Foreign Diplomats, des amis, de l’amour et de la fausse désinvolture
INTERVIEW – À l’occasion de la sortie de leur deuxième album, Monami, on a pu rencontrer les cinq boys de Foreign Diplomats, quelques jours avant leur lancement à Montréal.
Fin 2015, dans la cave de l’International à Paris, je découvre Foreign Diplomats pour la toute première fois. Été 2019, enfin, je les rencontre en personne. Ce n’est pas faute de les avoir vus à plusieurs reprises sur scène, en France et Québec, ou d’avoir fait une interview par Skype avec Élie en juillet 2017, entre deux orages. Le destin veut que nos chemins se croisent finalement à Montréal, quelques jours avant la sortie de Monami leur deuxième album.
C’est aux Studios de Rouen dans Hochelaga que je rencontre Élie Raymond (voix/guitare), Antoine “Tony” Lévesque-Roy (basse), Thomas Bruneau-Faubert (trombone/synthé), Charles Primeau (guitare), et Emmanuel “Lazer” Vallières (batterie). Dans leur studio de 20m2 (environ), il y a beaucoup d’objets : une montagne de boîtes de guitares et une lampe à lave rose, entre autres. C’est dans ce studio que Monami est né, dans la forme primitive d’un album country-folk.
“En juillet 2017 les démos étaient faites, mais c’était rudimentaire, en guitare-voix. On s’est dit que ça allait être un album très hip-hop, puis plus country-folk, puis rock-punk… On n’avait pas encore fait de pré-prod tous ensemble” explique Élie. Seulement deux démos de cette époque figureront sur l’album final. “On en a ciblé un peu plus que vingt et on a refait tous les arrangements de décembre 2017 à janvier 2018” précise Thomas. “On s’est vraiment cassé la tête ! Mais on était confiants à l’époque, car ça a pris du temps avant qu’on monte les tounes (chansons ndlr)” ajoute Emmanuel.
“Une fois en studio, quand on connaît les chansons, c’est plus facile de les détruire.”
Ce sont ces pré-prods que Foreign Diplomats présente à Indica Records, leur maison de disque montréalaise, et c’est avec elles qu’ils sont allés chercher leur réalisateur. Leur dévolu se porte sur Jace Lasek ( The Besnard Lakes, Suuns). Un coup de foudre selon Charles. Ils attendront trois mois que celui-ci se libère, avant de prendre enfin le chemin du studio en février 2019… soit un an après l’enregistrement de leurs maquettes. “C’était vraiment long là, on était prêt !” s’exclame Emmanuel.
Élie relativise : “En même temps, ce qui est bon, c’est que dans ce temps de recherche, on a pratiqué les tounes et on les a un peu jouées en spectacle. Elles ont eu le temps de grandir.” Ces derniers mois, Foreign Diplomats et Choses Sauvages ont partagé l’affiche dans le cadre d’une tournée spéciale en co-plateau. Une façon de tester petit à petit leurs nouvelles compos live, mais surtout le gros rêve de potes qui voulaient partir en tournée ensemble, une “grosse orgie musicale” glisse même Charles. Thomas confirme, “chaque show avec Diplovages, c’est une semaine de moins de ta vie. Tu rentres chez toi et tu vois en noir en blanc.” La conclusion chiffrée revient à Tony. “Un show dans une journée ça ne dure pas longtemps. La tournée c’est souvent 80% de route, 5% de musique et 15% de party.”
L’occasion de leur demander leurs goûts en matière de bières, leur boisson attitrée. Élie ne boit pas, Emmanuel a un crush sur la solstice d’été aux framboises du Dieu du ciel et sur la nouvelle Coors Light à l’orange (le “mimosa d’Hochelaga-Maisonneuve” selon Thomas), Charles est un gars de Labatt 150, Thomas a adoré feu la Bud Light aux pommes et Tony confirme que toutes les bières de la microbrasserie À l’abri de la tempête des Îles-de-la-Madeleine sont incroyables. Parenthèse close.
“C’est souvent ça Foreign Diplomats, c’est drôle, et après on se pogne. Ou le contraire.”
De la bière ils en ont aussi pas mal bu en studio, en attendant leurs tours de jouer. Parfois, de longues journées à ne rien faire, à patienter en jouant à des jeux vidéos, à regarder du hockey, ou à préparer de la nourriture pour les autres. Et à recevoir de la visite, la famille, les amis, les blondes (les petites amies ndlr). Élie : “C’était une grosse différence avec le premier album car avant, on voulait que ça soit juste nous autres en studio. Là, ça a changé la dynamique. Je ne voulais pas que ce soit seulement moi qui fasse les voix principales et les back.” Il ajoute : “La vraie raison, c’est qu’on n’est pas capable d’être juste nous cinq (sourire). Il faut qu’il y ait quelqu’un de plus, sinon on se pogne à la gorge… Mais on s’est rendu corrects maintenant !”
S’ils se disputent parfois, ils rigolent aussi pas mal. Que ce soit des inside jokes, péter dans le mic (la spécialité de Charles), ou préparer une version rap autotunée de leur chanson “Fearfull Flower” qu’ils présentent innocemment à leur réalisateur. “On est tous un bon public pour l’un d’entre nous” conçoit Emmanuel.
Mais malgré leurs airs (faussement) désinvoltes, Foreign Diplomats c’est du sérieux et Monami est un album travaillé, solide et propre. “C’est surtout plus lumineux. Le premier album était plus dark et plus renfermé” décrit Thomas. “On ne voulait pas que ça soit complètement différent de notre live, sans nécessairement que ça sonne complètement live poursuit Elie. On s’est laissé un peu plus de place pour faire n’importe quoi, quitte à se tromper et le garder. Des petites erreurs qu’on n’entend pas vraiment mais qui ont leur charme. Il n’y avait pas le stress du premier où c’était vraiment précis, où tous les petits sons étaient bien placés.” Ils ont grandi depuis Princess Flash, mais surtout ils se sont fait confiance. “Autant on s’est reposé sur Jace, autant on avait aussi plus d’expérience, on croyait plus en nos idées.” convient Elie. Bingo !
Un album de chums
De la confiance en soi et de l’apaisement émotionnel, là est la recette efficace de Monami. “Oui, c’est un album d’amour contrairement au premier qui était un album de peine d’amour confirme Elie, qui est l’auteur des textes. C’est non seulement être en amour avec quelqu’un avec les côtés positifs et négatifs, mais aussi être en amour de l’endroit où l’on vit.” Facile pour les autres de se retrouver dans les paroles d’Élie ? “T’en prends et t’en laisses” me répond Emmanuel, “quand ça parle de sentiment pour autrui, d’amour ou de haine, c’est vraiment facile de s’identifier, tu l’interprètes à ta façon” corrobore Thomas. “Moi, je tombe quatre fois en amour par jour !” admet Charles, dont la spontanéité fait rire les quatre autres.
C’est d’ailleurs à Charles que l’album doit son nom. “On niaisait souvent car j’avais un dépanneur (supérette ndlr) à côté de chez moi tenu par Alessio. Chaque fois il me disait : hey mon ami ça va ? J’ai commencé à dire mon ami et j’ai même voulu appeler un side project monami. On a trouvé ça beau pour l’album, alors on l’a condensé en un mot pour que ça sonne bien. Les Allemands et les Anglais vont peut-être prononcer monamaïe, mais ça sonne toujours bien. En plus, on l’a fait à Montréal pour que plein d’amis puissent venir collaborer, c’est un album de chums (de potes ndlr) !” Pas étonnant de retrouver lors de leur lancement aux Foufounes électriques Laurence-Anne, Hein Cooper, LaF et Choses Sauvages sur scène avec eux. Plus on est de fous…
Une petite surprise n’échappera pas aux oreilles des plus attentifs qui écouteront l’album jusqu’au bout du bout. Pour la première fois, on entend du français dans leur chanson “Fearfull Flower” qui clôt l’album. Ce n’est qu’une phrase répétée, car Élie est encore “très intimidé par le français. J’essaye d’écrire des pièces complètes mais j’ai de la misère. Cette chanson-là parle un peu de ma relation et de ce que j’aime dans le légendaire du Québec. Donc il fallait que je mette un peu de français sinon on allait me faire la remarque !”
“On ne misera pas une carrière sur la francophonie.”
Et surprise, les garçons ont préparé, non sans fierté, trois autres versions de ce titre (en français, espagnol et allemand), qu’ils souhaitent dévoiler bientôt. “On a fait ça en réponse à la question : pourquoi vous ne chantez pas en français même si vous êtes francophones ? Toutes ces langues sont aussi belles que les autres… Mais on chante en anglais, qu’est-ce que tu veux !” tranche Élie.
“C’était drôle d’essayer !” ajoute Emmanuel. “Il y a plus d’argent à faire au Québec en chantant en français… Mais on ne misera pas une carrière sur la francophonie. Si on arrivait à faire un buzz avec une chanson en français, ça serait cool en criss !” Et pour clore sur le sujet du français, ils tiennent à préciser qu’à la question “avez-vous déjà fait les Francos de Montréal” qu’ils se font constamment poser, la réponse de Thomas est claire : “non, on ne les a jamais faites parce qu’on chante en anglais la gang !”. Point à la ligne. Enfin presque.
En vrac, j’apprends également que le guacamole sur la poutine c’est un non direct, sauf pour Tony. Mais que l’ananas sur la pizza est vachement moins discriminée par les membres du groupe. Qu’ils ont fait des bas (des chaussettes ndlr) dans leur merch’ et qu’ils en sont plutôt fiers. Qu’ils peuvent jouer à des mariages, mais que ce sera cher et qu’ils refusent de faire des reprises. Que plusieurs des titres de l’album sont des contractions francisées de l’anglais (parfois née d’incompréhension en interne).
Mais surtout, que Foreign Diplomats sera de retour en France fin septembre, avec un passage à Paris. Et ça, c’est une super bonne nouvelle. Parce que ce nouvel album là, se savoure avec autant de plaisir qu’une poutine au guac’ de la Banquise pour certains ou qu’une pizza hawaïenne accompagnée d’une Coors Light à l’orange pour d’autres. Un high d’adrénaline qui assouvit les désirs les plus décadents.
Foreign Diplomats en concert :
https://www.foreigndiplomats.com/shows/
Propos recueillis par Emma Shindo (4 juin 2019, Montréal)