SHAME : “Le 3e album sonnera comme une combinaison des 2 premiers”

INTERVIEW – En mars dernier, on les interviewait à l’endroit même où les avait rencontré 5 ans auparavant. Interview de SHAME à l’occasion de la préparation du 3e album.

À la route du Rock édition hiver 2017, on rencontrait Shame pour la toute première fois (interview à retrouver ici). Ils avaient entre 19 et 20 ans, n’étaient pas encore entrés en studio pour enregistrer leur premier album, et commençaient tout juste à tourner à l’étranger. Cinq ans, deux merveilleux albums et un Covid plus tard, on a retrouvé Charlie Steen et Eddie Green au même endroit, à La Nouvelle Vague, pour une interview un peu spéciale…

Si ça vous va, j’ai pensé qu’on pourrait reprendre les questions d’il y a 5 ans et voir l’évolution.

Charlie : Wow, ok ! Il y a 5 ans, on était des enfants !

Eddie : Maintenant j’ai une Mercedes et 4 maisons ! *rires*

La première question, c’était à propos de votre nom de groupe, Shame. Vous disiez que c’était juste un nom temporaire !

*rires*

Il est toujours là, donc je suppose qu’il vous a finalement convenu !

Eddie : Ça a bien marché pour nous finalement ! C’est un nom que le père de Charlie [Forbes, le batteur, ndlr] avait ramené. C’est affreux.

Charlie : Tous nos amis, quand ils avaient entendu ce nom, pensaient que c’était un nom pour un groupe de heavy metal. On était assez embarrassé.

Eddie : Beaucoup en avait ri à l’époque. Maintenant, ils sont bien obligé d’approuver ! *rires*

Vous aviez 19 et 20 ans à l’époque et vous disiez « de toute façon, passé 21 ans, tu quittes le groupe ! »

Eddie : Merde, j’ai 25 ans maintenant !

Charlie : Et moi 24 !

Eddie : Tu as intérêt à t’accrocher à cette année ! Je ne pense pas que la dernière fois, on s’attendait vraiment à faire de ça notre métier.

Charlie : C’était probablement un de nos premiers festivals, une des premiers fois qu’on quittait notre pays.

Eddie : Ça remet les choses en perspective.

Un troisième album de Shame en préparation

Vous vous entendez tous toujours aussi bien ?

Eddie : Oui, ça se passe toujours très bien. On est toujours aussi heureux.

Charlie : Il y a eu le covid pendant 2 ans, alors on est davantage conscients de la réalité maintenant. On a moins ce regard naïf sur les choses. On a travaillé sur le 3e album, sur de nouvelles chansons. On retrouve le rythme. Il y a 5 ans, c’était plutôt …

Eddie : C’était plutôt « waouh, c’est incroyable ! ».

Donc vous travaillez sur le 3e album… Vous alliez enregistrer le premier la dernière fois. Comment ça se passe maintenant ?

Eddie : Ça se passe bien, on est passé par différentes phases dans l’écriture, on a eu quelques mois frustrants, où on bossait très dur tous les jours et on n’arrivait pas à sortir ce qu’on voulait sortir. Alors on a décidé de partir à la campagne pour quelques temps, et on a terminé par écrire beaucoup en 10 jours.

Charlie : On a environ 12-13 chansons pour le moment. Avec le 2e album, c’était très différent, on a commencé à enregistrer individuellement. Là, on en revient à l’approche qu’on avait au premier album : écrire tous ensemble dans la même pièce, jouer en live beaucoup avant d’enregistrer. Mais le premier album, c’est tellement différent, tu joues les titres tellement de fois en concert avant de les enregistrer. Et pour le 2e, tu essaies le contraire.

Eddie : On n’avait rien joué avant d’enregistrer…

Charlie : C’était peut-être un peu égoïste, mais on voulait vraiment que les chansons sonnent aussi tendues et neuves que possibles avant qu’on les joue.

Eddie : Pour nous, la performance live est une partie de la production au final, parce que ça change complètement la façon dont on perçoit les chansons, dont on les sent. Ça aide à emmener les chansons là où elles doivent être. 

Covid et scène, l’impossible équation

C’est ce que vous disiez finalement aussi il y a 5 ans, que la scène était la chose la plus importante pour vous. Comment s’est passé le covid alors ?

Eddie : Pas super bien, vraiment mal même. Ça nous a vraiment poussé dans une situation où on a dû se concentrer sur l’autre côté de la vie d’un groupe. Ce qui s’est avéré être une bonne et une mauvaise chose.

Charlie : C’était incroyablement difficile d’enregistrer en plein milieu du covid.

Eddie : C’était nul dans tous les sens imaginables : tu t’ennuies, tu ne gagnes pas un rond, tu ne peux rien faire de ce que tu aimes faire…

Charlie : Le début était pas mal, parce que tu avais tout ce temps libre. Mais pas pour longtemps…

Eddie : C’était fun pour genre 2 semaines, jusqu’à ce qu’on se rende compte que ça n’allait pas s’améliorer tout de suite !

Comment étaient les concerts devant des publics assis ?

Charlie : Avec le recul, je suis content qu’on les ait faits, mais c’était tellement étrange. Et difficile !

Eddie : À cause des jauges, on devait en faire un l’après-midi et un le soir, tous les jours.

Charlie : C’était comme un putain de cabaret !

Eddie : Cette tournée n’était pas vraiment… rentable ! * rires *

En février, vous avez retrouvé les “vrais” concerts avec des dates au Windmill de Brixton. Vous avez vraiment écrit les nouveaux titres joués là-bas en 2 semaines ?

Eddie : On marche bien sous la pression. On ne fait rien sans réel danger.

Charlie : Notre manager a booké les 2 dates au Windmill…

Eddie : … Et il nous a dit « si vous n’avez pas de nouvelles chansons, vous êtes foutus ».

Charlie : Donc il s’agissait de venir avec de nouvelles chansons ! On en a joué 9 là-bas. Et maintenant on en a 3 autres, donc…

Shame et son amour de la France

Il y a 5 ans, vous disiez de la France qu’on y trouvait les meilleurs publics et les meilleures bières… Vous y avez depuis enregistré un album (le 2e).

Eddie : On a enregistré le 2e album aux La Frette Studios. C’était génial, incroyable. On s’y sentait comme des rois, c’était fou.

Vous allez y retourner pour le 3e ?

Charlie : Non, non, on essaie de changer.

Eddie : On change toujours d’endroits pour les enregistrements. Le premier était à la campagne anglaise. On a monté en gamme pour le 2e avec un château parisien ! On n’est pas encore sûrs pour le 3e, mais comme on est toujours assez jeunes, on essaye d’avoir un maximum d’expériences différentes, pour ne pas s’enfermer dans une manière unique de faire.

On avait aussi parlé des messages que vous faisiez passer dans votre musique, et de la politique française avec Marine LePen…

Eddie : Est-ce qu’elle est toujours là ?

Eh oui, toujours là pour les présidentielles, et on a ajouté Eric Zemmour à l’équation de l’extrême droite maintenant…

Eddie : D’autres en plus ? Génial…

Est-ce que vous essayez toujours de faire passer des messages dans votre musique, ou est-ce que vous avez lâché l’affaire, le monde étant décidément perdu ? 

Eddie : On s’est rendu compte qu’écrire des chansons n’allait pas changer le monde ! * rires *
Non mais je pense que le 2e album était plus centré sur toi, Charlie, conceptuellement.

Charlie : Oui, et le nouvel album tourne plutôt autour des gens à nouveau, mais ce n’est pas autant porté sur les commentaires sociaux.

Eddie : Mais sur beaucoup d’aspects, le 3e album va sonner comme une combinaison du 1er et du 2e, en terme de musique et de paroles, c’est assez drôle.

Charlie : Mais c’est bon !

Est-ce que vous avez mis du saxophone dessus ? C’était un des sujets à l’époque !

Charlie : Mais on a essayé en fait ! Mais ça n’a pas trop bien marché.

Eddie : Je ne sais pas à quoi ça tient… Je crois que c’est Liam Gallagher qui disait que les gens qui jouaient du saxophone étaient juste « creepy ». Mais le saxophone est plutôt un instrument bizarre quand tu y penses, c’est assez vrai.

Charlie : Notre ami en a fait sur le premier album, sur un titre qu’on n’a pas gardé. Je crois que tout le monde utilise ce genre d’instrument maintenant. 

Le marché saturé du post-punk

C’est marrant parce qu’effectivement, il semble que tout le monde fasse le même genre de choses maintenant, comme du post punk en fait. 5 ans après, c’est partout !

Eddie : Ce n’était pas si cool quand on a commencé !

Mais oui, c’est presque trop maintenant. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Charlie : Je ne sais pas , c’est plutôt fou, quand on a commencé il y en avait si peu, et maintenant… Mais IDLES par exemple, on a fait des festivals avec eux à l’époque de leurs débuts, au 1er album.  Fontaines DC aussi, Black midi… On connaît ces groupes-là. 

Vous faites partis des anciens maintenant finalement. Il y a toute une nouvelle génération qui est là.

Charlie : Lounge Society, Black Country New road, Honey Glaze…

Eddie : Folly Group… C’est assez étrange parce qu’à l’époque quand on a commencé, les premières années, on se disait, ok, c’est peut-être beaucoup, et maintenant c’est presque trop gros. C’est assez fou.

Charlie : C’est à la fois positif et négatif. Positif parce qu’il y a plus de gens qui écoutent, mais négatif parce que c’est plus compétitif. Les gens ont plus d’options.

Eddie : Ça aurait été tellement plus facile si on avait été le seul choix ! *rires*

Maintenant vous êtes obligés d’être bons !

Charlie : Oui c’est ce qu’on se disait pour le 2e album,

Eddie : On se disait « ouh il y en a qui font des choses super compliquées maintenant… »

Ca vous a forcé à améliorer votre jeu ?

Charlie : Oui probablement ! Je crois qu’initialement, on se mettait beaucoup de pression pour être à niveau, mais maintenant avec les nouvelles chansons, on est plutôt sûrs de ce qu’on fait. On se compare moins, on fait notre propre truc.

Goûts musicaux et entrée en matière

Qu’est-ce que vous écoutez maintenant ? À l’apoque c’était New Order, Spiritualized…

Eddie : Spiritualized, waouh, c’était il y a des lustres… En ce moment j’écoute le nouvel album de Caroline, il est vraiment épatant.

Charlie : Jockstrap est très cool.

Eddie : Oui c’est vrai ! Tu sais qui je trouve génial ? Sam Fender. Il sait écrire des tubes.

Charlie : Il est devenu super célèbre. Il fait des concerts de 50 000 personnes maintenant à Londres.

On avait fini par parler de vos hontes musicales et du titre de Shrek (All Star – Smash Mouth), sur lequel vous envisagiez de rentrer sur scène. La dernière fois que je vous ai vus, vous rentriez sur Alors on danse de Stromae. Comment vous choisissez les chansons sur lesquelles vous entrez ?

Eddie : De façon géographique à peu près.

Mais Stromae est belge !

Charlie : Oui, mais Stromae c’est la plus grosse chanson qu’on connaît en français, c’était énorme quand on était petits!

Eddie : Mais tu as vu la vidéo Smash Mouth qui est sortie il n’y a pas longtemps ? Ils ont joué à un festival, ils sont si bourrés, le chanteur est parti en vrille… Il faut que tu regardes. Ca c’est une grosse honte musicale !

Merci à Shame et à La Route du Rock. Et à dans 5 ans pour un nouveau bilan ?