Bad Juice et Howlin’ Jaws : le retour d’une scène rock puissante
LIVE REPORT – La France serait-elle enfin en train de redonner au rock la place qu’il mérite ? On dirait bien…
C’est un groupe qui a le vent en poupe : première page des magazines musicaux, dernier album encensé par la critique, première partie des Black Keys au Zénith de Paris.. Depuis quelques mois, Howlin’ Jaws est partout. Et on commence à comprendre pourquoi avec ce concert à Laiterie Club.
Quand on les a découverts dans cette même salle en 2018, on avait été séduit par l’énergie du trio. C’était ça qui levait les doutes sur un groupe qui jouait alors peut-être un peu trop de leur nostalgie assumée pour les fifties et sixties. L’année suivante, au détour des Nuits de l’Alligator, ils confirmaient leur performance : Howlin’ Jaws était clairement un groupe de scène. Il restait à faire transpirer tout cela sur album et à passer à l’étape supérieure pour conquérir le monde. Avec Half Asleep, Half Awake, Djivan, Baptiste et Lucas ont enfin les cartes en main pour compléter leur jeu. Exit la contrebasse, les peignes et les cheveux gominés quand ils débarquent sur la scène surchauffée du club. Avec le titre éponyme de l’album, on comprend qu’ils ont décidé de gagner en simplicité, sans transiger sur le résultat.
Howlin’ Jaws : la montée en puissance
Et le résultat est un énorme kif. Les influences fifties et sixties sont toujours bien là, mais plus digérées, revisitées à la sauce psyché et s’enchaînant dans un rythme infernal. On a du mal à suivre les doigts de Lucas sur sa guitare, Djivan saute régulièrement sa basse en main et Baptiste et sa cowbell finissent d’enflammer le public déjà bien acquis à leur cause. Leur force est là : cette énergie, encore et toujours, celle qui leur fait tout donner et nous force à l’admiration quand on sait qu’ils donnent autant en zénith qu’en club. Celle qui les fait suer et venir nous chercher, tous, des plus jeunes femmes du premier rang aux vieux routards du rock. Et ce public-là est peut-être la meilleure preuve qu’Howlin’ Jaws est en train de prendre la place qu’ils méritent dans le monde du rock français.
Et on souhaiterait bien qu’il en soit de même pour Bad Juice. Quelle brillante combinaison que ces deux groupes sur une même scène. Parce que dans le genre “rock aux influences digérées et revisitées”, Bad Juice se pose là. Ce n’est pas Amour Noir, leur dernier brillant album, qui me contredira, ni même la température tropicale qu’ils ont fait grimper en salle. Avec une setlist idéalement constituée des meilleurs titres de leurs 2 derniers albums, ils profitent de la soirée pour fêter le nouvel LP et célébrer la réédition de Stack-O-Lee et Ding-A-Dong.
Bad Juice : de duo à quatuor
Une célébration qui nous permet exceptionnellement de voir Bad Juice à quatre, eux qui fonctionnent d’habitude en duo. Rejoints par Simon aux claviers et Tristan à la basse (que les plus fidèles reconnaîtront comme ancien membre de The Swamp), Thomas et David alternent entre les moments jouissifs de frénésie qu’on leur connaît (“Home Run”, “Stack-O-Lee”) et d’autres plus envoûtants (la magnifique “Pretending To Have Someone”, “Since You’ve Been Gone”), montrant une nouvelle direction à travers ces titres qu’on découvre. Toujours aussi rock, mais marqués de la patte de Gemma Ray, productrice de cet album enregistré à Berlin. Une touche féminine bienvenue dans un album aux faux airs de fin du monde (“Scenes From The Very End Of The Universe – And What Happens Next”) …
De l’énergie brute des décennies originelles du rock’n’roll aux mutations actuelles guidées par des musiciens qui refusent de se répéter, cette soirée avec Bad Juice et Howlin’ Jaws aura montré une chose. Le rock en France est en train, doucement mais sûrement, de reprendre la place qui lui est due. Avec des groupes comme eux, comme Lysistrata, comme The Psychotic Monks, on ne peut que se montrer optimiste. Et espérer que la nouvelle Laiterie saura redonner toute sa place à ce genre de soirée.
P.S. : Les Strasbourgeois le savent, les autres moins, mais je profite de l’article pour un petit hommage à cette salle, la Laiterie Club, qui fermera définitivement ses portes à la fin de la saison. C’était mon dernier concert dans ces murs. Je suis heureuse que cela ait été pour une si belle soirée. Mais que tu vas me manquer, petite scène de la Laiterie. J’emmène avec moi un nombre immense de souvenirs grâce à toi. Merci pour ton âme, qui sera restée rock jusqu’au bout, et pour toujours.