Serenades & Damnation de Dead Chic : un album à se damner
CHRONIQUE – L’heure du premier album est arrivée pour Dead Chic. Spoiler alert : c’est l’album de l’année. La preuve en une chronique.
On parle beaucoup de Dead Chic par ici depuis le début. Depuis le premier concert en janvier 2022, avec cette « évidente rencontre à suivre », dans une « ambiance western ». Puis en 2023 avec l’EP The Venus Ballroom, où on était prêt à parier que « toutes les chroniques se raccrocheront à des tas de références cinématographiques », tant les mecs de Dead Chic arrivaient à « transmettre une vision ». Alors maintenant, en 2024, à l’aube de la sortie de leur premier album Serenades & Damnation, qu’en dit-on ? On en dit qu’on avait visé juste, que leur vision est toujours là, et qu’on se croirait toujours dans un western, comme le notent toutes les chroniques de magazines. Mais tout se résume-t-il à cela ? Non. Alors on va laisser les références à Morricone et au cinéma de côté. Et on va tenter de prouver que cet album est grand. Bien plus grand que le désert.
Le temple Dead Chic
On aurait presqu’envie de dire que l’affaire est pliée dans les 5 premières minutes d’ouverture et se résume en un mot. “Hedonista”. Ce titre grandiose commence par la simplicité d’un orgue-voix qui donne le ton : on entre par “Hedonista” dans le temple Dead Chic. Un temple rempli d’anges, de démons mais surtout d’une galerie de personnages en tout genre qu’on va croiser sur notre chemin. Le pêcheur qui confesse ses addictions, la vénus qui séduit, le prophète, la sirène,… Tous cachés dans des paroles diablement cryptiques et délicieusement figuratives, à la richesse qui mérite qu’on s’y plonge. Tous prêts à nous raconter leur histoire si on les suit dans le dédale de ces sombres sérénades.
Et on les y suit à vrai dire les yeux fermés, envoûté par les mélodies orientales mi-inquiétantes, mi-intrigantes de la surprenante “Cuanto Cuesta”, qui nous amènent directement dans la secrète alcôve qu’est “Mirage”. On s’imagine spectateur derrière un moucharabieh et des voilages délicats, témoin invisible d’un sensuel pas de deux entre les voix sublimement complémentaires d’Andy Balcon et de la chanteuse turque Tuğçe Şenoğul. Une merveille dont on s’éloignera discrètement, au son de “Manchester”, où la voix plus susurrée de Balcon accompagne une mélodie qui n’est pas sans nous rappeler Chris Isaak.
Entre ballades sensuelles et classiques instantanés
L’étendue des talents du groupe ne se déploie pas que dans ces inattendues pépites, mais également dans des titres imprimés du « son Dead Chic ». Parce que c’est là bien l’immensité de l’album et du groupe. On identifierait déjà leur son entre mille. Dans les classiques instantanés que sont “Fortune”, “Romance”, “Paris”, sans compter la vrombissante et ultra-sexy “Pain, Love, Joy”, c’est l’ADN du groupe qu’on retrouve. Une base qui nous fait danser presque malgré nous, posée par la batterie de Rémi Ferbus. Une couche de claviers, avec cet orgue de Mathis Akengin qui teinte le voyage de couleurs tantôt inquiétantes, tantôt extatiques. Et cette guitare irrésistible, celle de Damien Félix, qui nous caresse dans le sens du poil tout en nous les dressant sur le bras, et qui nous guide exactement là où elle veut : au fond du piège qu’est la voix d’Andy Balcon à laquelle on reste scotché.
Ce piège, on le connaît bien pourtant. On l’expérimente systématiquement sur scène. Mais là encore, preuve de l’immensité de cet album (et de l’équipe qui se cache derrière, Peter Deimel au studio Black Box, et Flavien Van Landuyt), on retrouve toute l’instantanéité d’un live sur un album entier enregistré d’après la légende en seulement 3 prises. L’énergie folle, la fougue, la passion creusent et débordent de chaque sillon. Au point de redécouvrir une chanson comme “All Seasons Change”, entre délicatesse vocale à laquelle on n’est pas forcément habitué, (fausse) simplicité de l’accompagnement, et fin viscérale qui nous prenait déjà aux tripes en concert mais nous terrassera désormais à volonté sur disque.
Dead Chic en français
Au milieu de toutes ces émotions, l’album se clôt sur deux titres qui finissent de démontrer les multiples facettes du groupe, capable à la fois de produire un refrain en français des plus poétiques (“Souvenir”, troublante et obsédante), et une conclusion qui ouvre sur tous les possibles avec “Know Your Worth”, introspection finale qui nous fait refermer les portes du temple Dead Chic grandis, en laissant derrière nous un voyage immense, et en préfigurant ce que pourrait être la suite…
Alors on vous le dit, cet album est plus grand que le désert. Il est grand comme les cieux tourmentés qu’il tutoie. Et si ces cieux s’agitent pendant les onze titres qui composent cet album Serenades & Damnation, ils finissent surtout par faire souffler un terrible vent de liberté sur tous ceux qui l’écoutent.
Ça tombe bien, le monde en a bien besoin.