Route du rock 2022 : un vendredi entre calme et tempête sonore
FESTIVAL – Deuxième jour au fort de Saint-Père, avec un changement d’ambiance. Aujourd’hui, le programme est un peu plus doux. Juste un peu.
Ce deuxième jour de la Route du Rock, je l’attendais un peu moins que la veille. Les têtes d’affiche sont moins à mon goût, les groupes qui les précèdent moins rock. Mais ça tombe plutôt bien, pour un deuxième jour de festival extérieur, où on accuse le coup de la fatigue de la veille sans l’adrénaline du dernier jour.
Douceur et soleil à la Route du Rock
Je débarque le souffle court devant la scène des remparts pour Honeyglaze, pile poil à l’heure annoncée grâce à je ne sais quel dieu du timing. Je me rends compte qu’Anouska Sokolow est déjà sur scène, mais se débat avec son matériel. Un peu d’aide plus tard, le concert peut commencer. Un concert tout en douceur, et loin de ce à quoi je m’attendais. Le trio du sud londonien s’approche plus de l’ambiance créée à La Nouvelle Vague par Aldous Harding que de l’ambiance d’hier au fort avec Fontaines D.C. Une pop un peu planante, tenue par une voix de velours, qui va donner le ton de cette journée de Route du Rock. Et qui confirme que Dan Carey, patron du label Speedy Wunderground (Squid, the lounge society, black midi), a le chic pour signer les jeunes pousses.
Sur la grande scène et sous un soleil éclatant, Los Bitchos préfèrera faire bouger davantage les corps, au son de leur musique instrumentale mélange de pop turque, cumbia péruvienne… Bref, une joyeuse fusion qui n’est pas sans rappeler Altin Gün, forcément. Pas étonnant qu’Alex Kapranos (Franz Ferdinand) se soit laissé séduire pour les produire. Le ton est joyeux, la référence à Lindsay Lohan montre l’humour de la bande, et on ne peut que se laisser porter par les sourires et l’entente qui règne sur scène. Malheureusement, cela manque un peu de voix à mon goût.
Une histoire de songwriters
Mais pour cela, je trouve mon bonheur avec Porridge Radio. Va savoir, il y a quelque chose de différent chez Dana Margolin, compositrice et guitariste. Ses faux-airs de Sigourney Weaver époque Alien 3 ? Non. Sa façon de chanter avec sa voix écorchée, montant sur la pointe de ses pieds et vivant sa musique comme s’il était urgent de la faire sortir ? Assurément. Le résultat est magnétique. Les envolées puissantes, la batterie qui remue, les mélodies si jolies au clavier et cette caressante mélancolie… Et cette voix qui te prend en même temps droit aux tripes. C’est simple, la chair de poule est là, les larmes montent et je ne comprends pas comment j’ai pu passer à côté de cela depuis 2016 et leur premier album Rice, Pasta and Other Fillers. L’une des “nouvelles voix les plus vivantes de la musique alternative” il paraît. Oui. On confirme, oui.
On aurait préféré avoir le temps de se remettre de ces émotions avant Kevin Morby, mais il faut enchaîner. Le scène est aux couleurs de son dernier album : This Is A Photograph. On retrouve les mêmes roses au micro que lors de sa tournée européenne de 2020. Les détracteurs diront qu’avec lui, rien ne change. Ils auraient sûrement raison. Les derniers albums ne font pas dans l’original, mais continuent de creuser dans cette musique américaine aux racines profondes. Une veste dorée à la place du costume blanc, un saxophone à la place de la trompette, Kevin Morby déroule ses titres les plus récents, mais pas forcément les plus enthousiasmants de son répertoire. Malgré cela, son pouvoir indéniable de nous ramener avec lui au Texas est intact. Et c’est parfois suffisant pour tout un public. La fin du set sur “Parade” et “Harlem River” finira malgré tout de rappeler aux fans de la première heure pourquoi oui, décidément, il mérite qu’on continue à le suivre.
Groupes au long cours
On reste aux Etats-Unis avec DIIV, dont le parcours n’a pas été, comme on le sait, des plus tranquilles. A les voir aujourd’hui, tout cela semble bien loin dans le contraste se fait entre la voix de Zachary Cole Smith et le rythme sautillant de leur shoegaze grunge. Cette association veut-elle dire quelque chose ? Who cares. DIIV ressort les vieux tubes du tiroir, ceux qui fêtent leurs 10 ans cette année, et annoncent travailler sur un nouvel album. Sous leurs capuches à couleur fluo et derrière leurs baggys, ces garçons-là continuent de ravir les fans qui slamment joyeusement au rythme de leur musique.
Retour en Angleterre sur la grande scène, où le dandy crooner Baxter Dury débarque en tenue orange de condamné, pour un striptease d’ouverture. Sous la combi, un costume d’un blanc immaculé, qui apparaît avec toute la séduction et l’humour du british qu’on reconnaît bien là. Livre, compilation de ces meilleurs morceaux pour “glamouriser” son travail, on ne nous la fera pas. Baxter Dury appartient toujours à la scène et sait jouer avec son public. Avec l’appui de sa choriste en élégant fourreau rouge, il harangue la foule de ses “You love me, admit it”, et transforme la scène du fort en dancefloor sous son peignoir Prince Of Tears. Baxter Dury, un classique.
La Route du Rock et les costumes : une histoire d’interprétation
La Route du Rock ne serait pas la Route du Rock sans un groupe complètement barré. On avait vu passer quelques infos sur Snapped Ankles. Des infos qui incluaient les mots “post-punktronica“, “héritiers lointains de Devo”, “costumes de druides chamaniques”. Je n’avais pas compris. Maintenant, si. TOUT EST VRAI. En costume d’arbre ascendant serpillière, avec une béquille, des instruments qu’on a du mal à distinguer et un comportement d’ents sous amphets shootés à la lumière verte, le concert de Snapped Ankles est un bordel surexcité. Pas une minute de répit, pas question de s’arrêter : un concert de Snapped Ankles sera sautillant ou ne sera point.
Pour clore la soirée, le groupe qu’on ne présente plus : les Limiñanas. On ne les présente plus parce que la France n’a concrètement qu’eux pour se vanter d’être à la hauteur de la musique des US. On comprend. Déjà parce qu’ils sont sympas, ils étaient même venus la veille assister à quelques concerts. Ensuite parce qu’il faut dire que la France a beaucoup à se faire pardonner vu le temps qu’il a fallu pour comprendre leur qualité. Alors forcément, la France se rattrape ces dernières années. Mais voilà, c’est le problème. On les aime beaucoup hein, mais on les a déjà vus (à la Route du Rock notamment), et on sait qu’on aura maintes occasion de les revoir. Alors fin de cette dernière soirée ici.