, maintenant, on va garder en tête un petit moment l’effet que ça a, de mettre ses différences sur la table pour les célébrer. Et ça, c’est priceless.