Bad Juice et The Darts : le rock, le vrai, à la Boule Noire
LIVE REPORT – Les racines du rock se trouvent parfois à des endroits insoupçonnés. Bad Juice l’a montré à Paris ce samedi.
Devant l’offre pléthorique de concerts à Paris, il est souvent facile d’oublier que le rock « pur et dur » existe. Et qu’il existe surtout encore en France . C’est que le rock n’a plus vraiment le vent en poupe, si ce n’est la fameuse vague post-punk à laquelle on assiste depuis quelques années, mais qui touche trop peu la France. Mais il se trouve que partout chez nous, dans cette « province » qui n’est pas parisienne, il est plus facile de s’en souvenir. Alors parfois, le meilleur moyen pour s’en rappeler ici, c’est de guetter les premières parties de groupes français dans les concerts de rock de groupes internationaux. Ça a été le cas la veille avec This Will Destroy Your Ears et LIFE. C’est le cas ce soir avec Bad Juice en ouverture de The Darts.
Femmes fléchettes en plein dans le mille
Le concert de The Darts valait probablement à lui seul le déplacement, pour la rareté de leur venue en Europe. Quatre femmes en collants résille et capes toiles d’araignées, une esthétique très américaine et un son qui ne l’est pas moins… The Darts t’atteint aussi efficacement que les fléchettes dont elles tirent leur nom. Nicole, la chanteuse à l’orgue qu’elle fait balancer et dont elle se sert autant comme instrument que comme accessoire de style, concentre les regards. C’est elle qui fixe le rythme, interagit avec le public, séduit par sa voix et emporte par ses gestes. Mais le son garage noisy qui sort des amplis est bien réalisé à quatre fortes têtes. Et donne envie de se retrouver dans un rade au plancher collant au fin fond de l’Arizona. Dommage que le set n’ait duré qu’un peu plus de trois quarts d’heure, pied au plancher.
Heureusement, juste avant, il y avait Bad Juice. Duo strasbourgeois, l’un à la voix et aux fûts, l’autre à la guitare, ils ont ouvert par 40 minutes de ce rock pur et dur qu’on a tant de mal à trouver mais qui existe pourtant partout. Avec un doigt cassé et pas tout à fait remis pour le guitariste, et donc peu de concerts les derniers mois, il fallait réussir à ouvrir et convaincre une Boule Noire remplie d’afficionados du rock qui ont l’habitude de traîner un peu partout à la recherche de bon son. Mais rien de plus simple pour le duo, justement grâce à leur simplicité.
Bad Juice, l’alliance simplicité, efficacité et exigence
S’il y a bien un truc que j’apprécie dans ce genre de groupe, c’est ça. Pas de prise de tête, pas de démonstration de style ou de force, pas de blabla inutile. Ils ont l’assurance et la facilité des groupes qui en ont vu d’autres, jouent et tournent depuis des années (certains se souviendront des Swamp), et se connaissent comme leur poche. (Ok, Thomas et David sont frères, ça aide peut-être un peu à la connivence). Et leur musique est à leur image. C’est direct, ça ne tergiverse pas, ça ne perd pas de temps. ÇA JOUE.
Que ce soit les titres de leur premier album (“Boner Blues”, “Kids (Lalala)”…) ou ceux du dernier Stack-o-Lee (Family Man, The Holy Book…), le set est d’une fluidité incontestable. On ne peut pas résister à l’envie de taper du pied ou de remuer la tête, on apprécie la juste dose d’humour, et les petites touches de tambourin. Avec en plus de tout ça, une exigence de style et de son que ne renieraient pas les grands Jim Jones et John Spencer (avec qui ils ont d’ailleurs travaillé). Quoi, un groupe qui fait du rock, du vrai, du (très) bon, et tout ça en France ? Eh oui. Il existe, il s’appelle Bad Juice, et il vient de Strasbourg. Merci de vous en souvenir.