Tamino ou le retour de la pureté
LIVE-REPORT – Le jeune Belge Tamino était au Point Éphémère, le temps d’une soirée, pour sa grande première fois en tête d’affiche. Salle comble. Instant magique, expérience divine.
Je ne dirai pas de lui qu’il est le nouveau Jeff Buckley. Parce que c’est stupide de dire que quelqu’un est le nouveau quelqu’un. Et parce qu’il serait aussi terriblement gêné. Il détournerait le regard, lâcherait un petit rire pour masquer le fait qu’il n’assume pas totalement d’être comparé au légendaire chanteur. Tamino est Tamino. Et, dans la sphère musicale actuelle, il est unique. Exceptionnel. Sans doute, le meilleur chanteur qu’il m’ait été donné d’écouter aujourd’hui. Il a en sa possession un spectre vocal incroyable. Des graves d’une profondeur caverneuse et des aigus d’une pureté et d’une clarté qui touchent au divin. Une chose est sûre, les dieux, les fées et les marraines qui se sont penchés sur le berceau de Tamino l’ont gâté. Oh oui, c’est son vrai prénom, inspiré par l’un des personnages de La Flûte enchantée de Mozart… de l’importance d’un prénom sur la personnalité de celui qui le porte.
Obscure clarté
Il était sur la scène du Point Éphémère, un jeudi ensoleillé. Si dehors, la température dépasse les normales de saison, à l’intérieur, on s’attend à qu’il pleuve de la sueur tellement il fait chaud. La salle est comble. Archi-comble. Et tout acquis à la cause du jeune homme. Il s’en étonne. Après tout, l’EP n’arrive que le 4 mai. Seules deux chansons sont connues en France : les superbes “Habibi” et “Indigo Night”. Des titres aux ambiances crépusculaires où les influences orientales (celles de ses origines égyptiennes) se mélangent, sans se perdre, aux amples guitares. Ce sont ces deux titres-là qui récolteront le plus d’applaudissements. Logique. Mais le Point Éphémère a écouté chacune des chansons avec une attention particulière. Les portables sont rangés dans les poches. C’est assez rare pour le souligner. De toute manière, Tamino et ses musiciens sont plongés dans une obscure clarté. Par instant, on n’aperçoit même plus le chanteur sur scène. On devine simplement cette longue silhouette longiligne toute habillée de noir. On se laisse, alors, seulement porter par la beauté des mélodies, par cette guitare électrique lancinante, par cette voix. Surtout cette voix qui se promène très bas et si haut que parfois elle frôle le lyrisme. C’est en écoutant “Reverse” ou “Cigar” que l’on pense à Jeff Buckley et aussi à Radiohead. Pour l’intelligence des constructions mélodiques et pour les envolées vocales.
“Hang The DJ”
Tamino, pour moi, c’est une espèce de retour à la pureté qui se traduit par un son épuré, débarrassé d’artifices inutiles. C’est le son d’une époque qu’il n’a pas connue et qui avait déjà quasiment disparue quand j’entrais dans l’adolescence. Loin des surproductions, des synthétiseurs à outrance, du rock de stade, de l’autotune. C’est l’innocence du début des années 1990. Il incarne, un peu, le “hang the DJ” comme chantaient les Smiths dans “Panic”.
Il y a dans la musique de Tamino, de la noirceur mais quelque chose de rédempteur. C’est de la beauté pure qui frôle le mystique. Des chansons sans âge, intemporelles, qui auraient pu être écrites hier, qui pourront être écrites demain. Elles ne prendront pas une ride et ne subiront pas les dégâts du temps. Comme le “Dream Brother” de Jeff Buckley, le “Wonderful Life” de Nick Cave, le “Fake Plastic Trees” de Radiohead. Parce qu’elles sont habillées de rien et qu’elles possèdent tout. Qu’elles traduisent les angoisses, les envies, les besoins, les fantasmes de tous et de personne. Elles sont tout en contraste. À la fois sombres et lumineuses. Et la lumière, chez Tamino, c’est cette voix divine, ce cadeau des cieux. Elle éclaire les ombres. Elles captent l’attention. Elle traduit à merveille le “there is a crack in everything” de Leonard Cohen. Et vu le silence quasi-religieux qu’il y avait dans le Point Éphémère, ce soir-là, quand Tamino chantait, nous étions tous d’accord.
Extrait : “Cigar” et “Sun May Shine”.
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